En dépit du principe de la force obligatoire du contrat - véritable pilier du temple contractuel - imposant qu'une partie ne peut se délier d'une convention par sa seule volonté, la rupture unilatérale pour comportement grave d'un cocontractant a fait une irruption retentissante dans notre droit positif. C'est en effet un véritable droit jurisprudentiel de la résolution unilatérale que la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation s'attèle à bâtir depuis quelques années, comme en témoigne l'arrêt du 28 octobre 2003 (...)
[...] La condamnation du créancier en présence d'un anéantissement abusif du contrat Comme le rappelle la Cour de cassation, la résolution unilatérale est réalisée aux risques et périls du créancier. Cela signifie que si contrat se relève disproportionnée à la gravité du comportement, le créancier, qui a pris à ses risques et périls l'initiative de rompre unilatéralement le contrat, encourt le risque de voir sa responsabilité mise en jeu par les magistrats. Car, en cas de résolution intempestive d'un contrat, les juges ont la faculté de condamner le contractant fautif à payer des dommages et intérêts qui pourront s'avérer punitifs, mais aussi à poursuivre le contrat jusqu'à son terme en procurant à l'autre partie la satisfaction attendue. [...]
[...] En l'espèce, une société qui n'était plus satisfaite de son cocontractant avait mis fin de façon unilatérale et anticipée au contrat qu'elle avait conclu avec lui pour une période de dix-huit mois. Ce dernier a alors saisi les tribunaux afin d'obtenir des dommages-intérêts pour rupture fautive. Il a été débouté de se demande par la Cour d'appel au motif que la rupture était justifiée par la non exécution par la société (débitrice) de ses obligations contractuelles au cours des deux mois précédents Saisie par cette dernière, la Cour de cassation s'est une nouvelle fois penchée sur la question de savoir si l'une des parties peut se délier de ses obligations contractuelles en cas de manquement de son cocontractant. [...]
[...] La gravité prise en compte tient donc à des agissements personnels du débiteur, qui peuvent revêtir la forme d'une négligence excessive ou d'un refus systématique de payer (en ce sens à propos du manque de disponibilité d'un médecin anesthésiste, ses états d'énervement et de brutalité à l'égard de certains malades : Civ. 1ère 13 octobre 1998). Mais si la Cour de cassation admet la résolution unilatérale du contrat pour comportement grave, elle subordonne, toutefois, son admission à un contrôle judiciaire a posteriori. II- Une admission subordonnée à un contrôle judiciaire a posteriori. [...]
[...] Ce risque de condamnation constitue un sérieux moyen de dissuader le créancier de se faire trop systématiquement justice à lui- même. Le créancier doit donc être particulièrement prudent avant de rompre unilatéralement les relations contractuelles. Aussi, une mise en demeure préalable s'avère-t-elle indispensable afin que la rupture unilatérale du contrat ne soit pas jugée abusive par les magistrats. Dans l'hypothèse où le créancier ne serait pas certain du caractère suffisamment grave du comportement de son cocontractant, il demeure préférable qu'il saisisse préalablement les tribunaux. En définitive, le créancier doit évaluer les risques au regard des sanctions auxquelles il s'expose. [...]
[...] Il aurait en outre été inopportun d'opérer une distinction quant aux pouvoirs du créancier en se fondant sur un critère résidant dans la durée du contrat inexécuté. Ainsi aujourd'hui, quelle que soit la durée du contrat, la gravité du comportement de l'une des parties justifie que l'autre y mette fin de façon unilatérale. Dans son arrêt du 28 octobre 2003, la Cour de cassation le rappelle expressément dans un attendu de principe dénué d'ambiguïté, aux termes duquel la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non Mais dans cet arrêt un éclairage est en outre porté sur la notion de comportement grave, comportement qui seul justifie cette rupture. [...]
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