L'article L. 131-2 du Code monétaire et financier ne fait pas figurer la provision parmi les conditions de validité du chèque. Néanmoins, comme le montre l'arrêt de la Chambre commerciale du 18 juin 1996, la provision est indispensable lors de l'émission du chèque. En effet, dès l'émission, s'opère le transfert de cette provision au profit du bénéficiaire.
En l'espèce, une banque avait établi, sur ordre d'une société, un chèque de banque au profit d'un particulier. La banque avait bien endossé le titre et en avait crédité le compte du bénéficiaire désigné. Plus tard, la banque se ravisa en annulant l'écriture ainsi déjà faite, et effectuant ainsi, une opération de contre-passation. C'est ainsi qu'elle débita le compte du particulier du montant du chèque, et ré-crédita celui du donneur d'ordre. Le bénéficiaire réclama donc le montant du chèque à la banque, laquelle a prétendu ne l'avoir établi que par erreur.
La Cour d'appel débouta le bénéficiaire, car selon elle, le transfert de la propriété de la provision ne se fait que lors de la remise du chèque au bénéficiaire. Ainsi, puisque la fiche de remise de chèque ne comportait ni la signature du bénéficiaire, ni celle d'un mandataire, et que de plus, ce porteur n'avait pas protesté lorsqu'il avait reçu son relevé de compte mentionnant l'opération de contre-passation, il n'y avait pas lieu d'accueillir sa demande.
La question posée aux magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir comment se prouvait le dessaisissement pour un chèque de banque ?
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, en énonçant que le dessaisissement s'opérait par la présentation au paiement.
Ainsi, la Chambre commerciale rappelle dans cet arrêt, que le chèque est émis lors du dessaisissement du tireur au profit du bénéficiaire (I), et que la preuve de ce dessaisissement, dans le cas du chèque de banque, est rapportée par la présentation au paiement (II).
[...] La banque ne pouvait donc pas valablement contre-passer l'écriture ainsi faite. Tant pis si elle a commis une erreur en créditant le compte du dit bénéficiaire. L'indépendance entre l'existence et la cause du chèque Selon l'argumentation de la banque, celle-ci aurait encaissé le chèque au profit du bénéficiaire par erreur. D'ailleurs, celui-ci n'a protesté que 9 mois plus tard la contre-passation faite. Ainsi, du point de vue économique, la décision de la Chambre commerciale peut s'avérer contraignante pour le banquier. [...]
[...] Lorsque ce chèque a été créé, il n'est pas encore émis. En effet, selon l'arrêt de la Chambre commerciale en date du 18 décembre 1990, l'émission du chèque consiste à la fois en la création et en sa mise en circulation. En l'espèce, la mise en circulation a été réalisée par l'endossement du titre par la banque elle-même. De plus, celle-ci a même crédité le compte du bénéficiaire du montant de ce chèque. Les conditions de l'émission sont donc en principe remplies. [...]
[...] Selon la Chambre commerciale, en visant les articles 1377 et 1378 du Code civil, seule l'action en répétition de l'indu est déterminante en l'espèce. C'est uniquement dans le cas où le bénéficiaire aurait perçu indûment la somme litigieuse que la banque serait en droit d'en réclamer le remboursement. Or, en l'espèce, cela ne semble pas être le cas. Ainsi, à travers l'analyse de cet arrêt, lorsque la banque encaisse un chèque, surtout si celui-ci est créé par la banque elle-même, elle doit faire attention à ne pas créditer le compte du mauvais bénéficiaire, lors de la présentation au paiement. [...]
[...] La preuve en est que celui-ci n'a pas signé le bordereau de remise de chèque. De plus, sur la question de l'endossement, ce n'est pas non plus le bénéficiaire du titre qui a endossé celui-ci, mais la banque elle-même. Par conséquent, il n'y a pas eu circulation du titre. La provision n'a donc pas pu être transmise. Néanmoins, la banque a commis une erreur grossière, provoquant par la même occasion l'émission du titre. En effet, selon la chambre commerciale, il y a bien eu dessaisissement du tireur au profit du bénéficiaire. [...]
[...] C'est pour cela que la banque a aussi décidé de se placer sur le terrain de la cause. En effet, elle argue du fait qu'il n'était pas prouvé que le tireur fût redevable envers le bénéficiaire à quelque titre que ce soit. Cet argument est logiquement rejeté par la Cour de cassation. En effet, il est communément admis en doctrine et en jurisprudence que le titre existe indépendamment de sa cause. Le tiré n'a pas à vérifier la réalité de l'opération sous-jacente qui a fait naître le titre. [...]
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