Ce rapport met en exergue les difficultés inhérentes à l'appréhension de la nature même du revirement de jurisprudence, nature qui n'est pas sans implications. Comment peut-on le définir, l'identifier... ?
[...] Il faut, semble-t-il, pour adhérer à cette idée, avoir une conception positiviste du Droit. N'est Droit que le droit posé. Tout le reste : droit naturel, société, esprit du peuple n'ont aucune valeur juridique. Ce ne sont que des sources potentielles, mais sûrement efficaces, d'inspiration pour ceux qui ont la charge de faire le droit. Cette charge, relevant en principe de la compétence exclusive du législateur, revient, en pratique, aussi à la jurisprudence. Bien qu'elle s'en défende, la jurisprudence a acquis une autonomie certaine par rapport à la loi. [...]
[...] Il est donc inadéquat de parler de divergences de jurisprudence. On privilégiera l'expression légale, divergences de solutions, plus à mêmes de traduire l'état d'une jurisprudence sans forme, hésitante et en manque d'orchestration. La divergence est la situation de ce qui va en s'écartant Rapportée au monde des idées elle exprime un désaccord, une différence de vues ou d'opinions. La divergence est une polyphonie sans harmonie. Au sein du discours elle implique plusieurs interlocuteurs ayant chacun une opinion différente sur une même question. [...]
[...] Mais pour l'heure, la Cour de assation s'interroge sur les moyens de limiter les conséquences perverses des revirements de jurisprudence. Quelles sont-elles ? II- Conséquences du changement de norme jurisprudentielle L'article deux du Code civil dispose que la loi n'a point d'effet rétroactif et qu'elle n'a d'effet que pour l'avenir. Cette règle trouve son explication dans la notion de prévisibilité du droit. La règle de droit, enfermée dans la loi, a notamment pour vertu d'être préventive et pédagogique. Dés lors, pour organiser les rapports sociaux, elle doit être annoncée, expliquée et faire l'objet d'une publicité préalable à sa promulgation. [...]
[...] Le virement est donc l'instant d'une manœuvre qui sépare deux caps constants[9]. Abandonnons- nous à la tentation métaphorique[10]. La jurisprudence est un navire. Partant du fait, son port d'attache, elle vogue à cap constant vers une destination irréductible, le Droit. Mais, parfois, confrontée aux caprices des vents sociaux contraires et versatiles, la jurisprudence doit louvoyer pour atteindre son but. Pendant un temps, elle suivra alors des caps divergents avant de retrouver sa route. D'autres fois le cap suivi s'avérera être mauvais. [...]
[...] Or la contradiction ne peut exister que si la question posée est identique. En effet, que la contradiction intervienne entre plusieurs émetteurs d'opinions ou chez un seul, elle n'existe que si les termes du problème sont les mêmes. La contradiction nécessite, pour s'apprécier, la comparaison. On ne peut comparer que ce qui se ressemble. Le second point commun est donc la cause du premier : une question de droit unique, indispensable pour comparer soit les solutions divergentes soit les normes jurisprudentielles susceptibles de se contredire et donc de constituer un revirement de jurisprudence. [...]
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