Il convient tout d'abord de s'interroger sur le sens à accorder à la notion de "dignité humaine". Quoiqu'elle semble à première vue évidente, c'est en effet une notion floue, et il est difficile d'en donner une définition concise : pour G. Cornu, elle n'a qu'un "pouvoir d'évocation", et bien qu'on puisse aisément en donner une idée générale, il est bien moins simple d'en trouver une définition bloquée ; pour N. Molfessis, elle peut se définir comme "ce qui fait l'humanité de l'homme". Par ailleurs, bien que Cicéron parle déjà en son temps de dignitas séparant l'homme de l'animal, l'intégration au droit positif du principe du respect de la dignité humaine demeure très récente, puisqu'on date son émergence au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, marquée par la mémoire des camps nazis, avec la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1948, et il convient de souligner que notre Code civil ne l'évoque que depuis l'introduction de l'article 16 relatif au respect du corps humain, en 1994 (...)
[...] L'introduction de ce principe au droit positif est donc récente, ce qui explique qu'il soit encore flou, et elle s'accompagne de difficultés, notamment quant à en définir ses implications, savoir qui en sont les titulaires, et, précisément, en établir la portée juridique. La question de la portée de la protection juridique du respect de la dignité de la personne humaine recoupe toutes ces questions, et l'on peut poser le problème ainsi : quelle portée le principe du respect de la dignité de la personne humaine connaît-il dans le droit positif et quels enjeux nouveaux son intégration occasionne-t-elle ? [...]
[...] Par ailleurs, on peut également s'intéresser au fait de savoir si le principe de respect de la dignité ne vise que l'intégrité physique de ses titulaires, on s'il s'étend également sur le terrain des choses. Là encore, la jurisprudence a opté pour une vision extensive, et c'est la décision rendue en 1995 par le Conseil constitutionnel et définissant l'accessibilité au logement comme objectif à valeur constitutionnelle qui va en ce sens : une dimension de droit réel est presque allouée au principe de respect de la dignité. [...]
[...] A la fois confortablement établi dans la règle de droit et largement défendu par la jurisprudence, la notion de la sauvegarde de la dignité humaine pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel, se trouve fortement ancré dans notre droit positif, ce qui en fait une principe fort et qui ne saurait être remis en cause, du fait notamment de la valeur constitutionnelle qui lui est accordée. On peut donc dire que le principe a une portée étendue dans notre droit positif. [...]
[...] En effet, une application large est alors faite du principe du respect de la dignité humaine, aussi bien par les juges administratifs et judiciaires que par le juge constitutionnel. Dès 1995, le Conseil d'Etat, dans un arrêt relatif au lancer de nains, confirme l'interdiction du spectacle dit du lancer de nains ordonnée par la ville d'Aix-en-Provence et qui avait été condamnée par le tribunal administratif de Marseille, estimant que ce spectacle porte atteinte à la dignité humaine La Cour de cassation défend également le principe, comme dans un arrêt du 13 janvier 2009, où une mère de famille avait obtenu d'une jeune fille en situation irrégulière en l'échange d'un peu d'argent de poche et de son hébergement. [...]
[...] D'autre part, l'article 16-1-1 dispose que désormais le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort On peut estimer que c'est là aussi un point de vue tout à fait légitime, puisque cela permet au principe de garantir, par le respect du corps du défunt, en quelque sorte la protection de la mémoire de celui-ci. Le principe a donc une portée large et son interprétation par la jurisprudence confirme cette idée, permettant ainsi une protection juridique forte de toute atteinte à la personne humaine, et donc la réalisation de l'objectif premier du principe. [...]
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