Historiquement l'un des trois secrets considérés dans l'acception occidentale comme fondements des sociétés libérales (les deux autres étant notamment le secret médical et le secret de la confession), le secret professionnel de l'avocature est un principe déontologique indissociable de l'exercice de la profession d'avocat. L'article 378 de l'ancien Code pénal disposait déjà jadis que « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toute autre personne, dépositaire par état ou profession ou fonctions temporaires ou permanentes des secrets qu'on leur confie qui, hors des cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateur, auront révélé ces secrets, seront punis […] ».
Si le secret professionnel de l'avocat n'est pas visé explicitement, la formule « toute autre personne dépositaire par état ou profession » semble bien inclure les avocats dans la portée de l'article. De manière similaire, l'alinéa 1er de l'article 2.1 du RIN dispose aujourd'hui que l'avocat est « le confident nécessaire du client », ce qui fait du secret professionnel un principe majeur. Ceci tient à des raisons d'ordre public et d'intérêt social : en effet, par l'essence de sa profession même, l'avocat est, selon la célèbre formule, une « conscience à laquelle s'adresse une confiance ».
En d'autres termes, il reçoit des confidences de son client et doit agir dans l'intérêt de celui-ci, ce qui implique nécessairement qu'il n'a pas à révéler les informations qui lui ont été transmises dans la plus grande confidentialité et dont la divulgation serait susceptible de porter préjudice aux droits de défense de son client ou d'influencer négativement le cours de l'affaire. Comme l'écrivent H. Ader et A. Damien , le secret professionnel désigne ainsi « la garantie pour le client, dans quelque situation que ce soit, que son défenseur ne va pas révéler ce qui lui a été confié » mais aussi « la garantie pour l'avocat et son client qu'un tiers, singulièrement l'Etat et les autorités de poursuites, ne va pas puiser dans ce qui a été transmis sous le secret ». S'il s'agit d'un élément clef du fonctionnement de la justice dans une démocratie, de nombreuses interrogations, parfois très difficiles à résoudre, planent pourtant autour de ce principe. Ainsi, que doit par exemple faire un avocat si son client lui confie qu'il envisage de commettre un meurtre ? Est-il tenu par le secret professionnel ou se doit-il de dénoncer afin de prévenir la commission du crime ?
[...] Si le secret de l'enquête et de l'instruction est à distinguer du secret professionnel de l'avocat, il n'empêche que les deux sont intimement liés car la violation du premier peut être à l'origine de la violation du second. Aujourd'hui, il est admis que l'avocat doit respecter le secret de l'instruction et doit s'abstenir de communiquer, outre à son client pour les besoins de sa défense, les informations tirées du dossier (RIN, art bis). Selon l'article 114 du Code de procédure pénale, l'avocat ne peut transmettre à son client qu'une reproduction des copies des pièces du dossier obtenues, à la condition que ce dernier atteste par écrit avoir pris connaissance de l'article 114, et ce, afin qu'il ne transmette aucun document à d'éventuels tiers.[13] Il convient de préciser enfin que pendant longtemps, la matière couverte par le secret professionnel de l'avocat concernait uniquement le domaine de la défense, la chambre criminelle de la Cour de cassation refusant d'inclure le domaine du conseil dans le champ. [...]
[...] Le Procureur de la République peut par ailleurs déclencher des poursuites pénales fondées sur une violation de ce secret, et ce, même en cas de l'absence de plainte de la victime. Cependant, si le secret professionnel est absolu dans son principe, il ne l'est pas dans son étendue, car l'avocat devra trancher quelles sont les confidences de son client qu'il doit garder pour lui-même et quelles sont celles susceptibles d'être exposées dans l'intérêt de la défense de ce dernier. En ce sens, l'étendue du secret est subordonnée au discernement individuel de tout avocat qui, comme l'avait précisé un arrêt de la Cour de cassation de 1862[5], n'a d'autre règle que sa conscience et doit s'abstenir des divulgations qu'elle lui interdit De manière plus concrète, le champ que couvre aujourd'hui le secret professionnel est extrêmement vaste. [...]
[...] ADER Henri et DAMIEN André, Règles de la profession d'avocat, Paris : Dalloz, 12e édition p. 274-7. Crim septembre 1991, no91- Bull. Crim., no320. Crim mars 1994, no93- Bull. Crim., no87. [...]
[...] Malgré une certaine résistance persistante de la Cour de cassation[16], les deux matières sont aujourd'hui bien concernées par le secret professionnel, et ce non seulement au vu de la loi de 1971 modifiée mais aussi au vu du RIN et du décret de 2005.[17] L'on voit donc bien que pour des raisons d'ordre public le secret professionnel est un principe déontologique majeur des avocats aujourd'hui, protégé strictement par la loi et devant être considéré en toute circonstance comme absolu, général et illimité dans le temps La stricte limitation par la loi des dérogations au principe du secret professionnel La protection du secret professionnel est, on l'a vu, garantie par les textes législatifs qui prévoient des sanctions en cas de violation par un avocat de ce devoir. Néanmoins, il est des mesures telles que les écoutes téléphoniques ou les perquisitions qui semblent s'imposer dans certaines enquêtes ou poursuites de crimes. Cela rentre en conflit avec le principe même du secret professionnel qui devrait a priori être respecté non seulement par l'avocat lui-même, mais aussi par les tiers, afin de préserver l'ordre social. Se pose dès lors la question comment protéger le respect du secret professionnel tout en le conciliant avec ce genre de mesures parfois nécessaires. [...]
[...] La transposition de celles-ci par la France a suscité de nombreuses controverses en posant l'inévitable dilemme entre la lutte contre le blanchiment d'une part et la protection de l'indépendance des avocats et du secret professionnel de l'autre. La directive européenne 2001/97/CE a tout d'abord mis en place une obligation de déclaration de soupçon pour l'avocat, et ce, notamment lorsque celui-ci assiste son client dans des transactions d'« ingénierie juridique comme l'ouverture de comptes bancaires, la gestion des capitaux, la vente ou l'achat de fonds de commerce et immeubles, la constitution, direction ou gestion de sociétés ou fiducies soumises au droit étranger, et d'autres opérations de la sorte. [...]
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