Ce rapport de complémentarité ne doit cependant pas effacer le fait que la sécurité sociale reste le meilleur ennemi de la liberté du médecin. A chaque acte ou prestation du médecin correspond en effet une dépense d'assurance maladie. Les organismes de sécurité sociale sont donc naturellement orientés vers le contrôle et la surveillance de l'activité. Il est ici hors de question que le prétexte de l'indépendance médicale justifie que les deniers publics soient distribués les yeux fermés, sans considération d'opportunité. La convention médicale devient ainsi l'outil de toutes les concessions, où les promesses de revalorisations d'honoraires se mélangent avec un contrôle sans cesse croissant de la prescription. La dernière convention médicale, approuvée par décret du 3 mai 2007, ne fait pas exception ; la consultation du généraliste n'a été revalorisée que sous la condition de l'engagement dans la baisse de prescriptions des antibiotiques . Surveillance, contrôle et sanctions sont certes nécessaires dans la mesure où il existe malheureusement quelques abus, du côté des assurés, mais aussi des professionnels de santé… La relation entre le médecin et le patient est en effet une relation asymétrique où seul le médecin possède les informations nécessaires. S'il agit principalement dans l'intérêt de la guérison et en fonction de son éthique professionnelle, il pourrait aussi être amené à réfléchir en fonction de ses virtualités de rémunérations . Assurément, les contrôles de la sécurité sociale sont donc nécessaires. Toutes les questions qui nous intéressent tournent en réalité sur la définition des frontières de cette nécessité. Où placer le point d'équilibre entre la préoccupation démocratique de contrôle des dépenses publiques et les intérêts humains que représente la liberté du médecin ? La problématique est lourde d'enjeux…
L'aspect économique semble primordial et constitue le nerf de toutes les réformes. Les comptes de la sécurité sociale ne peuvent rester dans leur état actuel et il est nécessaire de revoir le système de dépenses. A l'heure actuelle, les pouvoirs publics se félicitent déjà du fait que la « maîtrise médicalisée » des dépenses de santé, aurait permis de dégager des économies d'un montant de l'ordre de 600 millions d'euros en 2006 . Les politiques en la matière doivent cependant garder un esprit de mesure et de modération. Les dangers sont en effet nombreux tant les caricatures sont exagérées. Rassurés par l'impression de gratuité, les patients sont en effet accusés de déambuler dans le système de santé, alors que les médecins seraient des prescripteurs inconscients et sans aucune mesure, notamment en matière d'arrêts de travail. La réalité est différente et les préoccupations économiques ne doivent pas masquer l'enjeu humain et social de notre problème. En effet, derrière chacune des politiques de contrôle et de sanction de la liberté du médecin se cache un choix social sur la vie et la mort. L'enfermement de la prescription dans des normes généralistes conduirait ainsi immanquablement à réduire le droit précité du malade à profiter de toutes les données acquises de la science. Cette dernière notion est en effet en perpétuelle mouvance et se définit de manière très relative, en fonction notamment de chaque individualité de patient. Ce mouvement amorcé de normalisation pourrait d'ailleurs conduire à repenser la définition même de la médecine. Si celle-ci peut être normalisée, on s'éloignera logiquement de la notion d'art médical, pour se rapprocher de la technique.
Au regard de tous ces enjeux, il nous revient d'apprécier si les contrôles de la sécurité sociale atteignent ou non le point d'équilibre entre préservation des libertés du médecin et contrôle des dépenses de santé.
L'analyse doit être distinguée selon que ces contrôles ont pour finalité le contrôle du coût et des conditions de la délivrance des actes et prestations (partie 1), ou l'opportunité de ceux-ci (partie 2).
[...] Les pouvoirs publics ont ainsi créé la notion de juste soin et de maîtrise médicalisée des dépenses de santé Ces notions reflètent en premier lieu le souci d'économie et de réduction des dépenses d'assurance maladie. Mais celles-ci ne se feront apparemment pas sans concessions de la part des médecins. Les différentes réformes ont en effet mis le médecin en liberté surveillée, le reléguant de plus en plus au simple rôle d'ordonnateur de dépenses. Les mesures de contrôle et les sanctions se sont ainsi considérablement développées. La remise en cause des vieilles libertés du médecin par le droit de la sécurité sociale n'est cependant pas une innovation. [...]
[...] Sa liberté thérapeutique pourrait aussi être considérablement remise en cause par la consécration de la valeur normative des recommandations de bonne pratique. Pour ce qui concerne les actes et prestations médicaux, celles-ci sont établies par la HAS selon trois méthodes ; soit par une conférence de consensus, soit à l'occasion de l'instauration de RMO[104], soit par un consensus formalisé. Leur diffusion ne se limite pas à la médecine de ville, mais concerne aussi les établissements de santé publics ou privés[105]. Initialement, les recommandations de bonne pratique ne sont que des indications positives, des conseils dénués de toute portée contraignante. [...]
[...] Tant que la médecine ne sera pas une science exacte, la norme, outil naturel de la technique, ne devra pas contraindre la prescription. Conclusion générale Au total, nous avons pu constater que les libertés du médecin sont indéniablement en régression. Les contraintes sur l'organisation de son activité et sur ses prescriptions sont liées à un interventionnisme croissant des pouvoirs publics. Cet interventionnisme peine en effet à se masquer derrière les conventions médicales où des compromis forcés sont arrachés à des organismes fort peu représentatifs. [...]
[...] Section 1 le choix du secteur d'activité Aux termes de l'article L. 162-5 du CSS, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales[9]. Ces relations de coopération ont toujours fait l'objet de nombreuses fluctuations puisqu'elles relèvent essentiellement d'une politique de compromis. Les négociations constituent le cadre d'accords que l'on peut qualifier de donnant-donnant dans lequel les praticiens conviennent de réduire leurs libertés au profit d'avantages sociaux, fiscaux ou d'une revalorisation de leurs honoraires. [...]
[...] Leur force obligatoire, en plus d'être indirecte, est donc soumise à la condition de conformité aux données acquises de la science. En l'état actuel d'actualisation des références, sans pouvoir jamais lier le juge, elles ne sont donc que de potentiels éléments d'appréciation pour éclairer le raisonnement du juge. Rien de moins, mais certainement pas plus. II- Sanction conventionnelle directe Si ces références sont appelées opposables ce n'est donc pas au sens juridique commun. Elles ne sont opposables en fait que par les caisses d'assurance maladie aux médecins conventionnés. [...]
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