Selon l'article L511-21 alinéa 6 (ancien article 130 alinéa 6) du Code de commerce, « l'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur ». Bien que l'interprétation de cet article semble établie de manière constante par la jurisprudence, il n'en demeure pas moins qu'elle suscite quelques contestations, comme en illustre l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 30 juin 1998.
En l'espèce, le gérant d'une société (la société APC, le tiré) avait souscrit des mentions d'aval sur quatre lettres de change tirées par une autre société (la société PIC) sur la première, le bénéficiaire de ladite garantie n'ayant pas été précisé.
Par la suite, le tireur, qui était resté porteur des lettres, a intenté une action en paiement du montant des effets à l'encontre du donneur d'aval, après que le tiré se soit avéré défaillant. La cour d'appel de Lyon a, par un arrêt du 22 février 1996, débouté le tireur de sa demande en refusant de déférer un serment décisoire.
La Cour de cassation devait donc encore une fois se prononcer sur une question déjà tranchée à de nombreuses reprises depuis 1960 : la présomption posée par l'article L511-21 constitue-t-elle une règle de preuve pouvant être contredite par une prestation de serment décisoire ?
[...] La Chambre commerciale a réaffirmé le principe dans un arrêt datant du 10 octobre 2000 : l'article 130 alinéa 6 ne formule pas une règle de preuve, la présomption qu'il instaure ne peut donc pas être contredite par une renonciation implicite. L'application du caractère irréfragable de la présomption Cette présomption est jugée comme trop stricte par une partie de la doctrine en ce qu'elle nie parfois la réalité. Il n'en demeure pas moins qu'elle assure la sécurité de la traite et à fortiori sa circulation, ce qui explique sans doute pourquoi la Cour maintient cette conception. [...]
[...] Toutefois, l'assertion est ici quelque peu différente, puisque comme l'affirme la Cour, l'article L511-21 alinéa 6 ne formule pas une règle de preuve. Dès lors, on est en droit de s'interroger sur la nature de cette présomption ne constituant pas une règle probatoire. La doctrine est partagée : pour certains, dont Bonneau, il s'agit d'une règle de forme ; pour Roblot, il s'agit d'une règle de forme substantielle tandis que d'après Gibirila, il s'agit d'une règle de fond. Lorsqu'une présomption est édictée à titre de règle de fond ou de règle de preuve, c'est moins le fait supposé qui compte que la règle elle-même, de sorte que la question qui se pose n'est pas de savoir si l'on peut ou non admettre la preuve contraire, mais s'il y est dérogé par une autre règle de fond ou de forme. [...]
[...] La position en faveur d'une présomption simple parait donc légitime. C'est en ce sens que Becqué et Cabrillac proposent une distinction selon que le recours cambiaire exercé contre le donneur d'aval l'est par le tiers porteur ou par le tireur porteur irréfragable dans un premier cas, la présomption serait simple dans le second Il semblerait opportun, voire nécessaire, d'indiquer le nom de l'avalisé dans la mesure où, à défaut, l'aval est réputé donné pour le tireur parle alors d'aval anonyme-, la présomption est irréfragable, et les effets sont regrettables. [...]
[...] Le porteur doit fournir la preuve de l'existence d'un cautionnement ordinaire, au sens de l'article 2011 du Code Civil, en faveur du tiré au moyen d'éléments extérieurs au titre. Admettre cette possibilité enlèverait une grande partie de sa portée pratique à la solution donnée par l'arrêt du 30 mai 1998. La question est épineuse car l'exigence d'éléments extérieurs au titre est ici difficile à apprécier. Le tireur resté porteur de l'effet n'est toutefois pas sans ressource, puisqu'il peut rapporter par d'autres éléments que l'aval lui-même, la preuve selon les règles du droit commun, que le donneur d'aval a entendu s'engager pour garantir la dette du tiré (Cass. [...]
[...] En effet, dans sa solution, la Cour met en exergue, en débutant par là son raisonnement, l'absence de règle de preuve. On est donc en droit de supposer que tout autre mode de preuve aurait été rejeté de la même manière. Cette solution est simple, et répond au formalisme du droit cambiaire afin d'asseoir la sécurité de l'effet de commerce et sa circulation. C'est d'ailleurs sur le terrain du formalisme qu'a statué la Cour de cassation en l'espèce. Ce dernier va alors résider dans la désignation du débiteur garanti et dans le rejet du serment décisoire comme moyen de preuve contraire dans le but d'écarter toutes incertitudes sur la portée des engagements cambiaires. [...]
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