Par la présente décision, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par un commissaire aux comptes qui avait été déclaré complice des escroqueries réalisées par le dirigeant de la société au préjudice notamment du Trésor public. Pour la Haute juridiction, dès lors que le commissaire aux comptes avait certifié sur plusieurs exercices les comptes de la société, il avait fourni à l'auteur principal les moyens lui permettant de réitérer l'escroquerie.
La réponse donnée est un peu courte et, avant de rechercher si les éléments d'une complicité punissable se trouvaient réunis, il importe de donner quelques éléments de fait qui ressortent des arrêts rendus par la Cour de cassation (voir déjà l'arrêt Crim. 25 févr. 2004).
En l'espèce, une société ayant à l'origine une activité de ventes d'automobiles se développait et était devenue un groupe comprenant 38 sociétés et employant 600 personnes. A partir, au moins, de l'année 1996, le dirigeant du groupe a organisé un circuit de ventes fictives à l'exportation et obtenu du Trésor un remboursement de TVA, pourtant jamais payée, en produisant des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires, appuyées de documents falsifiés, comptabilisant des crédits fictifs de TVA.
C'est à la suite de la mise en oeuvre de perquisitions et saisies sollicitées par la Direction nationale des enquêtes fiscales, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qu'une plainte était déposée auprès du parquet de Péronne donnant lieu à une instruction. Outre le dirigeant et une de ses collaboratrices à qui ont été reprochés pour le premier l'escroquerie et des faux et pour la seconde des faux, le juge d'instruction s'est intéressé au rôle de l'expert-comptable et à celui du commissaire aux comptes. A l'encontre de ce dernier, il était reproché de n'avoir pas procédé à une vérification sérieuse sur l'export qui représentait 80 % des ressources du groupe. Sans doute, le commissaire aux comptes avait-il tenté d'obtenir des contrats, mais le dirigeant lui avait indiqué qu'il s'agissait de contrats informels. Mais, pour le juge, le commissaire aurait dû signaler au procureur qu'il avait été fait obstacle à sa mission et, en ne le faisant pas, il avait conscience de certifier des comptes qui masquaient une fraude.
[...] Comment un commissaire aux comptes pouvait-il avoir connaissance de l'escroquerie ourdie depuis 1993, selon les experts, alors que sa mission porte sur la régularité des postes comptables. Il est clair qu'il ne pouvait pas avoir connaissance de la fraude à la TVA réalisée par le dirigeant social, et a fortiori avoir voulu en faciliter la commission par la certification des comptes. Un défaut de curiosité, retenu par la Cour d'appel de Paris, ne vaut pas connaissance et volonté d'aider sans aucun autre indice. [...]
[...] Elle exige que les juges énoncent en quoi a consisté la complicité (Crim mars 1978) et indiquent de manière précise les faits retenus (Crim avr. 1972). Or, dans la présente affaire, la Chambre criminelle ne s'est pas montrée respectueuse de ces principes qui n'ont d'autre raison d'être que d'assurer aux citoyens qu'ils ont été jugés dans le respect de la loi. Il est vrai que certains auteurs ont regretté que le spectateur reste impuni. Pour eux, à coté des inactions totalement neutres, il peut exister des présences qui s'analyseraient en une véritable adhésion morale à l'infraction. [...]
[...] De toute façon, encore faut-il que le commissaire ait connaissance des faits. A cet égard, la Cour d'appel de Lyon, par un arrêt du 13 décembre 2000, a tenu à indiquer que la négligence à s'informer et l'incompétence manifeste dont le commissaire aux comptes a fait preuve ne suffisent pas à caractériser le délit de non-révélation de faits délictueux qui est d'interprétation stricte. Ce faisant, la Cour d'appel de Lyon rejoignait la position de la Cour d'appel de Nancy qui, le 29 juin 1982, avait jugé qu'un commissaire aux comptes ne pouvait pas être déclaré coupable d'une omission de révélation de faits de banqueroute et d'abus de biens sociaux s'il n'est pas démontré qu'il a eu connaissance de manière précise et certaine des faits délictueux. [...]
[...] Le Tribunal correctionnel de Péronne déclarait le dirigeant de la société coupable des infractions reprochées et le condamnait à cinq ans d'emprisonnement ferme, sa collaboratrice était également reconnue coupable mais condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis. En revanche, l'expert-comptable et le commissaire aux comptes étaient relaxés au bénéfice du doute. Appel était interjeté par le procureur de la République et par les services fiscaux. Devant la Cour d'appel d'Amiens, le commissaire aux comptes faisait valoir que l'instruction n'avait établi aucun acte positif à son encontre de fourniture de moyens de commettre un délit. [...]
[...] Dans le cas présent, peut-être, au vu du dossier établi par le commissaire aux comptes, aurait-on pu estimer qu'il y aurait eu négligence. Mais, d'une part, comme l'avait relevé l'expert judiciaire, l'examen des documents justifiant les opérations n'aurait rien fait apparaître car il s'agissait de faux parfaits. D'autre part, une négligence ne signifie pas connaissance de quelque chose puisque, par hypothèse, on a été distrait et on n'a pas pu se rendre compte de la réalité. A fortiori, cette négligence ne saurait constituer légalement une complicité, et qui plus est d'une escroquerie réalisée par le dirigeant. [...]
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