Donner à bail permet de faire fructifier la chose. Aussi, le bailleur doit-il, en principe, être titulaire d'un droit réel de jouissance, lui permettant de s'approprier les fruits, donc d'en faire profiter le preneur. A la différence de la vente de la chose d'autrui, le bail de la chose d'autrui, en lui-même, n'est pas inefficace car rien n'interdit de s'engager à procurer la jouissance du bien d'autrui.
C'est en ce sens que l'arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation en date du 13 février 1985 vient s'inscrire car la Cour rappelle la validité d'un tel bail et en tire tous ses effets. Il convient toutefois d'établir un bref rappel des faits de l'affaire qui a donné lieu à un arrêt de rejet par la Cour de Cassation.
Par acte du 1er août 1945, les époux Languerre, propriétaires et bailleurs de l'immeuble loué aux époux Metivier ; locataires, exerçant dans les locaux l'exploitation d'un fonds de commerce; consentent à ces derniers une promesse de vente sur l'immeuble. Avant la conclusion de l'acte authentique, les époux Metivier vendent leurs fonds de commerce et donnent en location les locaux d'exploitation et d'habitation aux acquéreurs du fonds, les époux Couty Jouan, aux droits desquels se trouvent les époux Boudin.
Le 22 février 1978, les époux Metivier font délivrer aux époux Boudin un commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au bail, les loyers échus du 15 novembre 1977. Le 27 juin 1978, l'acte authentique de vente consécutif à la promesse de vente accordée aux époux Metivier est signée. Le commandement de payer étant resté vain, les époux Metivier assignent donc les époux Boudin en résiliation du bail et perdent par la suite leur qualité de propriétaires de l'immeuble puisqu'un contrat de vente portant sur l'immeuble est consenti à Melle Coquel. Cependant, la résiliation de plein droit en vertu de la clause résolutoire, faute de paiement dans le délai prescrit interviendra avant la vente du 5 octobre 1978.
Les époux Metivier, demandeurs, assignent donc, les époux Boudin, défendeurs, en résiliation du bail par application de la clause résolutoire fixée à l'expiration du délai visé au commandement devant le TGI compétent. Suite à une 1ere instance inconnue, la Cour d'Appel en date du 14 mai 1982 déboute les époux Metivier de leur demande. Ces derniers forment un pourvoi en cassation alléguant « l'exceptio non adimpleti contractus ». La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, le 13 février 1985, rejette le pourvoi.
Les magistrats de la Cour de Cassation ont dû faire face au problème de droit suivant : à quelles conditions, le bail de la chose d'autrui est-il valable ?
Les juges de la Cour de Cassation écartent le débat lié au fait de savoir, si en vertu de la promesse synallagmatique de vente, les époux Metivier étaient devenus propriétaires et affirment que peu importe, le bail de la chose d'autrui est valable à condition que le bailleur ait procuré au preneur la jouissance paisible des lieux, néanmoins le contrat de bail est inopposable au véritable propriétaire (tiers au contrat).
Les magistrats rappellent ainsi la validité du bail de la chose d'autrui inter partes (I) dont résultent les effets dudit bail (II).
[...] Admettant la validité du bail de la chose d'autrui, le contrat est donc appelé à produire ses effets. II - Les effets du bail de la chose d'autrui Les effets du bail se retrouvent dans le respect du contenu contractuel : la clause résolutoire et dans les rapports entre les parties Le respect du contenu contractuel : la clause résolutoire En application de l'article 1134 alinéa 1 du code civil relatif à la force obligatoire du contrat les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites Les époux Boudin ne se sont pas exécutés, s'agissant du paiement des loyers échus au 15 novembre 1977, un commandement de payer leur est adressé, ce dernier étant resté vain à l'expiration du délai ; le contrat prévoyait quant à lui une clause résolutoire qui prévoyait la résiliation de plein droit du bail à l'expiration du délai visé au commandement. [...]
[...] Les magistrats rappellent ainsi la validité du bail de la chose d'autrui inter partes dont résultent les effets dudit bail (II). I - La validité du bail de la chose d'autrui inter partes La reconnaissance de la validité du bail de la chose d'autrui en appelle à sa justification et à ses conditions de validité La justification A la différence de la vente chose d'autrui qui est nulle car le vendeur ne dispose pas dans son patrimoine du droit de propriété et ne peut ainsi le transférer, le bail de la chose d'autrui ne comporte aucun effet translatif de droit réel. [...]
[...] Cependant, il est des cas où l'inopposabilité du bail au propriétaire sera tenue en échec notamment lorsque le preneur a conclu le bail de bonne foi sous l'emprise de l'erreur commune et invincible. Il s'agit, dès lors, d'appliquer les principes généraux de la propriété apparente. En l'espèce, il manquait donc à établir la bonne ou mauvaise foi des époux Boudin afin de savoir si le bail était opposable ou inopposable au propriétaire qui de toute façon, n'avait pas décidé de revendiquer l'immeuble. [...]
[...] Le bail de la chose d'autrui : Civ février 1985 Donner à bail permet de faire fructifier la chose. Aussi, le bailleur doit-il, en principe, être titulaire d'un droit réel de jouissance, lui permettant de s'approprier les fruits, donc d'en faire profiter le preneur. A la différence de la vente de la chose d'autrui, le bail de la chose d'autrui, en lui-même, n'est pas inefficace car rien n'interdit de s'engager à procurer la jouissance du bien d'autrui. C'est en ce sens que l'arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation en date du 13 février 1985 vient s'inscrire car la Cour rappelle la validité d'un tel bail et en tire tous ses effets. [...]
[...] Les prérogatives importantes que confèrent au preneur, les statuts spéciaux tendent, comme au 19 ème, à lentement reconstituer un domaine utile au profit du preneur et à ne laisser au bailleur que le domaine éminent Ayant une certaine opposabilité, le droit du preneur est doté des prérogatives du droit réel surtout dans ces statuts spéciaux : par exemple, la vocation à la durée (droit au renouvellement pour le bail commercial ou maintien dans les lieux), à la propriété (droit de préemption) voire parfois un droit direct sur la chose louée avec le droit d'en modifier la structure (statut du fermage). Néanmoins, ce droit demeure personnel. Il suffit d'observer les conséquences de sa violation par la bailleresse, le preneur doit engager la responsabilité contractuelle de celui-ci et ne dispose d'aucun moyen pour retrouver directement la jouissance de la chose louée (la protection possessoire est accordée au détenteur contre tout autre que celui de qui il tient ses droits art 2282 al 2 du code civil). [...]
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