Dans son arrêt "Commune de Gennevilliers", le Conseil d'Etat, opérant un revirement par rapport à sa décision CE, 1985, Ville de Tarbes, a admis une modulation des tarifs d'une école de musique, service public administratif facultatif, eu égard à l'intérêt général qui s'attache à ce que l'ensemble des enfants puissent y accéder, peu important les ressources de leurs parents. Par son arrêt "Association La raison du plus faible", le Conseil d'Etat a fait pour la première fois application de l'article 123 de la loi du 13 décembre 2000 qui impose aux autorités organisatrices des transports urbains de pratiquer des tarifs sociaux. Le juge a retenu que si le Syndicat des transports d'Ile de France était libre de choisir les moyens de mise en œuvre de cette modulation des tarifs, il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en en excluant la "carte orange", "eu égard à l'importance qu'[elle] peut apporter à l'objectif de caractère social". Enfin le décret du 29 juin 2006 prévoit que des modulations des prix des repas de cantine peuvent être instaurés, à condition toutefois de respecter le principe selon lequel le tarif le plus élevé ne doit pas être supérieur au coût réel du service par usager.
Ces données jurisprudentielles et réglementaires, qui mettent en lumière l'extension de la politique de modulation des tarifs d'accès au service public, soulèvent la question de la marge de manœuvre dont disposent les autorités organisatrices du service public pour fixer des tarifs préférentiels.
Etendue dans son champ d'application (I), la modulation tarifaire n'en est pas moins encadrée, voire limitée, dans sa portée (II) car son but n'est pas la redistribution par le service public.
[...] La portée limitée de la différenciation tarifaire 1. La dissociation de la différenciation tarifaire et de la politique de redistribution dans la jurisprudence interne. L'instauration de tarifs différents selon les catégories d'usagers n'a pas pour but de mettre en place une politique de redistribution. L'objectif n'est pas de faire payer plus que ce que coûte réellement le service à ceux qui ont les ressources suffisantes pour compenser le déficit engendré par l'application à ceux qui ont de faibles revenus d'un tarif inférieur au coût de la prestation. [...]
[...] Selon le commissaire du Gouvernement Stahl dans ses conclusions sous CE Commune de Gennevilliers, "si les situations sont identiques, le principe d'égalité impose normalement l'établissement d'un seul tarif; sauf si un motif d'intérêt général en rapport avec l'objet du service justifie que l'on passe outre le respect scrupuleux de l'égalité". L'intérêt de la notion d'intérêt général est sa plasticité qui permet une adaptation aux nécessités de l'époque. Il est admis que l'intérêt général qui s'attache à ce que tous puissent accéder au service public sans que le niveau de ressource soit un obstacle justifie l'application de tarifs différents (CE Commune de Gennevilliers, CE Association La raison du plus faible, Loi SRU 13 décembre 2000). L'extension des services publics concernés par les différenciations 1. [...]
[...] Le principe d'égalité se concrétise notamment dans celui de l'égalité des usagers devant le service public, qui a valeur de principe constitutionnel et de principe général du droit. Trois aspects sont à distinguer : l'égalité devant les charges du service public, l'égalité dans l'accès au service public et l'égalité de tous dans l'usage du service public. S'agissant de ce dernier volet, l'égalité a d'abord été entendue comme formelle, notamment dans l'arrêt CE Société des Concerts du Conservatoire. Puis il est apparu que pour que les usagers puissent effectivement accéder au service public de manière égale, il fallait que les différenciations tarifaires soient admises. [...]
[...] Dès lors, l'autorité organisatrice du service public n'est plus libre de décider l'instauration de tarifs différenciés. Néanmoins, elle dispose d'une liberté de choix des moyens de mise en œuvre de cette obligation. Le Syndicat des transports d'Ile-de-France a ainsi choisi de créer une carte de réduction permettant à ses titulaires d'acheter certains billets à moitié prix (CE La Raison du plus faible) Un contrôle réduit à l'erreur manifeste d'appréciation. En conséquence de cette liberté laissée à l'autorité organisatrice, le contrôle exercé par le juge est réduit à l'erreur manifeste d'appréciation. [...]
[...] Ainsi en est il des crèches (CE Centre communal d'action social de La Rochelle), des cantines scolaires (CE Ville de La Rochelle) Cette jurisprudence a été reprise dans le Décret du 29 juin 2006 à propos de la restauration scolaire. Il n'y avait plus guère que les services publics administratifs facultatifs culturels pour lesquels le juge refusait la modulation des tarifs. Le revirement a été opéré par l'arrêt CE Commune de Gennevilliers. Cette jurisprudence a été consacrée en 1998 par la Loi relative à la lutte contre l'exclusion en son article L'extension aux services publics industriels et commerciaux de la différenciation tarifaire fondée sur l'intérêt général. [...]
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