Si l'on s'accorde à dire que la jurisprudence est « source » (métaphore certes ambiguë), le courant qui l'alimente est-il créateur de droit ? La question est ancienne, et toujours controversée : qu'est la jurisprudence, et que crée-t-elle ? Dans une première approche, la jurisprudence est le produit de l'activité juridictionnelle (soit l'ensemble des décisions des juridictions) au cours d'une certaine période de temps, concernant soit une matière précise (divorce par ex.), soit une branche du Droit (fiscalité par ex.), soit l'ensemble du Droit. Une approche plus dynamique fait mieux voir les enjeux : la jurisprudence serait alors le sens dans lequel les juridictions ont l'habitude de trancher telle ou telle question de droit.
[...] Ce mécanisme contribue à faire de la jurisprudence une source indirecte, dérivée du droit. B. Proximité et écarts par rapport à la loi Il est délicat de se prononcer sur l'art du Code civil : surtout, l'obligation de juger peut-elle devenir véritable pouvoir créateur reconnu au juge ? -un caractère non général des jugements ? Attention : si les décisions des juges n'ont qu'une autorité relative de chose jugée, celle-ci ne s'attache qu'au cas concret, et non à la règle abstraite qui a présidé plus profondément à la décision ; elle ne concerne que le dispositif, qui tranche le litige, et non les motifs, qui fondent la solution. [...]
[...] Que faire cependant quand la loi est silencieuse, obscure ou frappée d'obsolescence ? II \ Dans la pratique : la jurisprudence parole vivante du droit source indirecte, plus officieuse et aux spécificités indéniables A. La nécessité du pragmatisme, moyens et fonctionnement Il faut être attentif à la réalité sociologique : car les lois, une fois qu'elles ont été rédigées, demeurent telles qu'elles ont été écrites. Les hommes, au contraire, ne se reposent jamais ; ils agissent toujours (Portalis). Le pragmatisme oblige alors à prendre en compte l'exemple, et le rôle essentiel du juge. [...]
[...] Plus indirecte, plus officieuse, la jurisprudence ne doit-elle pas être subordonnée à la loi ? C'est bien la position de principe, et c'est dans cette subordination que se trouve la faiblesse congénitale de la jurisprudence. C'est l'exemple de la loi anti-Perruche du 4/03/2002 qui va contre l'arrêt du 17/11/2000 de l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation : on voit que la jurisprudence reste vulnérable à la loi ultérieure. Mais elle dispose cependant d'armes puissantes : elle fait corps avec les règles interprétées, voire y supplée, et se place alors au niveau qui est le leur et non à un niveau particulier qui lui serait propre (P.Hébraud). [...]
[...] Une remarque historique : sous l'Ancien droit, seul le Roi était l'interprète de la loi. Puis l'art de la loi des 16-24 août 1790 imposa le référé législatif (supprimé depuis) par lequel le législateur avait seul compétence pour trancher les difficultés d'interprétation des lois . autant de mesures prises pour contrecarrer les ambitions de la jurisprudence, la plus détestable des institutions (Le Chapelier), à être une source officielle du droit. Par la loi : Art du Code civil : il se pose en corollaire du principe de séparation des pouvoirs et interdit au juge de légiférer : il est défendu aux juges de prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises C'est l'interdiction de la pratique des arrêts de règlements (arrêts issus des Parlements de l'Ancien Régime et très critiqués) : une juridiction ne peut, en rendant une décision, se lier elle-même ou lier d'autres juridictions pour l'avenir, c'est-à-dire se comporter, en la forme, comme un législateur. [...]
[...] I \ La jurisprudence ne peut prétendre à être une source formelle et officielle du droit Le juge ne peut créer des règles de droit. Ce refus d'un juge législateur par la jurisprudence est affirmé par la Constitution comme par la loi. A. Les obstacles posés Par la Constitution : Cette négation de la jurisprudence comme authentique source du droit est intimement liée à l'idéologie révolutionnaire et au principe de la séparation des pouvoirs. Deux obstacles : Art de la DDHC de 1789 : interdiction est faite au juge de poser des règles générales et d'empiéter ainsi sur le pouvoir législatif. [...]
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