Histoire du droit (1880-1945) : La tentation fasciste des intellectuels

Extraits

[...] En juin 1935, Mounier publie dans sa revue le compte rendu de ce colloque : les textes ne sont pas écrits sous l'exaltation du moment puisque Mounier a pris soin de les réécrire. Or ce compte rendu est on ne peut plus chaleureux à l'égard du fascisme italien : « Il faut d'abord . dire l'hommage de notre jeunesse aux hommes que nous avons rencontrés. Leur jeunesse, leur ferveur, leur combativité, après treize ans d'exercice du pouvoir, qui use tant d'hommes, sont une présence capable de guérir définitivement qui les fréquente pendant quatre jours, des éloquences forcées et inhumaines de nos politiciens de droite et de gauche. [...]

[...] Alexandre Marc en appelle alors à toutes les formes de révolutions qui cherchent à abattre le libéralisme et la démocratie : c'est donc logiquement qu'il rend un hommage appuyé aux nationaux socialistes dans leur effort pour briser en Allemagne la République de Weimar : « Devenir national-socialiste, c'était pour un jeune allemand, faire preuve d'indépendance par rapport au désordre établi. C'était condamner un monde sans grandeur livré aux lâches compromissions du libéralisme et à la tentation du matérialisme. C'était affirmer hautement les vertus d'une discipline librement acceptée dans un monde corrompu et dégénéré. Les jeunes national socialistes étaient mus par un besoin sincère de grandeur spirituelle . ils voyaient dans une organisation militaire la possibilité d'une exaltation héroïque et d'une éducation collective ». [...]

[...] Mais c'est surtout à la haine du « monde moderne » de Péguy que Mounier donne de l'ampleur. Avec l'avènement vers 1880 du « part intellectuel, de l'ambition politique », le socialisme et la République sont entrés dans la voie de la décadence. Mounier fait ainsi l'éloge de l'antipositivisme de Péguy, le positivisme de la Troisième République étant « la corruption de l'organique en mécanique, du mystique en politique, de la vie spirituel en inscription sociale ». C'est pourquoi, dit Mounier en commentant Péguy, il faut « renoncer à l'illusion du progrès continu ». [...]

[...] C'est d'ailleurs dans la voie du communisme que Mounier s'engagera après 1945, prouvant par là qu'il appartient toujours à un courant idéologique franchement hostile aux valeurs du démo-libéralisme. II. Robert Aron, Arnaud Dandieu et la Revue Ordre Nouveau C'est en 1929 que se constitue le groupe d'intellectuels qui se réclame de l'étiquette « Ordre nouveau ». Les principaux animateurs de ce groupe non-conformiste sont Alexandre Marc (qui rejoindra Esprit à la fin des années trente pour en devenir le directeur à la mort de Mounier), Denis de Rougemont (qui rejoindra également Esprit), l'ancien socialiste Arnaud Dandieu et Robert Aron. [...]

[...] La revue Esprit ne sera jamais authentiquement fasciste, mais elle donne à une partie du fascisme des lettres de noblesse, car les rédacteurs à Esprit ne peuvent s'empêcher de s'identifier à la critique fasciste de la société bourgeoise, du libéralisme et de la démocratie. Lancée en février 1932, la revue qui prône sur le plan philosophique le personnalisme, prône sur le plan politique la communauté, laquelle est aux antipodes, du point de vue des valeurs, de la démocratie libérale et du capitalisme qui est détesté parce qu'il traduit l'individualisme juridique issu de la DDHC. Pour Esprit, la société démocratique et bourgeoise est une société décadente. [...]