Le Code civil dépeint la propriété comme un droit absolu, pourtant elle est l'objet d'un nombre croissant de restrictions tant légales que jurisprudentielles.
La société Flohic éditions a publié la photographie d'une maison, accompagnée de précisions localisatrices, historiques et architecturales. Or, cette publication a été effectuée sans l'autorisation des copropriétaires de l'immeuble, Mlles Marie-Laure et Marie-France X.
Les sœurs X… ont assigné la société Flohic éditions en dommages et intérêts. La Cour d'appel de Paris a rendu, le 19 février 2002, un arrêt défavorable à ces dernières. Pour cette raison, elles se pourvoient en cassation.
En effet, les sœurs X… arguent du fait que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de façon absolue, c'est pourquoi le propriétaire aurait seul le droit d'exploiter son bien sous n'importe quelle forme. Par conséquent, l'exploitation du bien par un tiers, notamment par une photographie, porterait atteinte au droit de jouissance du propriétaire.
Cependant, la Cour de cassation ne consent pas à ce raisonnement. Pour elle, le propriétaire d'une chose n'a pas de droit exclusif sur l'image de celle-ci. En revanche, il peut s'opposer à ce qu'un tiers utilise une photographie de son bien si cette utilisation lui cause un trouble anormal. Or, en l'espèce, les sœurs X… n'ont pas démontré qu'elles ont subi un tel trouble.
Par conséquent, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Le problème qui se pose ici à la Cour est de déterminer dans quelle mesure le propriétaire d'un bien maîtrise-t-il l'exploitation faite de l'image de celui-ci.
Afin d'apporter des éléments de réponse à cette question, voyons d'abord la mesure du caractère exclusif du droit de propriété (I) avant de s'attacher au recours dont dispose le propriétaire du bien contre l'utilisateur de l'image de celui-ci (II).
[...] Cette même première chambre de la Cour de cassation n'a-t-elle pas affirmée, dans son arrêt Gondrée du 10 mars 1999, que l'exploitation du bien sous le forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire ? Mais, une évolution jurisprudentielle constituée de plusieurs étapes a conduit à la solution adoptée par la première chambre civile dans le cas présent. Cette juridiction a elle-même limité sa position de 1999, dans un arrêt du 2 mai 2001 : la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, car elle n'a pas préciser en quoi l'exploitation de la photographie par les titulaires du droit incorporel de son auteur portait un trouble certain au droit d'usage ou de jouissance du propriétaire Ainsi, la première chambre civile exigeait-elle déjà qu'un trouble ait été causé pour admettre que l'exploitation de l'image d'un bien par un tiers puisse être empêchée par le propriétaire. [...]
[...] De même, la Cour européenne des droits de l'Homme impose le respect de la propriété en vertu de l'article 1er du Protocole de la CEDH (Convention européenne des droits de l'Homme), dans l'arrêt Marckx contre Belgique du 13 juin 1979. Enfin, la Cour de cassation elle-même protège le droit de propriété contre des atteintes telles la voie de fait ou l'empiètement et reconnaît le droit du propriétaire de modifier sa propriété, notamment la 3e chambre civile dans un arrêt du 19 juin 2002. Pourtant, certaines restrictions existent à l'exclusivité du droit de propriété. [...]
[...] En premier lieu, la Cour d'appel de Paris a refusé, le 11 janvier 2006, d'admettre que l'utilisation de l'image de la tour Montparnasse dans un film engendrait un trouble anormal au syndicat des copropriétaires de cet édifice. Cet arrêt précise que le trouble doit être certain et actuel. Ensuite, la Cour d'appel d'Orléans, le 10 novembre 2005, le propriétaire d'un célèbre voilier subit un trouble anormal quand l'image du navire est reproduite sur des souvenirs qui ne sont pas de bon ton. [...]
[...] Pour résoudre ce paradoxe, l'arrêt de l'Assemblée plénière de 2004 nie le fait que l'exploitation de l'image d'une chose soit une prérogative réservée au propriétaire et ainsi qu'il soit lésé par le fait de ne pas être associé aux les bénéfices. Le type de responsabilité considérée L'exclusion d'une responsabilité classique Aucun des arrêts ayant participé à l'évolution jurisprudentielle couronnée par cet arrêt ne mentionne l'article 1382 du Code civil. En effet, si le propriétaire a un recours contre celui qui exploite l'image de son bien en lui causant un trouble anormal, ce n'est pas sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle au sens de cet article. [...]
[...] En revanche, le caractère exclusif du droit de propriété est mis à mal dans une hypothèse : le droit à l'image d'un bien. En effet, l'exclusivité ne semble concernée que le droit de propriété sur le bien lui-même et non son image. L'exclusivité : un caractère exclusif au droit de propriété L'absence de droit exclusif du propriétaire sur l'image de son bien Si les textes et les juges reconnaissent unanimement l'exclusivité du droit de propriété, la première chambre civile pose dans cet arrêt une limite à l'exclusivité du droit de propriété. [...]
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