La Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 dispose en son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. ». Cette disposition a valeur constitutionnelle puisque la DDHC a été reprise dans le préambule de la constitution de 1958. L'article 545 du Code civil affaiblit l'article 17 de la DDHC en substituant le but de « nécessité publique » à la simple « utilité publique ». En effet, l'article 545 dispose que : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ».
La Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) de 1950, article premier de son protocole additionnel n°1 dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux internationaux ». En 1804, l'utilité publique était appréciée d'une manière restrictive. On ne pouvait recourir à l'expropriation que pour la réalisation de travaux publics ou pour accroître le domaine public. L'expropriation doit être distinguée de la réquisition, puis de la préemption. Par la réquisition, l'Administration contraint une personne à lui accorder l'usage d'un bien immeubles ou meubles. Ordinairement, il s'agit d'une occupation immobilière moyennant une indemnité de location. La réquisition intervient dans des circonstances anormales (ex. la guerre) en revanche, l'expropriation intervient en temps normal. La préemption permet à l'administration d'avoir la priorité dans l'acquisition d'un bien. Elle existe aussi pour le locataire d'un immeuble. A la différence de l'expropriation, elle ne peut être exercée que si le bien est en vente.
L'expropriation pour cause d'utilité publique est une procédure administrative et judiciaire, un mode de cession forcée des biens, une dépossession consentie par la force, un pouvoir exorbitant du droit commun par laquelle une personne publique (l'administration) utilise son pouvoir de contrainte pour obtenir la propriété d'un bien en vue de la réalisation d'un objet d'intérêt général. C‘est à dire que l'administration impose à un propriétaire la cession d'un droit, le plus souvent immobilier, dans un but d'utilité publique, moyennant le paiement d'une juste et préalable indemnité. Il nous faut nous demander ce que recouvre réellement cette notion.
Il est un lieu commun de constater l'élargissement de la notion d'utilité publique. Le législateur et le juge administratif ont collaboré afin de rendre cette notion accueillante. En tout état de cause, à l'origine et pendant près d'un siècle, il a été fait un usage restreint de l'expropriation qui était utilisée essentiellement pour constituer, aménager ou étendre le domaine public. La notion d'utilité publique a ensuite été étendue à la satisfaction des besoins liés au fonctionnement des services publics, puis, dans les années 1930, l'utilité publique est étendue dans une acception beaucoup plus large ; elle correspond à l'intérêt général. Que recouvre réellement la notion d'utilité publique ? L'extension de cette notion se traduit dans la législation (I) et dans la jurisprudence (II), c'est ce que nous allons étudier ensemble.
[...] L'extension de la notion d'utilité publique par le législateur La notion d'utilité publique est une notion flexible, évolutive, elle n'a pas cessé de se diversifier et de s'élargir. D'une conception initiale plutôt incertaine nous sommes passés à la définition précise par le législateur des finalités permettant de recourir à l'expropriation même si nous verrons plus tard qu'il n'a pas été le seul à élargir la notion. A. La conception initiale de l'utilité publique Comme il a été dit auparavant, l'abandon rapide de l'exigence de nécessité publique (DDHC) pour une simple utilité publique (Code civil) est une des premières manifestations de l'élargissement de la notion. [...]
[...] En tout état de cause, à l'origine et pendant près d'un siècle, il a été fait un usage restreint de l'expropriation qui était utilisée essentiellement pour constituer, aménager ou étendre le domaine public. La notion d'utilité publique a ensuite été étendue à la satisfaction des besoins liés au fonctionnement des services publics, puis, dans les années 1930, l'utilité publique est étendue dans une acception beaucoup plus large ; elle correspond à l'intérêt général. Que recouvre réellement la notion d'utilité publique ? [...]
[...] En admettant que l'expropriation est licite chaque fois qu'une opération présente un intérêt général la jurisprudence s'est donné un large pouvoir d'interprétation de la notion d'utilité publique, c'est ce que nous allons maintenant étudier. II. La contribution de la jurisprudence à l'élargissement de la notion d'utilité publique L'évolution de la jurisprudence administrative fut lente prudente mais efficace, avec un remarquable coup d'audace l'une des plus célèbres créations prétoriennes de ces dernières années : l'instauration, à propos du contrôle de l'utilité publique, de la théorie du bilan et du contrôle de proportionnalité en 1971 qui a simplifié la suite des choses. [...]
[...] Si l'administration s'est simplement trompée dans l'identification de l'utilité publique, il n'y a pas détournement de pouvoir. Celui-ci n'apparaît que s'il y a intention délibérée et consciente. Le refus d'admettre l'utilité publique se rencontre surtout dans trois hypothèses : lorsque l'expropriation poursuit un intérêt privé exclusif, un intérêt financier exclusif ou cherche exclusivement à faire échec à la chose jugée, présentation qui met en valeur le fait que la présence d'intérêts privés et financiers ne contrarie pas l'utilité publique dès lors que d'autres intérêts publics ceux-ci se rencontrent. [...]
[...] Est-il nécessaire pour cette opération de recourir à l'expropriation ? Les avantages de l'opération l'emportent-ils sur les inconvénients ? On peut faire plusieurs constats. Les annulations sur le fondement du bilan restent rares, mais elles ne sont pas non plus exceptionnelles. L'intensité du contrôle varie en fonction des enjeux, et les annulations concernent surtout des projets locaux. En effet, le juge se montre rigoureux à l'égard des opérations des collectivités décentralisées, des communes en particulier (CE octobre 1973, Grassin à propos de la création d'un aérodrome disproportionné par rapport aux moyens financiers de la commune et CE juillet 1987, Denis et Lausanne à propos d'un projet de lotissement inutile). [...]
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