La mémoire collective nous donne de l'abordage une idée quelque peu romantique, celle de l'ancêtre du capitaine Haddock, commandant la Licorne, et montant à l' « abordage » des navires de rencontre, pour les piller, les capturer ou les couler. En effet, l'abordage était la forme de combat que préféraient les corsaires ; c'était une vieille méthode d'attaque des navires armés militairement…..
Pour le maritimiste contemporain, la notion est différente, au point même que la jurisprudence la plus récente refuse, à juste titre, de traiter comme « abordage » l'éperonnage volontaire commis par l'équipage d'un navire à l'encontre d'un autre.
Aujourd'hui, dans le langage de la marine marchande, un abordage en mer est une collision de deux navires par accident. La collision peut avoir lieu avec un navire de surface ou un sous-marin, ou bien encore, avec un navire réduit à l'état d'épave immergée ou même seulement partiellement immergée. Cela s'est produit dans l'affaire récente du navire voiturier Tricolor, en Mer du Nord, qui fût abordé plusieurs fois en quelques jours, tant à l'état de navire qu'à celui d'épave. Il y eut, à chaque fois, un événement de mer distinct, qualifié d'abordage.
L'abordage continue en effet de constituer le principal risque de la navigation maritime, sauf qu'aujourd'hui il n'est plus seulement redouté du seul équipage et /ou des passagers des navires mais également de toutes les populations côtières, du fait des énormes volumes et de la nature polluante des cargaisons transportées. Imaginons le désastre qu'aurait pu représenter l'abordage du Vasco de Gama, éthylénier, devant le Terneuzen, qui n'a, heureusement pas eu de cuve touchée… Selon les spécialistes, si une seule des cuves du navire s'était déversée brutalement dans l'estuaire, l'explosion se serait fait sentir jusqu'à Anvers où plus aucune vitre ne serait restée en place.
Certes, le développement des appareils de navigation a diminué la fréquence des collisions, mais l'accroissement des tonnages et des vitesses en ont augmenté la gravité, si bien que le régime du droit de l'abordage conserve toute son importance.
A l'heure actuelle, sur les routes maritimes, naviguent des porte-conteneurs de plus de trois cent mille tonnes, des navires « à grande vitesse » qui voguent à plus de trente-cinq nœuds.
Les navires manoeuvrent, certes, beaucoup plus facilement, mais leur envergure fait qu'une attention particulière et l'assistance de plusieurs personnes à la passerelle ou à l'arrière du navire, sont nécessaires.
Au cours de cette étude, nous nous attacherons à définir la notion d'abordage maritime, notion vague qu'il convient de préciser davantage. En effet, aucune définition légale n'a vraiment été donnée de l'abordage, tant dans la Convention que dans la loi française. Ainsi, la jurisprudence a été confrontée à l'apparition de nouveaux engins nautiques, et s'est donc posée la question de savoir si la législation sur l'abordage leur était applicable. Toutefois, pour que ces règles soient applicables, il faut que certaines conditions soient remplies et, dans certains cas d'espèces, il est nécessaire de recadrer le champ d'application de la législation (Première partie).
Nous étudierons ensuite les conditions de la responsabilité en matière d'abordage maritime, et principalement la nature de la faute génératrice de responsabilité, ainsi que l'étendue et les possibilités de limitation ou de garantie de cette responsabilité(Deuxième partie).
Enfin, comme en toute matière, l'abordage donne lieu à un contentieux. Nous verrons donc les problèmes de compétence et de prescription qui peuvent se poser. (Troisième partie).
[...] D'autre part les écoles nationales de la Marine marchande française depuis quelques années forment leurs futurs officiers aux manœuvres anticollision, grâce aux simulateurs de navigation, qui sont de véritables reconstitutions de situations réelles. Malgré tous ces progrès, toutes ces règles et conventions élaborées, la place de la faute humaine tient une place primordiale. Certes, il est possible de réduire les erreurs, mais on ne peut pas éradiquer totalement la faute de l'homme, ce qui est la cause principale des abordages. [...]
[...] [202] CA Rouen mars 1954, DMF 1954, p661. [203] Tb. Com Seine nov 1954, DMF 1955, p686. [204] CA Rouen mars 1962, DMF 1963, p 81. L'arrêt considère comme raisonnable un délai de six mois pour trouver un navire de remplacement, en l'espèce. [205] Sent.arb juill 1957, DMF 1958, p178. [206] CA Aix, 2e ch, 1er juin 1990 : Juris Data 047417. [...]
[...] La Conférence d'Amsterdam de 1904, s'était ralliée à un projet de triple compétence. Le Comité maritime international à la Conférence de Paris de 1937 avait examiné deux projets sur la compétence pénale et sur la compétence civile en matière d'abordage. Les deux projets étaient restés en souffrance durant quinze ans. La question a été reprise après l'affaire du Lotus (1952). La Conférence Diplomatique de Bruxelles, dans sa neuvième session, tenue du 2 au 10 mai 1952 a adopté les deux projets de 1937, ainsi qu'une troisième Convention portant sur la saisie. [...]
[...] La prescription doit être invoquée par la partie intéressée. Le juge ne peut la soulever d'office. Elle peut être invoquée en tout état de cause, et même devant la Cour d'appel pour la première fois[264], mais non devant la Cour de cassation[265]. Les personnes intéressées peuvent y renoncer. Pour cerner la prescription dans son ensemble, il faut s'intéresser au délai, à son domaine d'application et à ses causes d'interruption. Section 1 : Délai de la prescription Le Code de commerce prévoyait que le demandeur devait, dans les 24 heures, élever une protestation, mais encore qu'elle soit suivie, dans le délai d'un mois, d'une demande en justice. [...]
[...] La France a appliqué cette solution. En effet pour la doctrine et la jurisprudence, ce rattachement constitue une règle constante de notre droit international privé en matière de conflits de loi. Le fondement de cette règle, c'est l'article 3 du code civil : cette loi qui régit la responsabilité civile d'une personne est une loi de police et de sûreté ; elle régit donc tous ceux qui habitent le territoire, même s'ils sont de nationalité étrangère. RIPERT affirmait que la responsabilité qui incombe à l'armateur envers les tiers victimes de l'abordage ayant une nature délictuelle ou quasi- délictuelle et la loi qui régit une telle matière étant une loi de police et de sûreté, il faut appliquer la loi française à tous les abordages survenus dans les eaux territoriales françaises[19] En jurisprudence, il a été jugé que les suites d'un quasi-délit commis dans les eaux territoriales françaises ne peuvent être régies que par les dispositions de l'article 3 du Code civil à l'exclusion de la loi du pavillon[20]. [...]
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