"La loi (dans le système juridique français), est perçue moins comme la conséquence d'un besoin que comme une réponse à un appel". Cette affirmation de Jean Carbonnier, professeur émérite et spécialiste reconnu de droit, auteur de l'ouvrage de référence Traité de droit civil, montre la relation passionnelle qui existe entre les Français de la Vème République et le droit. Si l'objectif de son livre est annoncé dans son introduction, "Explorer les rapports particuliers que la Vème République a entretenu avec le droit", on comprend très vite que Droit et passion du droit sous la Vème République est plus une mise en garde que le récit d'une idylle (...)
[...] Car si entre 1958 et 1995 (date à laquelle l'auteur arrête son étude), la Vème république semble se caractériser par un rapport passionnel au droit, auquel elle va même jusqu'à s'identifier. Cet amour est, pour Carbonnier, destructeur puisque ce droit-passion nous étoufferait nous anéantirait s'il était totalement appliqué. La France soufrerait donc non seulement d'une inflation mais aussi d'une inefficacité normative. Ainsi, même si la passion du droit est utilisée comme fil conducteur par l'auteur, il s'efforce de souligner ces maux. [...]
[...] Un droit qui souffre d'une grave inflation juridique renforcée par la médiatisation politique dont Carbonnier a parfaitement pris la mesure. Si l'analyse est pertinente, elle manque toutefois un peu d'objectivité, Carbonnier exposé ses arguments sans trop prendre la peine de nuancer ou d'évoquer les arguments de la position adverse. Reste que ce livre aurait donc mérité un peu de clarté quand a son object car en mêlant appréciations personnelles et exposés didactiques, Droit et Passion du droit se situe à mi chemin entre l'essai et le manuel, et cela peut porter à confusion. [...]
[...] Proposer et voter des lois inutiles (même si comme le rappelle Carbonnier la notion de loi utile est subjective), est réellement devenu un outil médiatique de communication pure, un message électoral efficace. Il n'est pas rare aujourd'hui de voir plusieurs lois se suivre sur le même thème alors même que les effets de la loi précédente n'ont pas été évalués et qu'un certain nombre de ces dispositions n'ont pas encore fait l'objet de décrets d'application. Contre l'inflation, Carbonnier propose deux solutions : des évolutions juridiques (codifications, mise en place de nouvelles procédures d'évaluation des lois ) mais dont la création impliquerait paradoxalement la production de nouvelles normes juridiques, ou, autre solution, la promotion d'un usage sobre du droit par chacun, mais alors contraire à la passion du droit. [...]
[...] En ce qui concerne la moralisation et la subjectivisation du droit, son analyse apparait plus discutable. La notion de droit subjectif et son lien avec les droits objectifs n'a cessé d'alimenter la controverse et chaque juriste, Villey, Duguit, Jhering, Roubier ont proposé chacun une définition du droit subjectif. Carbonnier tend à se rapprocher là, de la conception Jusnaturalistes du droit très attachée au droit naturel. Ainsi, les droits subjectifs consacreraient l'égoïsme individuel qui tend à capter à son profit, en le déformant, ce qui avait été édifié seulement en vue de la justice et du bien commun. [...]
[...] Ils sont opposables aux tiers et se divisent classiquement en droits patrimoniaux (le droit de créance) et droits extrapatrimoniaux (le droit au respect de la vie privée). Carbonnier en fait une critique assez virulente : Si il reconnait qu'ils sont de bons marqueurs des avertisseurs, très sensibles, prêts à se déclencher à la moindre transgression construire l'ensemble du droit objectif en termes de droit subjectifs, synonymes de l'exaltation permanent des droits de l'homme et du recul des valeurs collectives aurait des effets pervers sur l'ensemble du droit Outre être un facteur d'inflation, il correspond pour lui a une projection désordonnée d'une infinité de passions individuelles, en rivalités entre elles, égo contre égo A l'heure où les normes juridiques sont plus nombreuses que jamais, (Selon un rapport du conseil d'Etat, le recueil annuel des lois de 2006 compte huit fois et demi plus de pages qu'en 1973), son analyse de l'inflation juridique apparaît des plus pertinentes. [...]
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