Un commerçant dans le cadre de son activité professionnelle a livré un lot de téléviseurs à la société Charcot pour un prix total de 85 000€. Il a tiré une lettre de change qu'il a escomptée auprès de son banquier.
Le rapport de créance fondamental est le rapport qui unit le commerçant créancier et la société Charcot débitrice qui lui doit une somme de 85 000€. La somme de 85 000€ correspond donc à la créance de provision. Le commerçant a tiré de ce rapport de créance fondamental un effet de commerce qui est la lettre de change, et a donné l'ordre à la société Charcot de payer à une date déterminée la somme de 85 000 € à la banque. Le tireur, le tiré, et le bénéficiaire sont donc respectivement le commerçant, la société Charcot et la banque. Le crédit indirect accordé par le bénéficiaire au tireur est la créance de valeur fournie.
Le bénéficiaire a présenté au paiement la traite à l'échéance, mais le tiré a refusé de lui payer les 85 000€, en lui indiquant, d'une part, que la lettre de change n'était pas valable puisqu'il manquait la mention relative au lieu du paiement, et que d'autre part en toute hypothèse, elle est elle-même créancière du banquier à hauteur de 50 000€, en sorte qu'elle ne devrait lui régler que 35 000 € après compensation. Le bénéficiaire menace de se retourner contre le tireur.
Trois questions de droit sont à envisager : tout d'abord quelle est la sanction applicable du défaut de mention relative au lieu du paiement dans une lettre de change ? Ensuite, est-ce que le tiré peut opposer au bénéficiaire de la lettre de change c'est-à-dire la banque l'exception de compensation provenant de ses rapports personnels avec elle ? Enfin, quels sont les recours envisageables pour le bénéficiaire ?
[...] L'acte en l'espèce a perdu toute valeur cambiaire. Cependant, on peut considérer qu'il vaudra commencement de preuve par écrit puisque toutes les autres mentions obligatoires semblent être réunies de l'engagement de payer du tireur envers le bénéficiaire. Selon l'article L 511-12 du code du commerce les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant sciemment la lettre de change, n'ait agi en fraude aux droits du débiteur. [...]
[...] Le bénéficiaire d'une lettre de change a donc un recours de la provision. La doctrine estime que lorsque la lettre de change a été acceptée par le tiré, dès la remise de la lettre au porteur, celui-ci acquiert définitivement la provision. En revanche, lorsque la lettre de change n'a pas été acceptée par le tiré le droit sur la provision n'est éventuel jusqu'à l'échéance. L'article L 511-10 alinéa 1 du code du commerce prévoit que l'endosseur est le garant de l'acceptation et du paiement de la traite. [...]
[...] En l'espèce, le tiré c'est-à-dire la société Charcot invoque une exception de compensation contre la banque. Il s'agit d'une exception tirée d'un rapport personnel entre le tiré et le bénéficiaire, par conséquent l'exception de compensation peut être invoquée. L'endossement transmet l'ensemble des droits qui sont attachés à la lettre de change, ainsi, l'endossataire peut agir contre tous les débiteurs cambiaires. De plus, selon l'article L511-7 alinéa 3 du code du commerce, la propriété de la provision est transmise aux porteurs successifs. Elle se transmet indépendamment d'une acceptation par le tiré. [...]
[...] Selon l'article 511-1 du code de commerce, huit mentions sont obligatoires pour que les conditions de forme relatives à la création de la lettre de change soient remplies. Il doit y avoir la dénomination de la lettre de change dans le texte même du titre, exprimé dans la langue du titre, la mention d'un mandat pur et simple de payer une somme d'argent, le nom du tiré, l'échéance, l'indication du lieu de paiement , le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait, l'indication de la date et du lieu de création de la lettre de change, la signature du tireur. [...]
[...] Selon la jurisprudence commerciale, il est possible de régulariser jusqu'au jour de la présentation au paiement, les mentions manquantes sauf celles concernant la dénomination de la lettre de change, la signature du tireur, la date et le lieu d'émission. La régularisation n'a d'effet complet qu'à l'égard des parties dès lors qu'elles ont toutes accepté la lettre de change. En l'espèce, il manque la mention relative au lieu du paiement. Il s'agit d'une mention obligatoire. Il n'y a pas eu régularisation de la lettre de change puisqu'au jour de la présentation au paiement à l'échéance, la lettre de change ne comportait pas cette mention, l'acte ne peut donc pas valoir lettre de change. [...]
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