Largement inspiré de la jurisprudence de la Cour de cassation, la protection des intérêts personnels du majeur vulnérable est affirmée dans la loi du 5 mars 2007, soit dans des dispositions spéciales qui concernent le cadre de vie, la vie de famille ou l'activité médicale, soit dans un régime général. Pour être courageux, celui-ci n'est pas dénué de dangers et la doctrine et la jurisprudence auront à allier leurs efforts dans un avenir proche et prometteur.
1. - Il a tant été écrit déjà sur la protection de la personne du majeur vulnérable, des lignes lumineuses, d'autres plus ordinaires, ou anciennes ou très spécialisées ! Il a bien sûr été fait des thèses sur la question et des rapports officiels.
2. - Ce foisonnement s'explique. Il n'y a pas un majeur protégé mais une multitude de personnalités, de pathologies et de degrés de protection. Il n'y a pas un lieu de vie homogène, mais toutes sortes de prises en charge des majeurs vulnérables, à domicile, en hébergement de jour, en foyer collectif, en établissement de soins,… Et les difficultés que recouvre la « protection de la personne » ne se résument certes pas à l'acte médical, nous le verrons. La doctrine et les juges de tout degré ont fort à faire pour cerner ce monde compliqué et changeant.
3. - L'élément invariable est le cadre intellectuel dans lequel a dû se situer le législateur de 2007, trois pôles de la réflexion en la matière, qui se déclinent en cascade. Quand faut-il s'en remettre au libre-arbitre maximal, quand faut-il voir dans le majeur vulnérable un incapable, au sens commun autant qu'au sens juridique ? Dans ce second cas, faut-il construire une théorie générale de la protection de la personne, ou adopter un « droit spécial », indéfiniment démultiplié ? Et faut-il imiter la matière patrimoniale, en répartissant des pouvoirs ou plutôt des compétences, ou bien laisser agir en tout le tuteur ou le curateur, sauf leur responsabilité a posteriori ?
4. - Heureuse surprise, les promoteurs de la loi du 5 mars 2007, des débuts de leurs réflexions jusqu'aux derniers votes parlementaires, n'auront pas rencontré d'obstacles réels ni d'opposition substantielle dans leurs choix. Sans doute, les sources d'inspiration du texte étaient-elles claires, et pour ainsi dire incontestables. D'abord, la jurisprudence de la Cour de cassation, déjà ancienne, qui optait pour une protection de la personne, de préférence à une représentation légale autoritaire en la matière. Et puis la Recommandation du Conseil de l'Europe n° 99.4F du 23 février 1999, qui a admis que le libre-arbitre puisse détruire un adulte fragile et consacrait tout à la fois l'idée d'une protection forcée du majeur et celle d'autorisations données par un tiers légalement désigné. Enfin la loi « Démocratie sanitaire » du 4 mars 2002, qui a offert un modèle législatif, mêlant le principe d'autonomie du majeur, l'utilité d'une information appropriée et la présence du représentant ou assistant légal.
5. - Dès lors, le schéma de la loi du 5 mars 2007 apparaît moins complexe ou contradictoire qu'au premier regard. Et chacun s'en félicitera, s'agissant incontestablement de la principale innovation, peut-être de la principale raison d'être, de la réforme intervenue (C. civ., art. 415, 425 à 427, 458 à 463 futurs). Celle-ci, en répondant à sa façon et successivement aux trois questions posées plus haut, n'entend plus laisser libre-cours aux bonnes intentions non plus qu'aux pressions ; puis elle alterne des dispositions spéciales et souvent anciennes, qu'au besoin, elle précise (1), avec une ébauche d'une théorie générale de la protection de la personne (2) ; cette théorie éclaire largement le domaine essentiel – qui relève pourtant du Code de la santé publique – des actes médicaux (3). Mais le droit flou, le droit flexible, le droit des standards, dans les interstices duquel s'épanouissent les libertés, est approprié aux questions personnelles ; doctrine et jurisprudence auront matière à élever, sur ces fondements, un bel édifice (4). Les praticiens y trouveront globalement des réponses à leurs interrogations, à ceci près : la loi ne statue pas sur les actes personnels « en série » alors qu'un traitement médical se fait le plus souvent par étapes et d'autres exemples d'actes personnels peuvent être donnés ; faudra-t-il que le tuteur ou curateur qui assiste le majeur, l'accompagne à chacune de ces étapes, et n'aurait-il pas été judicieux de distinguer le principe de l'acte personnel, puis les phases d'exécution, pour laisser celles-ci à l'autonomie du majeur ?
6. - Il aurait été concevable d'évoquer au titre de la protection de la personne, le droit de vote du majeur protégé, et son sort lorsqu'il a commis une infraction : le Code électoral et le Code de procédure pénale accueillent en effet, chacun en ce qui les concerne, des dispositions nouvelles. Mais elles ont été ou seront commentées ailleurs et en particulier.
7. - Ultime observation, en forme de regret, avant d'entrer dans le vif du sujet : la loi nouvelle n'utilise pas les parquets. Alors que le procureur de la République avait fait une entrée remarquée dans la protection des majeurs avec la loi du 3 janvier 1968, et qu'il devient maintenant le principal auteur des saisines du juge et l'un des premiers contrôleurs du dispositif dans son ensemble, la protection de la personne du majeur est soustraite à ses regards, à sa capacité d'intervenir vite, à son fonctionnement en réseau et à sa vision d'ensemble de l'appareil judiciaire.
[...] En tout cas, le curateur ou tuteur est réputé en opposition d'intérêts avec la personne protégée lorsque la protection est confiée à son partenaire : la désignation d'un curateur ou tuteur ad hoc, s'il n'a pas été institué de subrogé, sera nécessaire - Il est remarquable que l'une des précisions les plus attendues des praticiens sur la vie familiale du majeur protégé ait été apportée, pour compléter indirectement une lacune de la loi Royal du 4 mars 2002 : l'exercice de l'autorité parentale n'est pas perdu pour le majeur protégé du seul fait de l'ouverture de la tutelle, voire de la curatelle. La tendance des juridictions est en ce sens. Elle est consacrée par l'article 458 selon lequel les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant relèvent de la capacité naturelle, insusceptible de représentation ou d'assistance et plus généralement d'incapacité au sens civil et traditionnel. Mais il est des cas où la privation d'exercice de l'autorité parentale est manifeste ment nécessaire pour l'enfant (C. [...]
[...] Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant Il s'agit d'une consécration de la théorie de la capacité naturelle selon laquelle certains actes sont rebelles à toute immixtion d'un tiers, en sorte qu'il vaut mieux soit les laisser faire par le sujet concerné (au risque d'une annulation pour cause de trouble mental) soit y renoncer, plutôt que de les faire faire ou même seulement de les faire contrôler par un autre sujet, serait-il légalement mandaté - Puis la loi nouvelle tient à écarter (définitivement la tentation d'une tutelle à la personne, qui assimilerait les questions personnelles aux questions patrimoniales. À cette fin, il est énoncé (C. civ., art futur) que la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Il faut rapprocher ce principe fondamental de l'article 415 : Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. [...]
[...] 3212- besoin de soins immédiats sous surveillance et art. L 3213-1, atteinte à la sûreté des personnes ; c'est donc dans une conception approchante, à vrai dire très variable d'un individu à l'autre, d'un moment à l'autre de la vie, d'une culture à une autre, qu'il faudra analyser le nouveau concept de danger que le majeur se fait courir à lui-même Beaucoup plus rares en l'état de nos textes, sont les mentions du comportement (C. civ., art. 378-1, stigmatisant les délits commis par les père ou mère), qui contient certainement une dimension de reproche, sans autre précision dans la loi de 2007 ; et celles du consentement éclairé (C. [...]
[...] - Le législateur aura un peu hésité à faire des actes médicaux, thérapeutiques ou de pure recherche, un domaine aux règles spécifiques. Il n'est pas allé jusqu'à refaire les lois Huriet, Kouchner et quelques autres, moins encore à les soumettre aux nouveaux chapitres du Code civil comme il a décidé de le faire pour le cadre de vie et la vie familiale : l'article 459-1 énonce que l'application de la loi civile ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le Code de la santé publique et le Code de l'action sociale et des familles prévoyant l'intervention d'un représentant légal. [...]
[...] 459-1) : lorsque la mesure de protection a été confiée à une personne ou un service préposé d'un établissement de santé ou d'un établissement social ou médico-social dans les conditions prévues à l'article 451, l'accomplissement des diligences et actes graves prévus par le Code de la santé publique qui touchent à la personne et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État est subordonné à une autorisation spéciale du juge. Celui-ci peut décider, notamment s'il estime qu'il existe un conflit d'intérêts, d'en confier la charge au subrogé curateur ou au subrogé tuteur, s'il a été nommé, et, à défaut, à un curateur ou à un tuteur ad hoc. La pratique dira comment cette précaution, dès à présent vécue comme une atteinte à l'honneur par les corporations concernées, pourra vivre. A. - Dons d'organes, stérilisation et recherche 30. [...]
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