Les effets du jugement : commentaire de l'arrêt du 16 novembre 2005

Extraits

[...] Cependant cette doctrine vise aussi à protéger les intérêts de la partie gagnante qui n'a pas à souffrir de la mauvaise foi du preneur. En application de cette doctrine il faut remarquer que dans notre espèce, la Cour de Cassation a occulté l'application rétroactive de la décision de résiliation du bail rural. La décision se devait d'être prononcée au preneur mais une fois la notification intervenue elle aurait dû rétroactivement produire ses effets, ainsi la date de pleins effets du jugement aurait été celle du prononcé du jugement et non celle de sa notification. [...]

[...] L'attendu de principe, qui énonce que la force jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée, fait de la notification de la décision l'élément principal. Cela vient d'autant plus au soutient de la doctrine majoritaire qui considère la notification comme la pierre angulaire des effets du jugement. Cependant un petit bémol peut être soulevé : il ne semble pas que la jurisprudence des juges du fond considère cette théorie comme la théorie de principe car ils se permettent de la contredire. Ainsi la jurisprudence traditionnelle soutient cette doctrine majoritaire mais l'assurance que cela perdure n'est pas garantie. [...]

[...] Il semble de plus facile d'opposer à la partie perdante le fait qu'elle était présente ou représentée lors de l'audience qui a prononcé le jugement pour faire partir les effets de ce jugement dès son prononcé. Cependant on estime que le preneur doit disposer de temps pour se faire expliquer la décision si nécessaire, ainsi décaler le point de départ des effets du jugement permet à la partie perdante de disposer de ce temps. La jurisprudence semble, depuis plusieurs années, être pour la date de la notification comme point de départ des effets du jugement. [...]

[...] II- Division doctrinale quant à la date de production des effets du jugement Une division doctrinale qui suppose l'émergence d'une doctrine majoritaire, en l'occurrence celle favorable à la date de la notification comme point de départ des effets du jugement et une doctrine minoritaire, qui elle vise le prononcé du jugement comme point de départ Une doctrine minoritaire favorable au prononcé du jugement comme point de départ des effets Si l'on se réfère au pourvoi formulé par Mr X il est dit qu'un “jugement a autorité de la chose jugée dès son prononcé avant même d'avoir été signifié”. Cette affirmation de demandeur au pourvoi découle de la théorie de la doctrine minoritaire. Selon cette doctrine, qui exprime l'opinion de Corinne Bléry, un jugement contradictoire et non susceptible de recours suspensif est exécutoire dès son prononcé, et non du jour de sa signification. Cette solution est à l'opposé de celle énoncée par la Cour de Cassation dans notre espèce. [...]

[...] C'est donc à bon droit que la Cour d'Appel a jugé que la vente conclue entre le propriétaire et le preneur était valablement réalisée par l'exercice du droit de préemption de Mme Z-A. Par cet arrêt la Cour de Cassation fait clairement de la notification la date clé de la production des effets du jugement Cependant cette jurisprudence n'interrompt pas la division doctrinale préexistante (II). La notification : date clé de la production des effets du jugement L'importance de cette décision rendue en Chambre Mixte est renforcée par des arguments textuels et jurisprudentiels mais aussi par l'émergence de la distinction entre la force de chose jugée et la force exécutoire Les arguments textuels et jurisprudentiels en faveur de la notification comme point de départ des effets du jugement Il semble nécessaire de rappeler que la notification est une formalité par laquelle le jugement est porté à la connaissance des intéressés, en l'occurrence le preneur. [...]