« La liberté consiste à faire tout ce que permet la longueur de la chaîne ».
Cette remarque quelque peu acerbe du fondateur de l'hebdomadaire Charlie hebdo, François Cavanna, peut résumer de manière non exhaustive la portée de l'arrêt Melle Aboutaher rendu par le conseil d'état en sous section le 2 juin 2003. Plus prosaïquement, l'idée de M. Cavanna est que toute liberté a sa limite.
Il est ici question d'un conflit entre un droit fondamentale et une réglementation impérative d'ordre public, en l'occurrence ici la liberté de manifester sa religion et l'obligation d'être nu tête pour des photos officielles.
Dans le cas d'espèce, Melle Aboutaher a voulu renouveler son passeport et en fit la demande au consulat général de France à Londres. Celui-ci par une décision du 4 avril 2002 lui refusa ce renouvellement du fait de la non-conformité des photos d'identité. Melle Aboutaher fit alors un recours en excès de pouvoir contre cette décision de refus devant le conseil d'état en vue de son annulation.
Melle Aboutaher s'appuie sur différents textes protecteurs des libertés et des droits fondamentaux, notamment ici du droit d'exercer les préceptes de la religion musulmane qui lui commande de porter le voile lorsqu'elle est hors de chez elle. Ces textes sont la constitution de 1958, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) avec son article 10, l'article 9 de la Convention Européenne de Droits de l'Homme (CEDH), et l'article 1 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l'église et de l'état. Tous ces textes ont une valeur constitutionnelle et en tant que tel, toute personne peut s'en prévaloir si elle estime que l'un de ces droits ou l'une de ces libertés a été bafoué ou tout du moins illégitimement restreint par les pouvoirs publics.
[...] Elle est illustrée dans les arrêts Kherouaa du 2 novembre 1992 et Yilmaz du 14 mars 1994 ou le CE affirme que la manifestation d'une appartenance religieuse peut se faire à condition que celle-ci ne soit pas par sa nature constitutive d'un acte de prosélytisme. Ce premier motif de sanction légale est suivi d'un second qui est l'existence de trouble à l'ordre public ou altérant le fonctionnement du service public. C'est ce second motif qui est utilisé dans le cas d'espèce par le CE. [...]
[...] Par sa requête en annulation, Melle Aboutaher pointe l'illégalité même de ce décret de 2001. Cet argument de l'illégalité du décret fut rejeté par le CE car celui-ci a estimé que le décret répondait parfaitement aux exigences modernes de lutte contre le terrorisme et la délinquance. Mlle Aboutaher s'est aussi appuyée sur la CEDH pour protester contre le non-respect de son droit d'aller et venir car la non-obtention de son passeport ne lui a pas permis d'entrer sur le territoire français. [...]
[...] La CEDH a eu à rendre plusieurs décisions sur ces questions de manifestation ostentatoire de l'appartenance à une religion. une application jurisprudentielle de cette limite Il est ici question de la jurisprudence du CE et de la Cour européenne des droits de l'homme. Le principe de liberté de conscience est un principe de non-discrimination et d'égalité entre les cultes. Les citoyens résidants sur le territoire des états partis à la CEDH bénéficient ainsi de la liberté de pratiquer le culte de leurs choix et d'en manifester les préceptes, tant que cette manifestation ne trouble pas l'ordre public. [...]
[...] Le législateur de 1905 ne pensait pas à l'application de sa loi en vue d'assurer l'efficacité de mesure visant à préserver la sécurité publique avec des photos officielles bannissant pour des raisons pratiques le port du voile. Est-ce à dire que le décret de 2001 est une suite logique de la loi de 1905 ? La réponse à cette question est négative ; néanmoins, il en respecte l'esprit puisque ce décret a été pris en vue de préserver l'ordre public. [...]
[...] Quels sont les éléments objectifs qui permettent au juge administratif d'effectuer un contrôle de légalité d'un acte administratif restreignant la liberté de religion ? Cela amène dans un premier temps à définir les contours de la liberté de religion avec les instruments juridiques qui permettent sa sauvegarde ( I puis dans un second temps à voir que cette liberté de manifester son appartenance à une religion n'est pas une vache sacrée ( II la liberté religieuse : un concept essentiel dans un état démocratique La liberté de conscience religieuse repose sur différents textes internationaux dont le plus important est la CEDH ( B). [...]
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