La doctrine culturaliste était loin d'exclure la modernité : ainsi chez les culturalistes hindous, ainsi chez les culturalistes japonais, ainsi chez le juriste musulman Jamel Eddine El Afghani.
Dans tous ces mouvements cependant le point important, c'est que la culture traditionnelle vient d'abord, la modernité ensuite. Ceci est si vrai que de nombreux penseurs culturalistes rejoignent la mo¬dernité par retour à la tradition.
Dans l'histoire moderne de la pensée arabo – musulman, le réformateur, Rifâ Tahtawi, « que les perspectives se sont modifiées et que la modernité – occidentalisée était acceptée comme telle et valorisée ». La même démarche se retrouvera dans la pensée du juriste Turc Ziya Gokalp, il restera à Kemal Atatürk à reprendre ces idées et à aller plus loin dans la valorisation du modernisme.
Ainsi, les perspectives sont totalement modifiées. Avec le culturalisme, la rénovation doit venir d'une poussée interne par un retour à la tradition pure, tandis que dans la pensée d'un Tahtawi ou d'un Ziya Gokalp la rénovation doit se faire par un apport extérieur.
Comme Tahtawi, Ziya Gokalp est familiarisé avec la pensée occidentale. Il a pris part à une polémique sur les idées de H. Spencer et G. Tarde, ce qui devait le conduire au sociologisme. Pour Gokalp, le droit (dont les sources en Islam sont divines) doit être interprété à la lumière de l'évolution sociale et non pas comme un système dé¬sincarné et transcendant. Le Fiqh (droit musulman) doit obligatoi¬rement, sous peine de dégénérescence, être accompagné de la méthode sociologique.
[...] Le nationalisme débouche sur la contre tradition islamique. B / Le Kémalisme : contre la tradition islamique Le point de départ, d'Atatürk est le nationalisme, la pensée politique d'Atatürk est, avant tout, un contre traditionalisme. C'est en ce sens, qu'elle est révolutionnaire[23]. C'est une rupture totale avec l'ordre établi. La révolution Kamliénne est une contre tradition. Sur tous points, elle prend le contre-pied de la tradition ; sur toutes questions, elle est réaction contre l'ordre ancien[24]. Sa laïcité est contre théocratie, sa république un contre califat, son occidentalisme est un contre orientalisme, son nationalisme un contre islamisme, sa latinité un contre arabisme, son constitutionnalisme un contre- despotisme. [...]
[...] J'essayerai maintenant, après avoir jeté un regard sur les modernismes théoriques de Tahtawi et Ziya Gokalp, étudier un modernisme pratique et plus radical le kémalisme. I / Le radicalisme moderniste de Kamal Atatürk Le culturalisme glorifie la culture et rejette l'Occident ou trouve une inspiration meilleure dans sa tradition[12]. Avec le Kémalisme, l'occident sera glorifié, la tradition islamique haïe. C'est le stade de l'anti- culturalisme et de l'occidentalisation à outrance[13]. La tradition est identifiée au mal, le salut viendra d'occident. [...]
[...] Le Kémalisme se fonde sur le nationalisme et non la religion islamique. La restauration nationale conduit à la restauration culturelle. Chez les culturalistes au contraire, la restauration culturelle était recherchée en elle-même[22], la Nation se définissait ensuite en vertu de cette culture. Dans un cas, la Culture définit la Nation, dans le deuxième cas, la Nation définit la Culture. C'est ce que nous trouvons en Italie et en Allemagne au 19e siècle. La nation définie, la culture retrouvée, la déperdition de la Nation turque est due à l'action des Ottomans. [...]
[...] Le 1er novembre 1922, toujours avant la proclamation officielle de la république, le Sultanat est aboli mais non le Califat ce qui prouve que, déjà, la distinction du Politique et du Religieux existe. La république naît sur ces bases, le 3 mars 1924. L'Assemblée vote la suppression du Califat ne consacrant pas la laïcité, qui l'était déjà, mais ne faisant plus des questions religieuses une préoccupation du gouvernement civil ; en 1928, on refait la même opération[37]. La laïcité se trouve exprimée par le principe français de la séparation juridique de l'Eglise et de l'Etat. [...]
[...] Mohamed Abd Jabri, Le Droit Musulman et l'Etat Nouveau, Edition Maison d'Orient, Beyrouth Charles Zorgbibe, L'évolution politique de la République. R.J.P Dictionnaire de la Culture Mondiale, PUF, Paris Paul Gentizon, Mustapha Kemal ou l'orient en marche. Paris M. Abd Jabri, Le Droit Musulman et l'Etat Nouveau, Ed, Maison d'Orient, Beyrouth R. Tahtawi : juriste égyptien mort vers la fin du 19eme siècle. Z. Gokalp : juriste et théologien turc, mort en exil en Egypte 1905. N. Berkes : Turkish Nationalism and Western civilization. [...]
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