« Entre la loi et le peuple pour qui elle est faite, il faut un moyen de communication ; car il est nécessaire que le peuple sache ou puisse savoir que la loi existe et qu'elle existe comme loi ». Cette citation de Portalis traduit bien l'impératif de connaissance de la loi par tous les citoyens : puisque la loi est faite pour et par le « peuple », et que « nul n'est censé ignorer la loi », celle-ci se doit d'être accessible, c'est-à-dire tout d'abord intelligible. Le Conseil d'Etat, dans son rapport public de 2006, rappela les conditions sine qua non de cette intelligibilité : la qualité de la loi, mais aussi sa prévisibilité. Ces deux mots définissent à eux seuls la sécurité juridique (...)
[...] Pire, l'intégration de ce principe de sécurité juridique dans notre ordre national est l'objet de réserves de vocabulaire, ce qui constitue un paradoxe au regard de sa forte prégnance sur le droit jurisprudentiel. Nous avons vu que les juridictions la mobilisaient sans véritablement la nommer. L'exemple le plus frappant est celui du Conseil constitutionnel, qui érigea bel et bien l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi au rang de valeur constitutionnelle, mais sans jamais évoquer expressément le terme de sécurité juridique chose qu'il a toujours refusé. [...]
[...] La difficile question des revirements de jurisprudence D'autre part, la question des revirements de jurisprudence, rétroactifs par essence, demeure brûlante, car en contradiction avec le principe de non rétroactivité de la loi. Sous l'impulsion de la CJCE, les juges français ont pourtant fait des efforts récents pour limiter leur caractère rétroactif: la Cour de Cassation, par son arrêt du 21/12/2006, mettait en oeuvre la notion de revirement de jurisprudence pour l'avenir, tandis que le Conseil d'Etat, par sa décision du 16/07/2007, justifiait une limitation de rétroactivité en visant explicitement l'impératif de sécurité juridique. Mais cela n'ôte pas au revirement de jurisprudence son caractère rétroactif. [...]
[...] Mais ce serait surestimer la force d'un principe qui, encore à bien des égards, reste parfois du domaine de la notion doctrinale. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, plus que jamais face à un sentiment de gesticulation législative (Renaud Denoix de Saint-Marc), la question de la sécurité juridique mobilise un chantier de travail perpétuellement ouvert. Au-delà des ajustements jurisprudentiels en vue de son respect et de sa conciliation avec les autres principes de droit, la solution d'un contrôle à la source par le législateur ne cesse de s'affirmer. [...]
[...] Mathieu) qui peine à se forger une identité juridique en droit français. Il est certes garanti de longue date par la jurisprudence communautaire, et joue un rôle croissant dans notre ordre juridique, en ayant le pouvoir de provoquer des infléchissements de jurisprudence et d'être une source de contraintes pour le législateur. Mais cette réalité forme un paradoxe flagrant avec une reconnaissance non explicite de son existence juridique, les réticences d'application dont il peut être victime, et les contrariétés qu'il est souvent accusé de générer. [...]
[...] Une meilleure consistance juridique en droit français 1 CEDH Plen juin 1979, aff. Marckx contre Belgique 2 dernièrement, CJCE 16 mars décision n°99-421 DC décembre décision 2005- 530 DC du 29 décembre 2005 Ces dix dernières années, l'impulsion donnée de longue date par le droit communautaire orienta le droit français vers une meilleure consécration de ce principe. C'est ainsi que par sa décision d'assemblée KPMG du 24 mars 2006, le Conseil d'Etat fit entrer la sécurité juridique dans le bloc de légalité, après des années de refus à la considérer comme un principe général du droit. [...]
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