Pascal, "Comme la mode fait l'agrément, aussi fait-elle la justice"

Extraits

[...] La connaissance de cette pensée permet de dire que PASCAL relativise le pouvoir de la rationalité juridique sans pour autant l'invalider parfaitement. Cette citation est une comparaison. L'intérêt de ce sujet n'est pas de réfléchir à l'agrément. Les goûts sont influencés, subissent l'évolution des modes, changent en fonction des évolutions culturelles et circonstancielles. Mais la destinée de la comparaison est la justice. La mode de PASCAL n'est pas la mode vestimentaire mais les modes de vie, les mœurs. Comme les mœurs font les goûts, ils font également la justice. [...]

[...] Comme la mode fait l'agrément, aussi fait-elle la justice PASCAL, Pensées Critique de DESCARTES, critique janséniste de DESCARTES. PASCAL critique fortement ce projet moderne de rendre l'homme maître et possesseur de la nature. Il ne défend pas arbitrairement la foi, il ne cherche pas à renoncer au projet d'un développement de la raison et des normes rationnelles mais il met en garde, malgré le développement de la raison, l'homme contre l'illusion de croire que le développement des normes rationnelles suffira à guider son existence. [...]

[...] Le juge a en main cette tension qui fait la fragilité et la nécessité de son métier. La norme apparaît comme la garantie de, la garantie du jugement. Le rôle du magistrat est délicat. [...]

[...] Les normes, sans être étrangères aux circonstances de vie des individus, cherchent à atteindre une vérité humaine qui ne dépend pas des circonstances de vie. Le droit échappe aux mœurs, le droit se fonde sur une rationalité juridique qui échappant aux mœurs parvient d'autant mieux à les réguler. C'est un paradoxe qui fait que le droit est une tension, que l'exercice de justice, de la conception de la norme à son application, a une cohérence qui ne dépend pas uniquement de la relativité des mœurs. Quel type de fondement permet de faire échapper le droit aux circonstances et d'individualiser son application ? [...]

[...] Comment la norme peut et doit réduire l'écart entre les conditions de sa conception et les conditions de son application ? I A Le caractère choquant, violent de la citation de PASCAL. Elle conduit à un relativisme juridique et à un affaiblissement de la rationalité des normes. Il faut contester ce point de vue, cette affirmation en montrant que, finalement, deux choses peuvent être opposées de façon contemporaine à la citation de PASCAL : d'une part, l'évolution de la rationalité juridique a conduit à une intelligence critique des normes (KELSEN, positivisme juridique et l'idéal qui a consisté à dire que les normes de justice ne dépendent pas du point de vue moral d'un individu, du point de vue collectif d'une tradition mais d'une élaboration juridique rationnelle, la justice n'est pas le fait du prince mais est le fait de l'expert) ; d'autre part, le passage à des sociétés démocratiques dans lesquelles les pouvoirs sont investis d'une légitimité démocratique semble arracher définitivement la justice à la relativité que dénonce PASCAL puisque la justice est le produit d'un consensus, d'une adhésion majoritaire puisque le pouvoir de faire les lois et de les rendre appartient à ceux qui en sont investis par le peuple. [...]