Les conflits que nous aurons à résoudre ne seront plus des conflits entre lois de droit privé mais des conflits entre tribunaux de droit privé. On parle alors de conflit de juridictions. Les questions de conflit de lois et de conflit de juridictions sont assez différentes les unes des autres. Dans le conflit de lois, on se demande quelle est la loi applicable à une question de droit privé donnée. On prend position sur les conditions d'efficacité, dans un cas donné, de l'activité législative des divers Etats en contact avec la situation. Dans le conflit de juridictions, on se demande quel est le juge compétent pour répondre à cette question de droit privé, par application de la loi désignée. On prend alors position sur les conditions d'exercice et d'efficacité, dans un cas, de l'activité juridictionnelle des Etats en contact avec le cas. On peut prendre l'exemple du divorce pour illustrer cette distinction entre le conflit de lois et le conflit de juridictions. Imaginons un divorce demandé par le mari de nationalité française domicilié en France contre l'épouse de nationalité française domiciliée en Espagne. La question de conflit de juridictions porte sur le tribunal compétent pour statuer sur le divorce. Le mari pourra-t-il saisir les tribunaux français ou devra-t-il porter sa demande devant les tribunaux espagnols ? Si ce sont les tribunaux espagnols qui sont compétents et si ils ont prononcé le divorce, à quelles conditions le jugement résultant de cet exercice de leur activité juridictionnelle sera-t-il reconnu par le juge français ? Telles sont les questions auxquelles répondent les règles de conflit de juridictions. Les règles de conflit de lois répondent quant à elles, à la question de conflit de lois, c'est-à-dire à la question qui porte sur la loi applicable au divorce. Le juge compétent appliquera-t-il la loi française ou la loi espagnole ?
Nous avons ainsi identifié la difficulté propre qu'ont vocation à résoudre les règles de conflit de juridictions. Voyons maintenant, comment le droit international privé français a résolu cette difficulté. On commencera par une première remarque et un premier parallèle entre le droit de la compétence internationale judiciaire et le droit de la compétence internationale législative. Comme en matière de conflit de lois, les codifications napoléoniennes sont restées discrètes sur la compétence internationale des tribunaux français. Le Code civil contient deux articles, les articles 14 et 15, qui précisent que les tribunaux français sont compétents pour trancher le litige dès lors qu'une partie qui y est impliquée - soit en qualité de demanderesse, soit en qualité de défenderesse - est de nationalité française. C'est à peu près toutes les règles de compétence judiciaire internationale que contiennent nos codifications. Aucune disposition importante, notamment, n'a été insérée à l'époque napoléonienne dans le Code de procédure civile. C'est donc essentiellement la jurisprudence qui a eu à répondre aux questions qui n'ont pas manqué à se poser en pratique concernant la compétence judiciaire internationale. Si l'on se tourne vers l'oeuvre récente du législateur français, on constate qu'elle est sensiblement plus fournie puisque le Nouveau Code de procédure civile contient un certain nombre de dispositions, comme les articles 92 et 96, qui précisent le régime juridique de la compétence internationale. Quoi qu'il en soit, les dispositions actuellement en vigueur dans nos codes en matière de compétence internationale demeurent extrêmement succinctes. Le droit communautaire de la compétence internationale judiciaire fait à cet égard figure d'original puisqu'il connaît lui, un règlement détaillé des questions de compétence judiciaire internationale : le règlement 44 2001 du 22 décembre 2000 plus connu sous le nom de règlement Bruxelles I.
Nous reviendrons sur le fait que le droit commun et le droit communautaire contiennent des règles de compétence différentes. Des règles, qu'il faudra par conséquent étudier séparément lors des leçons à venir. Mais ensemble, ils partagent la caractéristique fondamentale de distinguer nettement la compétence judiciaire et la compétence législative des Etats dans le domaine particulier du droit privé. C'est sur cette distinction que nous voudrions plus longuement insister dans le cadre de cette leçon. La distinction ne va pas a priori de soi. Les questions de compétence législative et de compétence juridictionnelle présentent un certain nombre de similitudes qui pourraient apparemment justifier un traitement identique. Mais les différences qui les séparent l'emportent en définitive - comme on va voir - et justifient des régimes différents mis en place par le droit positif (...)
[...] Enfin, à supposer que cette deuxième condition soit remplie, le jugement étranger, pour satisfaire aux exigences de la compétence indirecte posée par le droit français, ne doit pas avoir été rendu par un juge choisi frauduleusement ; cette dernière condition permettant d'écarter un jugement étranger rendu par les tribunaux d'un État présentant des liens caractérisés avec le litige, lorsque la compétence de cet état a été déclenchée par le déplacement frauduleux des éléments localisateur du litige. La seconde condition de régularité internationale du jugement en France posée par l'arrêt Munzer exige que le jugement étranger ait été rendu au terme d'une procédure régulière. [...]
[...] L'article 41 par ailleurs, exclut le contrôle du jugement étranger lorsque son exécution est requise. Celui qui réclame l'exécution doit simplement remplir les formalités prévues à l'article 53. Il devra ainsi fournir une expédition authentique de la décision étrangère et un certificat délivré par le juge d'origine du jugement que la décision est bien exécutoire. Le juge de l'État d'accueil constatant que ces conditions sont réunies, rendra une ordonnance sur requête autorisant l'exécution de la décision. Cette ordonnance est susceptible de recours. [...]
[...] Chaque État règle lui-même sa compétence internationale, chaque État apprécie la compétence internationale des autres, chaque État précise lui- même les conditions auxquelles il accueillera les jugements étrangers dans son ordre juridique. Ce chaos est d'autant plus gênant qu'il se développe en définitive au détriment du justiciable ballotté au gré des juridictions, des jugements et contre jugements sur la compétence de l'une d'elles, et des procédures qui, une fois bouclées dans un État, devront être recommencées dans un autre. Ce désordre a été considéré dès la négociation du traité de Rome de 1957 instituant la communauté économique et européenne comme un obstacle à la libre circulation des biens et des services. [...]
[...] La nationalité est l'outil juridique par lequel l'État détermine sa population un peu comme la frontière est l'outil par lequel il fixe son territoire. Une entité non étatique ne peut pas délivrer de nationalité. Cela s'illustre d'abord pour les entités infra étatiques. Un État fédéré, comme par exemple le Massachusetts aux États- Unis d'Amérique, ne délivre pas sa nationalité aux personnes qui composent sa population. Au plan du droit international, comme au plan du droit américain, la nationalité américaine est donnée par l'État fédéral. De la même manière, une entité supra étatique ne peut pas non plus délivrer sa nationalité à des personnes. [...]
[...] Pour ce qui est des règles propres à la matière contractuelle, deux stipulations du règlement Bruxelles I sont d'une importance particulière. D'une part l'article 23 du règlement qui autorise les parties à fixer le juge compétent par le biais d'une clause attributive de juridiction, valable sous certaines conditions qui ont déjà été étudiées dans le cadre de la leçon sur le règlement Bruxelles I. D'autre part, l'article du règlement Bruxelles I offre aux demandeurs en matière contractuelle une option de compétence entre les tribunaux du juge de l'État membre sur le territoire duquel se situe le domicile du défendeur, et le tribunal dans le ressort duquel s'exécute l'obligation servant de base à la demande. [...]
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