À première vue, le droit et l'évaluation n'ont que peu de points communs. Si on applique ces termes à l'administration ou à l'action administrative, ou aux politiques publiques, le droit administratif a pour objet de décrire des structures, des institutions, ou encore de définir des normes, voire la façon dont celles-ci sont respectées ou au contraire enfreintes par les acteurs. De son côté, l'évaluation a pour objet d'apprécier l'efficacité d'un comportement, d'un organisme, d'une politique. Normalement, elle n'a pas à formuler de jugements juridiques, de même que le droit est en principe étranger aux jugements sur l'efficacité ou la qualité. On a coutume d'opposer la légalité, domaine du juriste, et l'opportunité, apanage du décideur et du contrôleur, et qui échappe à l'appréciation du juge. Il serait facile d'en déduire que le droit et l'évaluation sont radicalement séparés. « Summum jus, summa injurio »; et pourquoi pas « summum jus, summa inefficacia » ?
[...] Elle est à présent suffisamment mûre et sûre d'elle pour s'essayer sans craintes à une meilleure prise en compte du droit. À long terme, les chemins parallèles des juristes et des évaluateurs convergeront peut-être vers une action administrative plus juste et plus efficace. C'est en tout cas cet idéal, certes un peu utopique, qu'il faut tracer aux uns comme aux autres. [...]
[...] Peut-être parce que l'essor de l'évaluation, il y a une dizaine d'années, a coïncidé avec un certain déclin du droit, phénomène à notre avis regrettable, mais passager et sans doute dépassé déjà. Or, de même qu'il a fallu des textes des lois, des décrets, des circulaires, bref . du droit pour introduire l'évaluation et l'officialiser, de même il faut sans doute donner aux évaluateurs de Faction publique, sinon une formation juridique (ils l'ont souvent), du moins un réflexe juridique. Dans un État de droit, et si soucieux soit-on de l'efficacité de l'administration et de son action, on ne peut pas négliger la légalité de cette action. [...]
[...] Prennent- ils en compte les atteintes au droit et leurs effets, au passif de leurs propres bilans? Pas systématiquement, sans doute; mais ils le font aussi. D'abord, il arrive qu'une évaluation qui constate, outre une décision catastrophique, des erreurs de gestion voire des malhonnêtetés, débouche assez naturellement sur des poursuites disciplinaires ou pénales, donc sur des effets de droit (songeons, pour s'en tenir à cet exemple, au scandale de la Villette). Ensuite, et inversement, il arrive, peut-être plus souvent encore, qu'un juge d'instruction ou un procureur, dans le cadre de poursuites pénales, décèlent des irrégularités dans une gestion administrative et soient à l'origine de contrôles pouvant prendre la forme d'évaluations. [...]
[...] C'est bien dire que ex ante, droit et évaluation ne sauraient être complètement étrangers l'un à l'autre. Mais, symétriquement, si l'évaluation pénètre dans le droit, le droit s'infiltre dans l'évaluation. Comment un décideur responsable pourrait-il prendre le risque, lorsqu'il suppute les chances et les inconvénients d'une décision ou d'une action possibles, de faire abstraction des éléments juridiques? Décider un recrutement par concours, engager de grands travaux en lançant des expropriations, accorder un permis de construire pour la réalisation d'un grand ensemble, tout cela peut être parfait sous l'angle d'une évaluation ex ante, d'un point de vue social ou financier. [...]
[...] indemnité le Conseil ne peut que se livrer à une appréciation de caractère économique et financier, fondée sur les cours de Bourse pendant une période de référence retenue par les pouvoirs publics et jugée par lui trop courte, ce qui ressemble fort à une évaluation Ainsi les juristes, singulièrement les juges, intériorisent de plus en plus la notion dévaluation dans leurs raisonnements en droit même si, à notre connaissance, le mot même n'est pas utilisé. Quid, alors, des évaluateurs? Font-ils la démarche symétrique? [...]
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