Le 30 juin 2004, une décision de la première chambre civile de la Cour de cassation vient censurer au visa des articles 1134 et 1135 du Code Civil, la décision rendue par la Cour d'Appel de Paris le 20 octobre 2000, à propos d'une question d'augmentation exorbitante du prix pratiqué par une banque dans le cadre un contrat de louage de chambre forte.
Les faits en l'espèce sont assez simples : une banque (BNP) loue à une cliente, deux chambres fortes, selon contrats à durée indéterminée des 29 septembre 1987 et 3 février 1987, en prévoyant que le prix du loyer serait fixé par la banque à chaque période de location, et résiliables à tout moment, par chacune des parties, sous préavis d'un mois. Neuf ans plus tard, la BNP, par lettre du 18 juin 1996, avertie sa cliente, six mois à l'avance d'une augmentation de près de 150% du prix de la location (47 000 à 145 000 francs/chambre) ; la banque faisant valoir que l'évolution des charges de ses installations ne lui permettait pas de maintenir les prix « exceptionnellement bas » antérieurement pratiqués. Après protestations de la part de la cliente, la BNP accepte de fixer le prix de location des deux chambres fortes à la somme forfaitaire de 200 000 francs, soit 100 000 euros par chambre. Après avoir acceptée sous réserve la poursuite des contrats, la cliente a assigné la banque en dommage intérêts pour abus dans la fixation du prix.
[...] D'autant plus, qu'il est rapporté que la cliente a marchandé avec la banque pour bénéficier de nouveaux tarifs plus bas que ceux fixés à l'origine par la banque, passant de francs/chambre à francs/chambre. En résumé, la Cour de cassation se justifie en expliquant les raisons qui peuvent conduire à écarter l'abus, l'information du client sur la prochaine augmentation du prix de location d'une part, la possibilité qui lui est laissée de résilier le contrat d'une autre, et enfin le temps qui lui est donné pour rechercher des solutions alternatives. [...]
[...] Et par cette décision du 30 juin 2004, la première chambre civile répond par l'affirmative, en énonçant que la banque était libre de fixer le prix qu'elle entendait pratiquer De par la même, cette décision vient casser l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris le 24 octobre 2000 qui pouvait être analysé comme une consécration du solidarisme contractuelle, doctrine considérant que chaque partie devait avoir un comportement raisonnable et modéré, sans agir dans son intérêt exclusif, ni nuire de manière injustifiée à son partenaire. A l'opposé, la Haute juridiction sacralise la liberté contractuelle. [...]
[...] La Cour de cassation, pour légitimer sa décision, argue du fait que le professionnel, qu'est la banque, ne doit pas faillir à son devoir d'information en vers le client, véritable consommateur. D'ailleurs, en l'espèce, rien, selon la Haute juridiction, ne fait état d'un manquement aux obligations du professionnel, ce dernier ayant averti en avance, avec possibilité de préavis pour le client (ce dernier pouvant ainsi librement se renseigner sur les prix pratiqués par la concurrence), de son intention d'augmenter de façon substantielle les prix de location de ses chambres fortes, de sorte que le client était parfaitement libre de ne pas adhérer aux nouvelles conditions du contrat de louage de chambre forte pratiquées par l'établissement bancaire. [...]
[...] Les juges du fond estimèrent que la liberté qu'avait le bailleur de fixer, ou de modifier son prix de location unilatéralement sans motivation suffisante devait être analyser comme un abus de sa part, de sorte qu'ils ont estimé bon d'accueillir la demande de la cliente en lui accordant l'octroi de dommages-intérêts. Ainsi, la pleine liberté dont peut jouir le bailleur devait s'écarter devant le sacro-saint solidarisme contractuel. Que nenni s'exclama la Cour de cassation en venant casser la décision rendue par les juges d'appel de Paris. En effet, pour elle, le bailleur doit pouvoir jouir de sa liberté dans la fixation des prix de location comme il le désire, dès lors que le preneur est libre de renoncer à poursuivre la relation contractuelle qui les unissait. [...]
[...] De plus, la cliente a loué les deux chambres selon contrats à durée indéterminée résiliable pendant un préavis d'un mois. Aussi, il semble un peu difficile de caractériser au regard de l'espèce une situation dans laquelle la cliente était contrainte par l'établissement bancaire de poursuivre la relation contractuelle. Il est à noter que la dernière période contractuelle était venue à expiration, on pouvait aisément considérer qu'un nouveau contrat de louage de chambre forte, d'un loyer beaucoup plus important avait été proposée à la cliente, que cette dernière disposait alors du choix d'accepter, ou non, la nouvelle offre proposée par le bailleur. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture