Il est courant de regrouper l'ensemble d'une opération de transport sous le terme de chaîne de transport dont chaque intervenant constitue un maillon. C'est la multiplication des intervenants et la succession des responsabilités qui a conduit la pratique, au cours des siècles, à recourir à des procédés juridiques que l'on peut qualifier de mécanisme de transmission de droits.
La subrogation fait partie de ces mécanismes.
Dans une première approche, le terme d'origine canonique de « subrogation » évoque l'idée de remplacement. « Sub-rogare », c'est littéralement « demander sous », c'est-à-dire sous le couvert de quelqu'un. La subrogation peut alors se définir dans un sens large, comme la substitution dans un rapport juridique, soit d'une chose à une autre et l'on parle alors de subrogation réelle, soit d'une personne à une autre.
La subrogation est la substitution d'une personne à une autre, la première bénéficiant alors de tous les droits de la seconde. La subrogation peut être légale ou conventionnelle. Elle est conventionnelle lorsqu'elle résulte d'une convention conclue à cet effet (subrogation conventionnelle prévue par l'article 1250 du Code civil), et légale lorsqu'elle résulte de la loi. Dans ce dernier cas, deux subrogations légales distinctes peuvent être invoquées par l'assureur, suivant les circonstances : la première spéciale à l'assurance prévue par l'article L 121-12 et la seconde, générale, prévue par l'article 1251 du Code civil. En matière maritime, la subrogation est codifiée aux articles L 172-29&s du Code des assurances.
Le recours de l'assureur existait avant même qu'il ne repose sur un support juridique quelconque. Ainsi, M. CAPITANT, dans un article qualifié d'« essentiel » , remontant aux origines de la subrogation de l'assureur, a mis en relief la préexistence de cet usage en matière d'assurance maritime qui fut la première pratiquée, si profondément ancrée que la doctrine n'avait nullement cherché à le remettre en cause. C'est cette ancienne tradition que les compagnies d'assurance, lorsque s'est introduite la pratique des assurances terrestres, ont invoqué pour se prétendre subrogées dans les droits de leurs assurés. C'est l'usage, et lui seul, qui servirait de fondement à la subrogation.
Ainsi, la subrogation fit son apparition en assurance terrestre par la loi du 13 juillet 1930 ; celle-ci énonce dans son article 1er que « la loi ne concerne que les assurances terrestres » et qu'elle « n'est applicable ni aux assurances maritimes ni aux assurances fluviales ». Depuis cette date, deux domaines législatifs sont distincts, celui de la loi terrestre et celui de la loi maritime ou fluvial.
La loi de 1930 fut codifiée dans le Code des assurances aux Titre I et II.
Toutefois, d'un point de vue législatif, l'histoire de la subrogation personnelle remonte aux origines les plus lointaines ; elle est peut-être aussi ancienne que l'institution des assurances.
Deux institutions romaines sont à l'origine de la subrogation personnelle : la cession d'actions et la successio in locum creditoris . C'est l'édit d'Henri IV de mai 1609, pièce capitale de l'histoire de la subrogation, qui est le premier texte réglementaire en la matière. La subrogation se présente ainsi comme un service d'ami dans les rapports entre le subrogeant et le subrogé, mais également dans les rapports entre le subrogé et le débiteur ; on la distingue classiquement de la cession de créance, opération spéculative .
Pour la doctrine, au XIXe siècle, la subrogation c'est d'abord le fondement du recours de la caution, du tiers détenteur ou du coobligé solidaire qui ont dû acquitter la dette et qui n'entendent pas en supporter le poids. Elle met l'accent sur une règle essentielle de l'institution : le subrogé, à la différence du cessionnaire de créance, ne peut recourir que dans la mesure du paiement.
La présentation du paiement avec subrogation comme office d'ami devient alors très générale, ainsi MOURLON, dans son « Traité théorique et pratique des subrogations personnelles », paru en 1848, le souligne dès son introduction. DEMOLOMBE, dans son « Cours de Napoléon », énonce que le subrogé est un esprit bienveillant.
Ainsi, nous pouvons voir que la subrogation personnelle est une institution d'équité par excellence.
Cette notion d'équité prend toute son ampleur en droit maritime et le respect de ce pilier historique de la subrogation est une condition importante du maintien de l'équilibre fragile entre les intérêts divergents qui s'affrontent au cours du contentieux maritime et notamment en matière d'assurances maritimes.
Le contentieux de la subrogation de l'assureur est l'un des plus abondants qui soient, et être au fait des modifications apparues, permet à un assureur de mener avec succès son recours subrogatoire. Dans le cas contraire, les conséquences pourraient être néfastes puisque, au final, il serait conduit à supporter seul la charge d'un sinistre. L'enjeu financier est assez important en matière maritime et a impact sur le développement économique mondial.
L'objet de ce mémoire sera de faire état de l'évolution de la jurisprudence relative au recours subrogatoire en assurance maritimes de facultés, et de comprendre ses récentes évolutions. Nous tenterons de mettre en exergue les changements survenus dans ce domaine.
Pour notre étude, nous considérerons l‘assurance sur « facultés » qui concerne les marchandises, et nous exclurons l'assurance « corps » qui concerne le navire. Ce choix s'explique par le fait que l'assurance sur facultés satisfait à des besoins de garantie en harmonie avec les exigences du commerce moderne. Cette forme d'assurance épouse les textes législatifs.
Afin d'assimiler ce mécanisme ainsi que ses évolutions récentes nous allons traiter le recours subrogatoire en deux parties.
Dans une première partie, et afin de mieux cerner le sujet, nous étudierons le droit commun de la subrogation, car les dispositions légales sont nombreuses et importantes. Puis, dans une seconde partie, nous étudierons la mise en œuvre des conditions de la subrogation en matière maritime et leurs sanctions par les tribunaux, ainsi que les spécificités du droit maritime face à la subrogation.
[...] GROUTEL, la renonciation de l'assuré relèverait de la déclaration de risque. En effet, l'assureur doit au moment de la souscription évaluer le risque et donc, s'il y a une renonciation, cela change sa vision du risque. L'assureur doit donc prendre soin, lors de la conclusion du contrat, d'insérer dans le questionnaire destiné à l'assuré une question précise portant sur l'existence d'une renonciation à recours. Ainsi, il s'agira d'une fausse déclaration et donnera lieu à une surprime. Mais si le questionnaire ne prévoyait pas cette question, l'assureur ne pourrait pas invoquer une fausse déclaration du risque. [...]
[...] [144] CA Aix-en-Provence, 2e ch mai 1991, MGFA COTUNAV, Lamyline. [145] CA Paris, 5e ch 12 nov 2003,CA Aix-en-Provence, 2e ch 27 mars 1997. [146] CA Paris, 5e ch avr 1997, Danzas et Helvetia la Réunion européenne, Lamyline. [147] Cass.com mars 1996, 94-12524, Lamyline. [148] Cass.com déc 1965, BT 1966, p 88. Aix fév 1962, BT 1962, p 372. [149] Le recours de l'assureur facultés contre le transporteur maritime, DMF 2005, note J.C.Vincent. [...]
[...] En 1985, la Cour de cassation a restreint ce droit d'action en énonçant que : l'action en réparation ne pouvait être exercée, en cas d'émission d'un connaissement à ordre, que par le dernier endossataire ou le cessionnaire de sa créance, à l'exclusion du chargeur[116] La Cour s‘est fondée sur l'article 49 du décret du 31 décembre 1966. Et tandis que la Chambre commerciale maintenait cette analyse, les Cours d'appel se divisaient sur la position à adopter. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence restait fidèle à la position qu'elle avait adoptée en 1983 dans l'affaire du Navire Tougourt[117]. [...]
[...] En conclusion, l'exception de subrogation ne semble pouvoir être invoquée pour l'intégralité de la garantie d'assurance que lorsque la renonciation à recours non acceptée par l'assureur solvens a été consentie par son assuré à son cocontractant, ainsi qu'à l'assureur de responsabilité de ce dernier. Se pose alors la question de savoir si la renonciation avait été consentie postérieurement à la conclusion du contrat d'assurance. La solution aurait- elle été différente si cette renonciation avait été antérieure ? La réponse à cette question se trouve dans l'arrêt du 17 février 1987. [...]
[...] Bonassies et Ph. Delebecque, Le droit positif français en 2003 DMF 2004, 95, p 84 ; [109] J. Vincent, S.Guinchard, Procédure civile, 27ème édition, Paris, Dalloz, n°99. [110] Ass. Plén déc 1989, Navire Mercandia, DMF 1990, p 29&s, 151&s, note P.Bonassies. [111]Cass.com avr 1993, Navire Mourales, DMF 1993, note Y.Tassel. [112] Cass.com déc 2000, Navire Norberg, n°208, p 180, rapport de Monteynard, DMF 2001, p 226, note P.Bonassies, p229&S ; [113] L.Cadiet, E.Jeuland, Droit judiciaire privé, n°471. [...]
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