Si nul ne peut ignorer la loi, le domaine médical ne connaît pas d'adage pouvant résumer les liens difficiles entre ce qu'un praticien souhaite faire et ce qui se produit. Aussi, si depuis le célèbre arrêt Mercier rendu le 20 mai 1936 par la première Chambre civile, le fondement de la responsabilité en matière de devoir d'information du médecin est contractuel, l'arrêt du 6 décembre 2007 de la 1ère Chambre civile semble revenir sur le fondement plus ancien qu'est celui de la responsabilité délictuelle.
En l'espèce, à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée en 1998 en vue de traiter une carotidie sévère, monsieur Jean-Louis X a été atteint d'un risque rare inhérent à ce type d'opération, à savoir une hémiplégie. Il décéda trois ans plus tard, après que son état de santé ne se soit continuellement dégradé.
Sa veuve et son fils intentent une action contre le chirurgien, demandant une double réparation, à savoir celle du préjudice de leur auteur, et celle de leur propre préjudice. La Cour d'appel de Bordeaux a estimé que le chirurgien avait commis une faute en n'informant pas le patient du risque qui s'était malencontreusement réalisé, mais elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu à réparation de la perte de chance de ne pas subir la pathologie dont il a été atteint, dès lors qu'eu égard à la gravité de son problème cardiaque rendant l'intervention nécessaire et au risque faible qui s'était réalisé, le patient, même informé, se serait fait opérer. En effet, depuis un arrêt en date du 20 juin 2000, confirmé ensuite à de multiples reprises, les juges estiment souverainement s'il peut ou non y avoir de préjudice indemnisable selon que l'opération aurait ou n'aurait pas été acceptée par le patient informé du risque. C'est donc conformément à cette doctrine jurisprudentielle que la Cour de cassation a rejeté le premier moyen des héritiers du défunt qui contestaient le refus de la cour d'indemniser la perte de chance.
La Cour de cassation s'est ensuite prononcée sur les deux moyens incidents du chirurgien, conférant à cet arrêt une portée intéressante. En effet, après avoir écarté la perte de chance, la Cour d'appel a néanmoins estimé que le défaut d'information caractérisait en l'espèce un préjudice moral, tant au défunt qu'à ses héritiers. Condamné à versé la comme de 3000 euros au titre de préjudice moral du défunt, et une somme identique au titre de préjudice moral de ses héritiers, le chirurgien saisi à son tour la Cour de cassation.
Le manquement à l'obligation d'information du médecin engendre-t-il sa responsabilité alors même que le patient se serait fait opérer s'il avait été avisé de la possibilité des complications ?
Quels sont les préjudices indemnisables à la suite du non-respect de l'obligation d'information du médecin ?
La Cour de cassation casse la décision du 30 juin 2006 rendue par la Cour d'appel de Bordeaux, au motif, d'une part, que le praticien n'avait pas à donner l'information litigieuse à l'entourage familial de monsieur X, celui-ci étant en mesure de recevoir l'information et de consentir de façon éclairée aux soins proposés ; d'autre part, que le seul préjudice indemnisable est la perte de chance d'échapper au risque qui s'est finalement réalisé.
Il convient ici d'apprécier dans un premier temps la réparation du préjudice moral causé par une faute du chirurgien, faute résidant dans le défaut d'information lui incombant (I), avant d'évoquer le lien de causalité entre le dommage résidant dans la perte d'une chance et la faute du praticien, qui amène la Cour de cassation à repenser les fondements de la responsabilité médicale (II).
[...] 4127-36 du Code de la santé publique, garantit la liberté contractuelle de chacun et est sur ce point tout à fait respectable. Au- delà d'un droit de la personne humaine qui ne peut être délégué à autrui sans justification, il en va également du respect de la vie privée. Il en résulte donc que si le patient est en mesure de recevoir l'information et de consentir de façon éclairée aux soins proposés, le médecin n'a pas à donner l'information litigieuse à l'entourage familial. Il ressort très clairement de cet arrêt que la réparation du préjudice moral est prohibée. [...]
[...] C'est cependant sur ces propos que s'est fondée la Cour d'appel de Bordeaux. On peut alors se demander ce qu'il en advient concernant le préjudice moral subi par l'entourage su patient. B. L'absence de préjudice moral pour les proches du patient Cet arrêt est fondateur dans la mesure où il vient combler un vide juridique. En effet jusqu'alors, la Cour de cassation ne s'était encore jamais prononcée sur la question de savoir si le médecin était en droit d'informer les proches du malade et de recueillir leur consentement pour une éventuelle opération. [...]
[...] La Cour de cassation s'est ensuite prononcée sur les deux moyens incidents du chirurgien, conférant à cet arrêt une portée intéressante. En effet, après avoir écarté la perte de chance, la Cour d'appel a néanmoins estimé que le défaut d'information caractérisait en l'espèce un préjudice moral, tant au défunt qu'à ses héritiers. Condamné à verser la comme de 3000 euros au titre de préjudice moral du défunt, et une somme identique au titre de préjudice moral de ses héritiers, le chirurgien saisi à son tour la Cour de cassation. [...]
[...] Par conséquent, pour engager une quelconque responsabilité du praticien, il est nécessaire de caractériser le lien entre la faute médicale et le préjudice subi par l'individu. Si la loi protège généralement la partie la plus faible du contrat contre une attitude incorrecte de la partie cocontractante (en l'espèce le médecin), les juges se livrent plutôt à une appréciation in concreto des cas pour venir engager ou pas la responsabilité du professionnel de santé. Il est donc intéressant de se pencher sur les apports de la jurisprudence puisque dans un arrêt du 13 novembre 2002, la première Chambre civile est venue dire que s'il n'était pas démontré qu'un patient averti du risque rare survenu aurait refusé l'acte chirurgical, alors la responsabilité du médecin ne peut être engagée. [...]
[...] En effet, s'il est légitimé sur le premier moyen de la première cassation, s'agissant de la réparation du préjudice personnel de la veuve et du fils du défunt dont le fondement est délictuel, il apparaît comme beaucoup plus surprenant dans la cassation sur le second moyen. En l'occurrence, il marque une évolution importante dans la jurisprudence relative à la responsabilité en matière de devoir d'information du médecin. En l'espèce, il s'agit du préjudice personnel du défunt, normalement fondé sur l'action contractuelle. C'est donc en principe l'article 1147 du Code civil qui aurait dû trouver à s'appliquer, ce que la première Chambre civile avait encore récemment fait dans un arrêt en date du 13 mars 2007 concernant lui aussi la responsabilité médicale. [...]
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