Dans son rapport public de 2006, le Conseil d'État définit le principe de sécurité juridique en disant que ce principe « implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable». Ce principe est consacré par le Conseil d'État dans son arrêt KPMG de mars 2006.
Les citoyens doivent donc avoir la possibilité de savoir ce qui est défendu et ce qui ne l'est pas par le droit applicable. Or le droit qui s'applique à eux a plusieurs sources : des sources écrites, telles que les lois ou encore la Constitution, mais également des sources non écrites, au rang desquelles figure le droit jurisprudentiel. Celui-ci émane des juridictions nationales et correspond à la solution apportée par les juridictions à une question de droit.
Le problème qui se pose est le suivant : le droit jurisprudentiel, qui est un droit non écrit, et qui de ce fait n'est pas un droit auquel le citoyen peut se référer comme cela aurait été le cas s'il était codifié ne réduit-il pas la sécurité juridique? Cependant, s'il existe, n'est-ce pas pour combler certaines lacunes du droit écrit et pour ainsi garantir davantage la sécurité juridique ?
[...] Une multiplicité de sources de droit jurisprudentiel Pendant longtemps, le Conseil d'Etat a monopolisé le privilège de faire jaillir les principes généraux de son activité juridictionnelle. Le Conseil Constitutionnel s'est inspiré du CE et se réfère pour la première fois à un principe général du droit dans sa décision du 26 juin 1969. Depuis, le Conseil n'hésite plus à recourir aux principes généraux du droit, lorsque cela lui apparaît utile. Il consacre ainsi le principe de continuité du service public, auquel il donne une valeur constitutionnelle dans sa décision du 25 juillet 1979. [...]
[...] Mais d'autres principes généraux du droit ont une valeur constitutionnelle. Il en va ainsi des principes généraux du droit qui sont en même temps énoncés dans le Préambule de la Constitution : c'est le cas par exemple du principe de liberté et du principe d'égalité, qui sont à la fois des principes généraux du droit et des règles de la Déclaration des droits de l'homme. Des principes purement jurisprudentiels ont été érigés au niveau constitutionnel, comme la continuité du service public (décision du 25 juillet 1979) et le droit au recours pour excès de pouvoir contre toute décision administrative (décision du 18 septembre 1986) (Une règle jurisprudentielle ne lie pas définitivement le juge, mais l'administration et le pouvoir réglementaire autonome défini par la Constitution de 1958 sont tenus de s'y conformer, car s'ils prennent des actes en contradiction avec la jurisprudence, ils peuvent être sanctionnés par le juge. [...]
[...] Cependant, s'il existe, n'est-ce pas pour combler certaines lacunes du droit écrit et pour ainsi garantir davantage la sécurité juridique ? Le droit jurisprudentiel peut apparaître comme un facteur d'affaiblissement de la sécurité juridique Un droit non écrit et évolutif Les principes généraux du droit, qui sont un exemple de droit jurisprudentiel, sont des principes non écrits qui s'appliquent même sans texte et qui ne sont non pas créés, mais découverts et consacrés par le juge à partir d'un certain état de la conscience collective à un moment donné. [...]
[...] Le problème de sécurité juridique que posent ces principes généraux du droit est le fait qu'ils ne soient pas écrits. Le citoyen ne peut s'y référer et ne peut par conséquent pas savoir de façon certaine ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. L'autre problème que ces principes posent vis-à-vis de la sécurité juridique est leur caractère évolutif. Tout en continuant d'appliquer les principes traditionnels, les juridictions dégagent des principes nouveaux, qui correspondent à des exigences plus récentes de la société. [...]
[...] Un conseil municipal peut en conséquence établir des droits d'inscription à un conservatoire national de musique qui varient selon les ressources des familles (CE décembre 1997, Commune de Gennevilliers) Le caractère évolutif des principes généraux du droit pose problème vis-à- vis de la sécurité juridique, car ils subissent des modifications dans le temps et ne permettent pas au citoyen de savoir ce qui est permis ou ne l'est pas compte tenu du fait que cela peut changer au fil des années. Ce qui était défendu hier peut ne plus l'être aujourd'hui. Ceci est d'autant plus vrai qu'à l'inverse de certains systèmes juridiques, tel que le système juridique anglo-saxon par exemple, le droit français n'utilise pas la règle du précédent. Les juges ne sont pas liés par les solutions adoptées dans le passé. Des revirements de jurisprudence sont donc toujours possibles. [...]
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