Avant de rappeler les fonctions du Tribunal des conflits, il convient de poser le problème relatif au sort des questions accessoires à un litige principal.
En effet, la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction soulève une difficulté complémentaire quand le juge; qu'il soit administratif ou judiciaire ; saisi au principal d'un litige, doit pour le trancher, répondre à une question accessoire qui relève en principe de l'autre ordre de juridiction ; par exemple, lorsqu'il s'agit de l'interprétation ou de la régularité de l'acte en cause, qui pose « une difficulté sérieuse de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé » , et dont dépend l'issue du litige.
Que se passe-t-il dans une telle hypothèse ? Aucune solution n'est pleinement satisfaisante.
Autoriser le juge saisi à trancher ces questions, conformément à la règle selon laquelle le juge de l'action est juge de l'exception, présente l'avantage évident de simplifier la procédure. Mais, en ce cas, il acquiert le pouvoir de statuer sur un problème de droit, qui relève « naturellement » d'un autre juge, ce qui risque de plus d'engendrer des contrariétés de jurisprudence (pour exemple, on peut citer ici la décision du tribunal des conflits du 17 janvier 1994 « Préfet de Haute-Normandie » ou un arrêté d'expulsion avait été déclaré illégal par le juge répressif et légal par le juge administratif).
Si, au contraire, le procès est suspendu dans l'attente de la réponse à la question préjudicielle, la procédure en est considérablement alourdie ; le requérant devient alors la victime d'un jeu de raquettes entre les ordres de juridiction.
Faute de règles constitutionnelles en la matière, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987 n'a pas inclus dans le champ constitutionnel de la compétence administrative l'interprétation ou l'appréciation de légalité des actes administratifs, les règles ont alors été fixées soit par le législateur, soit par la jurisprudence interprétant les lois de 1790 et de l'an III.
Toutefois, le Tribunal des conflits a été institué par les articles 89 de la Constitution de 1948 pour régler les conflits d'attribution entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire. S'il a été dans un premier temps supprimé avec l'avènement du second empire, il a été recrée par la loi du 24 mai 1872. Ses attributions ont été renforcées par la loi du 20 avril 1932 et le décret du 25 juillet 1960. Ce dernier texte nous intéresse tout particulièrement puisqu'il va renforcer et transformer la procédure de conflit sur renvoi préjudiciel. Cette procédure permet au juge d'effectuer un renvoi au tribunal des conflits si il estime qu'il n'est pas compétent pour statuer ou encore lorsque une question de compétence est mise en cause.
Dès lors, il conviendra d'examiner quelles sont les hypothèses dans lesquelles les questions préjudicielles interviennent ? Comment se présentent-elles dans la pratique et à qui sont-elles adressées ? Quel est le rôle du Tribunal des conflits en la matière ?
Ainsi, pour étudier toute l'étendue de la notion, le mécanisme des questions préjudicielles sera aussi bien envisagé pour les questions posées devant le juge administratif (II) que judiciaire (III), le problème des questions de compétence soulevé devant le Tribunal des conflits sera également examiné (I).
[...] En d'autres termes, relativement à de telles questions, il faut distinguer selon que la réponse à leur donner, et que l'on suppose nécessaire au jugement du recours, soulève ou non, selon la formule de Lafferrière, une difficulté réelle de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé Si la contestation soulevée n'a pas un caractère sérieux il y'a donc seulement question préalable, et compétence de la juridiction administrative. Si en revanche la contestation soulevée revêt un caractère sérieux, il y'a question préjudicielle et la juridiction administrative doit surseoir à statuer. [...]
[...] En témoigne la décision de la Cour d'appel de Paris concernant le CNE (CA de Paris octobre 2006) qui vient affirmer en un considérant très argumenté que le juge judiciaire est compétent pour connaître de la compatibilité et de la conventionalité d'un acte administratif. Même si la position de la Cour d'appel de Paris n'a pas été validée parce que le Tribunal des conflits a considéré que les ordonnances de l'article 38 étaient en l'espèce implicitement ratifiées, elle a eu un retentissement assez important dans la doctrine (notamment M. Verpaux, "Le contrat nouvelles embauches, source de conflit?", AJDA novembre 2006, p ; F. Rolin, "Quel juge pour le CNE Recueil Dalloz E. [...]
[...] Sainte-Rose (vérification de la légalité d'une délibération du conseil municipal qui a institué un versement de transport). Comp. TC 5 juillet 1951, Avranches et Desmarets, R (possibilité pour ce juge d'interpréter et d'apprécier la légalité des actes réglementaires, mais absence de tout pouvoir pour les actes individuels) et, Cass. Crim décembre 1961, Dame Leroux, Bull. n°551, page 1053 (possibilité d'apprécier la légalité des actes administratifs individuels ou réglementaires s'ils servaient de base à la poursuite mais non lorsqu'ils étaient invoqués comme moyen de défense). [...]
[...] Le juge pénal acquiert ainsi un rôle considérable de ce point de vue puisqu'il peut priver de tout effet l'acte administratif dès lors qu'il est compétent pour interpréter les actes individuels et réglementaires Observations du mécanisme au regard de la jurisprudence du Tribunal des conflits La question préjudicielle est un mécanisme de répartition des compétences qui permet au juge judiciaire de garder la plénitude de ses compétences dans un litige de droit privé tout en renvoyant au juge administratif un point litigieux de droit administratif. Une tendance semble pourtant se confirmer consistant pour le juge judiciaire à repousser les limites de la connaissance de questions intéressant directement le droit administratif. Il apparaît dès lors que le juge judiciaire, ayant les aptitudes et les moyens juridiques de connaître la compatibilité et la conventionalité d'actes administratifs, voire leur légalité, apprécie largement la difficulté sérieuse à laquelle il est confronté. [...]
[...] - A.VAN LANG, Juge judiciaire et droit administratif, LGDJ 1996. - R.DRAGO et M.A FRISON-ROCHE, Mystères et mirages des dualités des ordres de juridiction et de la juridiction administrative Archives de philosophie du droit p.135. - Débat sur l'avenir du dualisme juridictionnel AJDA contributions). Internet - www.studility.com - www.dtouret.free.fr - www.amda.blogspot.com - www.conseil-etat.fr E. LAFFERIERE, op. cit T. page 498. [...]
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