Quelle est la nature juridique de la somme prise sur le bénéfice d'une société pour être attribuée aux associés - autrement dit, du dividende ? Aucune catégorie du droit privé fondamental n'accueille expressément ce type de richesse nouvelle car ces catégories sont inscrites dans un code qui, non seulement a plus de deux siècles et n'a pas été révisé s'agissant du régime général des biens, mais encore, s'est grandement inspiré, quant à ces questions, d'un droit romain qui plaçait la terre au centre des richesses. Il ignorait le fonds de commerce, l'entreprise, le bénéfice et donc, le dividende.
Mais la loi civile générale a ce caractère parce qu'elle rassemble des instances qui, destinées à embrasser une grande variété de situations et d'hypothèses, sont aptes à s'adapter, en tout cas dans une certaine mesure, aux évolutions et aux innovations. Parmi ces cadres figure le « fruit », richesse nouvelle qui émane d'un bien préexistant sans en altérer la substance. Le fruit se subdivise en trois sous-catégories : les fruits naturels, qui procèdent spontanément du capital frugifère ; les fruits industriels, qui en résultent grâce à l'intervention de l'homme - la culture de la terre, dans la vision initiale ; les fruits civils, qui sont des fruits fictifs car ils ne proviennent pas du capital mais, seulement, de sa mise à disposition d'autrui, moyennant une rémunération qui confère à ces biens leur caractère monétaire. Leur insertion parmi les fruits s'explique par le fait qu'indirectement, mais certainement, ils doivent leur existence à un bien préexistant, et que cette existence advient sans altération de la substance de leur source. Le fruit, c'est donc le bien qui, directement ou indirectement, provient d'une chose préexistante dont il n'altère pas la substance.
De longue date, la Cour de cassation rattache les dividendes aux fruits. Mais elle le fait au moyen de formules qui placent cette nouvelle espèce dans une position de marginalité par rapport au genre. Un arrêt de la première chambre civile en date du 21 octobre 1931 assimila les dividendes aux fruits civils, en énonçant que « les bénéfices des sociétés commerciales, dans la mesure où, d'après les statuts ils doivent être répartis périodiquement entre les ayants droit, participent de la nature des fruits civils, auxquels il y a lieu de les assimiler ». Les dividendes s'acquéraient donc « au jour le jour », ainsi que le prévoit l'article 586 du code civil pour les fruits civils puisqu'ils constituent la rémunération d'une mise à disposition qui s'inscrit, nécessairement, dans le temps (dans le même sens, Civ. 7 juill. 1941).
[...] La personne morale incarne le regroupement des associés, au nom d'un objectif de plus grande performance de l'exploitation de leur mise. Quand l'Assemblée générale, autrement dit, la voix des associés, décide d'attribuer à ces derniers telle fraction du bénéfice distribuable, cette décision neutralise les droits de l'être moral sur la même fraction, par une forme d'anticipation ponctuelle du partage de l'actif social - le capital frugifère - : la décision d'attribution participe d'une décision de partage, ce dont il résulte que, dès cette décision, les différentes fractions de bénéfice distribuable appartiennent exclusivement à chaque associé attributaire, indépendamment d'un paiement, et sans concurrence avec la personne morale. [...]
[...] quelque opération juridique que ce soit . Son caractère monétaire révèle l'absence de la procréation qui caractérise les fruits naturels - donc industriels. Pourtant, économiquement, les dividendes sont le résultat de l'exploitation de l'actif social, et non la contrepartie de sa mise à la disposition d'un tiers. Sous cet angle, le rapprochement avec les fruits industriels est compréhensible, sinon éclairant. Au demeurant, en faisant appel à la subrogation réelle, ne peut-on reconstituer, substantiellement, à propos des dividendes, le schéma fondamental de la fructification industrielle ? [...]
[...] La décision ne précise pas que le dividende participe de la nature des fruits mais on ne saurait voir là le signe d'une appréhension de la qualité de fruit du bénéfice attribué différente de celle de la chambre commerciale, non seulement parce que l'article 1401 du code civil inclut formellement les revenus dans les fruits, mais encore parce que l'essentiel demeure, à savoir la condition de l'avènement d'un fruit de parts sociales : dans les deux arrêts, cette condition est identique et tient à la décision d'attribuer aux associés tout ou partie de bénéfice distribuable. * Si, comme le fruit civil, le dividende est monétaire, contrairement à cette espèce, il ne constitue pas la rétribution d'une concession d'utilité d'une chose. Le fruit-dividende est une fraction des sommes reçues par la personne morale en contrepartie du commerce des biens et des services qu'elle crée. Aucune rémunération de la jouissance d'un élément d'actif social n'est ici repérable : le dividende est une partie des sommes reçues en rémunération d'aliénations (ou d'actes assimilés, s'agissant des services). [...]
[...] Dans ces conditions, ne s'impose-t-il pas de considérer que les sommes obtenues en contrepartie de cet échange participent, substantiellement, de la nature des fruits industriels, puisqu'elles sont le résultat de la mise en oeuvre d'un capital productif - des néo-fruits industriels - ? Encore faut-il que ces sommes forment un bénéfice distribuable, ce qui requiert, comme le rappelle l'arrêt de la chambre commerciale, l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale et la constatation par celle-ci de l'existence des sommes distribuables Ces valeurs sont des fruits mais, jusqu'à la décision d'attribution aux associés de tout ou partie d'entre elles, ces fruits appartiennent à la seule personne morale (art c. [...]
[...] Une décision ultérieure réintroduisit la participation de la nature des fruits tout en reprenant, pour le reste, les termes de l'arrêt de 1984 les sommes qui, faisant partie du bénéfice distribuable, sont, soit en vertu des statuts, soit après décision de l'Assemblée générale, réparties entres les actionnaires, participent de la nature des fruits Com oct. 1999). Mais la censure était prononcée notamment pour violation de l'article 586 du code civil . La participation des dividendes de la nature des fruits (Com déc. [...]
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