Parvenir à dégager une définition unitaire du principe juridique de bonne foi, à partir d'un examen approfondi de son inscription dans les différentes disciplines des droits nationaux occidentaux, voilà l'objectif que se fixait le Congrès annuel de l'Association Henri Capitant, lors de ses rencontres de 1992. Mais l'ambition devait s'avérer vaine, et l'unité insaisissable, comme l'avouait avec un certain désarroi, teinté d'humour, le rapporteur de synthèse Yvon Loussouarn, forcé de constater le caractère protéiforme d'une bonne foi aux habits d'Arlequin. De fait, une étude, même rapide, de l'utilisation juridique de la notion de bonne foi montre que celle-ci ne peut s'analyser comme un concept unitaire, qui s'appliquerait uniformément à l'ensemble des situations juridiques. Bien au contraire, la bonne foi est une notion à facettes multiples, qui revêt différentes formes selon les domaines où on la mobilise. Du latin bona fides, qui signifie bonne croyance, bon engagement, elle peut être subjective (l'erreur par ignorance d'un vice, la croyance erronée), relever de la qualité morale (règle de comportement conforme à la loyauté et à l'honnêteté dans les relations juridiques) ou constituer un critère d'interprétation protecteur de la partie faible, contrepoids de la théorie de l'autonomie de la volonté.
[...] Cela explique que l'on retrouve des instances de bonne foi dans les Etats de Common Law pourtant peu réceptifs à cette notion. Cette utilité du recours par les juges à la notion de bonne foi explique qu'en dépit de leurs réticences initiales, les juges des Etats de Common Law ont progressivement fait appel à des notions proches de la bonne foi. Cela est encore plus parlant dans le cas du droit américain, qui a longtemps marqué un attachement inconditionnel au principe de liberté contractuelle, et qui voit depuis peu revenir le concept de contrat léonin Un contrat est léonin lorsque l'ensemble des charges est supporté par une partie tandis que l'autre bénéficie de tous les avantages. [...]
[...] Ainsi, le droit ne doit pas se restreindre à l'application rigoureuse de la règle juridique, mais doit prendre en considération des critères venus de la morale telle que la bonne volonté, la loyauté, l'honnêteté. La bonne foi a pour effet de rendre viable un système juridique. Elle rejette les aspects téléologiques de l'application du droit et commande de regarder les normes comme dépositaires d'une finalité sociale. La bonne foi se situe donc dans les rapports entre le droit et la morale. Comme l'équité, elle permet une meilleure adéquation de la règle de droit à la règle morale. [...]
[...] La bonne foi est donc une notion cadre, difficile à définir et à circonscrire, et que l'on retrouve dans un grand nombre de domaines et de systèmes juridiques. Si les caractéristiques de la bonne foi étudiées précédemment paraissent en premier lieu difficilement compatibles avec le fait juridique, une étude plus poussée montre que cette souplesse de la notion lui donne justement une grande complémentarité avec le droit et lui permet, en accroissant les pouvoirs d'interprétation du juge, de venir pallier certaines carences du système juridique. [...]
[...] La bonne foi est une notion équivoque, elle admet plusieurs acceptions différentes. Ainsi, les différents ouvrages et articles juridiques traitant de cette notion recensent au moins trois sens de la bonne foi. Au sens subjectif, la bonne foi désigne la posture de la personne qui se fait une représentation erronée de la réalité. Elle s'apparente donc à une méprise involontaire, comme celle de la personne qui achète un bien sans savoir que celui-ci est un bien volé. La bonne foi subjective a souvent pour effet d'atténuer les conséquences juridiques d'un acte illégal, voire de l'excuser. [...]
[...] La bonne foi vient combler la faible dimension contraignante en droit international public. En droit international public, l'exigence de bonne foi est d'une grande utilité. Le droit international étant un système essentiellement fondé sur la volonté, elle permet d'affermir ce système en limitant les exigences de la souveraineté. Ainsi, elle semble constituer un élément déterminant du système : a fundamental principle which can be eradicated from international law only at the price of the destruction of international law itself forms a necessary part of the international public order” (Schwazenberger). [...]
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