Avec l'arrêt Jand'heur de février 1930, la Cour de cassation consacre la responsabilité délictuelle du fait des choses. L'art 1384 alinéa 1er rattache "la responsabilité à la garde de la chose, et non à la chose elle-même". Ainsi, la responsabilité du fait des choses se caractérise avant tout par une présomption de responsabilité pour le gardien de la chose. Mais ce gardien a néanmoins la possibilité de se défendre et de s'exonérer de cette responsabilité dans certains cas, c'est ce que nous allons étudier dans l'arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation du 25 novembre 2004.
En l'espèce, la victime alors qu'elle se trouvait dans un cabinet d'avocat s'est blessée en chutant dans un escalier. Elle assigne la société et son assureur sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil qui dispose que l‘« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
En première instance un jugement est rendu en faveur du cabinet et déboute donc le demandeur de sa demande en responsabilité et indemnisation. La victime décide alors de saisir la Cour d'appel de Poitiers. Celle-ci se confirme la première décision par un arrêt du 5 novembre 2002.
La victime forme alors un pourvoi en cassation. Son moyen se divise en quatre branches.
Tout d'abord, le demandeur au pourvoi conteste la décision de la Cour d'appel car, en vertu de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, le gardien de la chose anormale en est responsable. Ensuite, il conteste le fait qu'il ait eu à prouver qu'il n'avait pas pu se rattraper à la rampe de l'escalier alors qu'il existe une présomption de responsabilité du gardien. Il estime donc que la charge de la preuve a été renversée.
En outre, la victime conteste également la décision de par sa forme en relevant une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile. Elle considère en effet que la Cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision concernant le rôle passif de l'escalier.
Enfin, l'individu relève également un défaut de motifs concernant le caractère dangereux de l'escalier.
La Cour de cassation doit alors s'interroger sur la question suivante : l'anormalité de la chose inerte suffit-elle à engager la responsabilité de son gardien ?
A cette interrogation, la Cour de cassation reprend les conclusions de l'expert et répond que « l'anormalité de la chose liée à l'absence d'une seconde rampe du côté du mur n'avait eu de rôle causal dans sa chute ». Elle ajoute ensuite que « la chose n'avait pas été l'instrument du dommage ».
Il convient alors d'apprécier dans un premier temps le lien de causalité entre l'anormalité de la chose et la chute de la victime (A), avant de préciser que la seule anormalité de la chose ne peut suffire à engager la responsabilité du gardien (B).
[...] Dans un arrêt du 29 avril 1998 puis un second du 15 juin 2000, la Cour de Cassation n'a pas exigé que la victime démontre le vice de la porte vitrée pour que la responsabilité de son gardien soit engagée. Puis un arrêt de la deuxième chambre civile du 25 octobre 2001 a admis la responsabilité d'une boîte aux lettres qui dépassait d'un trottoir. Cependant, ces arrêts semblent contredits par d'autres. Pour exemple, un arrêt de décembre 2000. En l'espèce, un homme plonge dans un étang peu profond et décide d'engager la responsabilité de la base de loisirs qui exploite l'étang. [...]
[...] En matière de responsabilité du fait des choses, la chose est présumée être la cause génératrice du dommage dès lors qu'il est établi qu'elle a contribué à la réalisation de ce dommage (Cour de cassation, Chambre civile juin 1939). Dès lors, le gardien de cette chose est présumé responsable. Toutefois, le gardien peut détruire la présomption de rôle causal en prouvant que la chose n'a joué qu'un rôle purement passif, qu'elle a seulement subi l'action étrangère génératrice du dommage (Cour de cassation, Chambre civile février 1941).Le gardien de la chose dispose donc de moyens pour se défendre comme par exemple les causes exonératoires de responsabilité telle que le cas de force majeure. [...]
[...] Si c'est le cas, la responsabilité du gardien de la chose sera alors engagée, en l'occurrence, celle du cabinet d'avocat. Ici, ce qui pose problème c'est le lien de causalité. Étant donné qu'il s'agit d'une chose inerte, on parle de lien de causalité entre l'anormalité de la chose et la chute de la victime. En l'espèce, les experts ne relèveront aucun lien entre les deux. La Cour apprécie ce lien en fonction du rôle actif ou passif qu'a pu jouer la chose dans la réalisation matérielle du dommage A. [...]
[...] Il estime alors que l'absence d'une seconde rampe d'escalier du côté du mur rend l'escalier anormal et que si celle-ci avait été présente, cela aurait pu lui éviter sa chute. La Cour d'appel confirme le caractère anormal de l'escalier du fait de l'absence d'une seconde rampe pourtant obligatoire Ce point-là n'est donc pas contesté puisque la Cour de cassation le reconnaît également. Le demandeur reproche également à l'escalier d'autres défauts. En effet, il lui trouve un caractère particulièrement dangereux en raison du fait qu'il était dépourvu non seulement de rampe, mais également de tapis antidérapant. Il estime également que l'escalier litigieux était glissant. [...]
[...] La Cour doit également s'interroger sur le rôle qu'a joué la chose dans la chute, ce qui modifie la charge de la preuve en procédure civile. L'exigence du rôle actif de la chose inerte Si la chose est inerte au moment de l'accident ou si elle était en mouvement, mais sans qu'il y ait eu contact, la situation de la victime est moins favorable, car il ne lui suffit pas de prouver l'intervention de la chose, il lui est nécessaire d'en établir le rôle actif: son caractère défectueux, son comportement anormal et plus précisément le fait qu'elle était l'instrument du dommage. [...]
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