Devenu essentiel à l'égard du contrat de cautionnement, le contrôle de proportionnalité ne s'applique que très peu, voire pas du tout, en matière de sûretés réelles. Cela parait évident lorsque l'on sait que la proportionnalité tend à prémunir le garant contre les risques d'endettement nés d'un engagement excessif. Tel est le cas qui nous est soumis dans l'arrêt du 24 mars 2009 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En l'espèce, dans le but d'acquérir les parts d'une société exploitant un garage automobile, une société s'est vue octroyer trois prêts par un établissement de crédit, prêts dont le remboursement était garanti par une hypothèque consentie par le gérant de la société et son épouse. La société emprunteuse ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, l'établissement de crédit a fait délivrer aux époux un commandement aux fins de saisie immobilière.
C'est ainsi que l'épouse du gérant a assigné le prêteur en responsabilité, demande rejeter devant les juges du fond.
Le pourvoi formé par le constituant contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, rendu le 15 janvier 2008, s'axe autour de plusieurs arguments.
L'épouse reprochait tout d'abord aux juges du fond d'avoir considéré qu'elle ne pouvait revendiquer la qualité d'emprunteur non averti, car ils se sont appuyés sur le fait qu'en tant qu'ancienne cogérante d'une société immatriculée et exploitant une station-service, l'épouse était en mesure d'apprécier les risques engendrés par l'acquisition des parts sociales d'une société de garage.
Ensuite, elle invoquait le fait que l'opération avait nécessité de recourir à un montage financier complexe, c'est à ce seul et unique élément qu'il fallait apprécier pour déterminer si l'épouse apparaissait comme une personne avertie ou profane et, par conséquent, si l'établissement de crédit avait manqué à son obligation de mise en garde.
Elle reprochait également aux juges du fond d'avoir tenu compte de la présence des conseils des époux pour écarter la responsabilité du prêteur.
Enfin, la constituante soutenait que le prêteur avait un devoir de s'informer sur la pérennité de l'opération envisagée. En l'espèce, il était reproché à l'établissement de ne pas avoir pris garde à une surévaluation des parts sociales acquises consécutive au bilan comptable faussé de la société.
Par ailleurs, il était reproché aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la banque, établissement de la société cible depuis plus de trente ans, ne pouvait pas détenir des éléments d'information qu'elle aurait dissimulée aux époux garants.
C'est le devoir de mise en garde du créancier dispensateur de crédit à l'égard du constituant qui était l'objet du litige.
Plus précisément la question de droit soumise à la Cour de cassation était la suivante : en cas de souscription d'une hypothèque, la banque est-elle tenue d'un devoir de mise en garde ?
[...] Il n'est toutefois pas certain, en droit positif, qu'un tel devoir de mise en garde jouisse d'une réelle autonomie dans la mesure où la Cour de cassation ne semble pas désireuse de l'envisager hors l'hypothèse d'une disproportion de l'engagement. Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 mars 2009 le montre. En l'espèce, sur le terrain de la proportionnalité du cautionnement, les juges du fond se sont vus censurés pour ne pas avoir recherché si l'une des cautions solidaires pouvait être considérée comme une caution non avertie et, dans l'affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à leur égard, [ . [...]
[...] D'autre part, le ou les biens engagés en garantie de la dette d'autrui peuvent composer l'essentiel du patrimoine du garant. Enfin, engageant ses biens en garantie de la dette d'un tiers ayant souscrit un crédit, le constituant limite ainsi sa capacité à avoir accès au crédit pour lui-même. Cependant le garant bénéficie d'une protection relative, en effet lorsque la sûreté constituée en garantie de la dette d'un tiers est une hypothèque, laquelle est toujours conclue par acte notarié, la Cour de cassation impose aux notaires d'appeler l'attention des constituants, sous peine d'engager sa responsabilité, sur l'importance et les risques des engagements, même proportionnés à leurs facultés, auxquels ils se proposaient de souscrire (Cour de cassation, 1ére civile novembre 2000). [...]
[...] La spécificité de l'arrêt du 24 mars 2009 ne tient donc pas à l'affirmation du caractère adapté et peu discutable de la sûreté pour autrui aux biens et revenus du garant, mais au lien crée entre cette caractéristique et l'absence de devoir de mise en garde pesant sur le créancier. Ainsi en matière de sûreté réelle pour autrui, dans la mesure où aucun risque d'endettement n'est caractérisé, la Cour de cassation a conclu à l'indifférence de la qualité du garant. [...]
[...] L'existence d'un risque pour le garant S'il n'existe pas un risque d'endettement, ce n'est pas pour autant que tout risque est ici absent. Pour la Cour de cassation, la sûreté réelle constituée pour autrui étant limitée au bien donné en garantie, elle est nécessairement adaptée aux capacités financières du constituant et aux risques de l'endettement né de l'octroi du crédit Cette formule liant le devoir de mise en garde aux capacités financières du garant et aux risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ou de l'octroi du crédit a été reprise par la Cour. [...]
[...] En outre, la Cour écarte toute discussion sur la qualité des parties en présence, notamment quant à la qualité du garant. L'absence d'un risque d'endettement du garant Avant que l'arrêt du 2 décembre évince le concept de cautionnement réel et exclût que ce type d'engagement ait une nature mixte, la Cour de cassation avait déjà adopté une solution dans laquelle naissent les prémisses de cet arrêt du 24 mars 2009. Dans un arrêt du 9 juillet 2003, où une caution réelle hypothécaire demandait réparation du préjudice subi du fait d'une disproportion de son engagement au regard de ses biens et revenus, la première chambre civile de la Cour de cassation avait considéré que ce préjudice ne pouvait être équivalent à la dette toute entière mais seulement à la mesure excédant les biens que la caution pouvait proposer en garantie». [...]
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