La Suisse, petit pays d'une superficie quinze fois inférieure à celle de la France affiche cependant quatre langues officielles, faisant du plurilinguisme le symbole de la diversité culturelle qui parcourt la Confédération. Si l'organisation fédérale de l'Etat helvétique facilite le partage du pays en plusieurs zones idiomatiques, la protection juridique de la liberté de la langue est également un élément essentiel contribuant à entretenir la « paix linguistique ».
[...] Cependant, la liberté de la langue s'est rarement révélée déterminante dans l'issue des litiges soumis au Tribunal Fédéral, même si celui-ci a fini par admettre en 1996 un recours pour violation de la liberté de la langue dans l'affaire Jorane Althaus : les autorités communales et administratives de Mörigen et de Berne avaient décidé qu'une jeune fille de dix ans était obligée de fréquenter l'école primaire de la commune de son domicile, en allemand, alors même que sa mère était de langue maternelle française, qu'à la maison on parlait français, que les parents avaient accepté d'assumer les conséquences financières de la poursuite de l'éducation dans une école francophone à Bienne et que cette commune avait accepté d'accueillir l'élève. Le Tribunal a admis le recours, en jugeant que la décision cantonale portait une atteinte disproportionnée à la liberté de langue. [...]
[...] Il n'y a aucune interdépendance entre ces deux niveaux, les individus pouvant choisir d'utiliser entre eux une langue même non-reconnue par l'Etat. Cette protection est essentielle en Suisse, où la répartition linguistique de la population est très hétérogène : Germanophones = millions de Suisses-Allemands cantons Francophones = million de romands cantons Italophones = Suisses-Italiens canton (Tessin) Romanches = romanches au sein d'un canton trilingue (les Grisons) Étrangers = 1 million utilisant un grand nombre de langues dont l'anglais, le serbo-croate, le portugais Cette hétérogénéité est également accentuée par l'existence de cantons bilingues, voire trilingues, une longue tradition de disglossie dans de nombreuses régions et l'usage d'une multitude de dialectes. [...]
[...] Une répartition uniforme des langues au sein de l'Etat et de ses organes En ce qui concerne les actes législatifs fédéraux, l'article 70 alinéa 1 de la Constitution fédérale de 1999 énonce le principe qu'ils doivent être publiés dans les trois langues officielles et que les trois versions sont placées sur un pied d'égalité. Selon la jurisprudence, en cas de non- concordance entre elles, l'interprète doit déterminer celle qui traduit le véritable sens du texte, soit celui qui correspond le mieux au but de la norme, soit celui qui exprime au plus près la volonté de son auteur. L'administration fédérale doit, quant à elle, notifier toutes ses décisions dans la langue officielle du destinataire, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une autorité cantonale ou communale. [...]
[...] Ces principes ont été repris par la révision constitutionnelle de 1874 puis complétés en 1938 par la reconnaissance du romanche comme langue nationale. En 1965, le Tribunal Fédéral donne à la liberté de la langue le statut de liberté non-écrite dans l'arrêt Association de l'école française de Zürich en posant le principe selon lequel en tant que condition d'exercice de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, de la liberté du culte, de la liberté d'association, des droits politiques, et, dans la mesure où elle est reconnue dans les cantons, de la liberté d'enseignement, la liberté de la langue est implicitement garantie par la Constitution fédérale La doctrine avait déjà reconnu bien avant que si le particulier n'avait pas la possibilité de se servir de sa langue maternelle dans l'exercice de la liberté d'expression et de la presse, ces libertés seraient illusoires. [...]
[...] Cette révision a donc décidé d'innover en constitutionnalisant la jurisprudence du Tribunal Fédéral, donnant une protection écrite et explicite à la liberté de la langue et au principe de territorialité. Mais contrairement au système fédéral, la plupart des constitutions cantonales ne consacrent toujours pas aujourd'hui la liberté de la langue, à l'exception des cantons bilingues, au vu leur situation particulière. Les garanties des textes internationaux La Convention Européenne des Droits de l'Homme n'énonce pas de façon générale la liberté de la langue, mais son article 14 interdit les discriminations fondées sur ce motif dans la jouissance des droits et libertés reconnus expressément par la Convention ainsi que par tout droit reconnu par une loi selon le protocole additionnel n°12. [...]
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