Contre les ordres du roi Créon, Antigone décide de donner une sépulture à son frère Polynice, traitre à la nation, tué par son autre frère, enterré quant à lui en grande pompe comme héros national.
- Antigone : "Tes ordres, à ce que je pense, ont moins d'autorité que les lois non-écrites et imprescriptibles de Dieu"
- Créon : "L'un attaquait sa patrie, l'autre la défendait. Faut-il traiter de la même manière l'honnête et le coupable ?"
- Antigone : "Qui sait si ces distinctions sont valables chez les morts ?"
- Créon : "Un ennemi même lorsqu'il est mort ne devient pas pour cela un ami"
Comment interpréter cette figure d'Antigone et ce dialogue issu de l'Antigone de Sophocle ?
A première vue, il s'agit d'un conflit entre la tradition religieuse à travers le respect du rite de l'enterrement des morts représenté par Antigone, et la loi des hommes que représente Créon. Antigone incarne alors l'archaïsme et Créon la modernité.
Cependant, une autre interprétation est possible : en opposant à la loi écrite les lois non écrites, Antigone oppose au droit positif instauré par l'Etat, le droit naturel, supérieur, immuable, universel, représentant la force de la conscience face à la loi. En ce sens, Antigone semble beaucoup plus proche de nous que Créon, au regard des figures tutélaires du XXe siècle, telles que Gandhi ou Martin Luther King, pour qui l'opposition entre la conscience et la loi légitimait l'appel à la désobéissance civile.
Ne serait-il pas toutefois souhaitable de dépasser cette opposition fratricide entre droit naturel et droit positif ?
[...] Il va arriver un moment où les Etats n'arriveront plus à satisfaire les droits naturels. Dans un cas extrême, on peut craindre qu'ils se dégagent juridiquement de cette responsabilité en redéfinissant la personne juridique à laquelle sont rattachés ces droits naturels. Il suffirait par exemple de dire qu'une catégorie d'êtres en fonction de leur race, religion, sexe n'est plus une personne juridique pour que ces droits ne s'appliquent plus. Transition : Le droit naturel sans le droit positif est un droit qui ne s'applique pas. [...]
[...] Cette conciliation subtile a fait école puisque François Gény écrit à propos de Léon Duguit, tenant du positivisme juridique qu'il reconnait et proclame l'existence d'un droit supérieur pour lequel il est bien près, dans ses dernières études, d'accepter la qualification de droit naturel Dans la même veine, la pyramide d'Hans Kelsen repose sur une norme fondamentale supposée tandis qu'Eisenmann reconnait la nécessité de fonder le droit positif sur des valeurs absolues indépendantes des autorités temporelles et sociales B Rechercher une adéquation du droit positif et naturel afin de prévenir le totalitarisme Lutte contre le symbolisme juridique (Viandier), dérive du droit naturel Le symbolisme législatif illustre une tendance actuelle du droit à exprimer des valeurs ou des véritables préceptes philosophiques à l'image de la loi du 6 juillet 1989 dont l'article premier énonce le droit au logement est un droit fondamental Ce symbolisme législatif n'a souvent pas une portée juridique précise, mais à l'objectif de devenir normatif. Si personne ne peut contester le contenu de ses lois qui est souvent très politiquement correct on peut toutefois s'interroger sur leur bien- fondé. En effet, en consacrant des symboles qui trouvent leur origine dans le droit naturel, le législateur cède à la tentation de positiver le droit naturel en le faisant entrer dans la législation. [...]
[...] Cependant, le droit naturel conserve un caractère transcendant qui le consacre comme la norme supérieure de la hiérarchie des normes de Hans Kelsen auquel doit se conformer le droit positif. Il semblerait donc que la désobéissance civile en cas d'infraction à cette norme supérieure est légitimée dans le sens où, comme le disait Calvin, lorsque les lois sont injustes, les séditieux ne sont pas ceux qui les violent, mais ceux qui les font Primat de l'observation de la nature sur l'artificialité du droit Le droit naturel apparait comme l'inverse du droit positif parce qu'il ne découle pas de l'expression de la volonté d'un législateur ou d'un juge, mais bien de la nature des choses. [...]
[...] La loi fixe les règles concernant : les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens De plus, le législateur a dépassé son rôle initial consistant à fixer les principaux traits du régime juridique des libertés publiques existantes en proclamant des libertés publiques nouvelles comme droit à la vie privée qui fut intégré dans le Code pénal par la loi du 17 juillet 1970. Adaptation récente du positivisme à la théorie des droits naturels Certes le droit naturel ( ) est différent du droit positif. [...]
[...] Comme l'écrit Balibar : le problème crucial semble bien résider dans le transfert de l'absolutisme à la loi elle-même qui est l'oeuvre des légistes contemporains de l'institution de l'Etat-nation, en particulier de Bodin (et à sa suite de Hobbes), donc de l'intériorisation de la souveraineté de la volonté à la forme de la loi elle-même, qui l'impersonnalise, ou la rend indépendante de la personne particulière du souverain et des circonstances de sa décision Or, le positivisme juridique étatique présuppose que c'est en tant qu'émanation de l'Etat que la loi est légitime : en cela, il permet d'expliquer le caractère obligatoire de la règle de droit, mais il réduit le droit à la seule loi, ouvrant ainsi une porte au formalisme juridique du totalitarisme. En guise de solution, Arendt avance que le droit naturel se doit être un droit aussi imprescriptible les crimes contre l'humanité, découverts par la raison de l'individu. Contre son obéissance spontanée à la loi, il convient de garder à l'esprit que sans possibilité de désobéissance il n'y a pas de légitimité de l'obéissance (Arendt). Conclusion L'opposition fratricide entre droit public et naturel doit s'estomper au profit d'un enrichissement mutuel de ses deux droits. [...]
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