En 1998, le colloque du Syndicat des Avocats de France titrait « sans liberté mais pas sans droits » à propos de la condition de détention dans les prisons françaises. Cette question de la préservation des droits des détenus est toujours d'actualité.
En effet, dans un arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Douai le 12 novembre 2009 « Ministre de la justice contre Turner et autres » se pose la question du respect de la dignité inhérente à la personne humaine de plusieurs (ex-)détenus.
En l'espèce, 3 individus ayant été détenus à la maison d'arrêt de Rouen (dont un qui l'est toujours) ont recherché la responsabilité de l'administration pénitentiaire en raison des conditions de leur détention dans cet établissement, qu'ils estiment contraire au principe de respect de la dignité humaine.
Dans une ordonnance du 6 mai 2009, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a condamné l'État à leur verser à chacun une provision de 3000 ?. Le garde des sceaux, ministre de la justice forme appel en question de cette ordonnance.
Dans cette affaire, les détenus mettent en cause la durée de leur détention dans une maison d'arrêt qui n'a pas vocation à recevoir des détenus condamnés à de longues peines, la sur-occupation des cellules et l'aménagement de celles-ci.
La question qui se pose est celle de savoir si la détention pendant une longue durée d'individus dans une maison d'arrêt dans des cellules sur-occupées et aménagées de manière telle que l'air ambiant n'est pas renouvelé et que les toilettes ne sont pas cloisonnées est ou non une atteinte au principe au respect de la dignité humaine des détenus.
La CAA de Douai confirme la solution du vice-président du tribunal administratif de Rouen selon laquelle les conditions de détention portent une atteinte au respect de la dignité inhérente à la personne humaine qui entraine un préjudice moral par nature qui est indemnisable. Dès lors, l'appel formé par le garde des sceaux n'est pas recevable.
Ainsi, les conditions de détention sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'État (I) et le juge administratif consacre l'atteinte à la dignité humaine comme fondement de la responsabilité administrative (II). (...)
[...] En effet, le 24 novembre 2009, le législateur français est intervenu pour créer la Loi pénitentiaire. Cette loi, déférée au Conseil constitutionnel, a été jugée conforme à la Constitution par ce dernier le 19 novembre 2009. Cependant, le Conseil constitutionnel a émis une réserve selon laquelle il appartiendra aux auteurs du décret de ne pas définir des sanctions portant atteinte aux droits et libertés dont les personnes détenues bénéficient dans les limites inhérentes aux contraintes de la détention. Cette loi pénitentiaire vise notamment à garantir les droits fondamentaux des personnes détenues. [...]
[...] La condamnation de l'État par le juge administratif semble bienvenue en termes de partage de compétences juridictionnelles puisque, dans un arrêt du 20 janvier 2009, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait affirmé qu'il ne lui appartenait pas de connaitre de poursuites pénales engagées sur le fondement de l'article 225-14 du Code pénal (qui punit les conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine) s'agissant des conditions de détention. Cependant, si elle est satisfaisante d'un point de vue juridictionnel, cette condamnation donne lieu à un dédommagement contestable sur la forme. En effet, comme l'explique Michel Huyette, magistrat, dans un article en date du dimanche 15 novembre 2009, le montant du dédommagement semble bien peu élevé pour des conditions de détentions humiliantes ayant duré de nombreux mois. [...]
[...] Des conditions de détention susceptibles d'engager la responsabilité de l'État. Il s'agit d'une première condamnation de l'État par une cour administrative d'appel pour des conditions de détention contraires à la dignité humaine qui est une solution conforme à la position de la Cour européenne des droits de l'homme Une première condamnation de l'État par une Cour administrative d'appel pour conditions de détention contraires à la dignité humaine. Pour la première fois, une Cour administrative d'appel condamne l'État pour conditions de détention contraires à la dignité humaine. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : CAA Douai novembre 2009, Ministre de la justice Turner et autres En 1998, le colloque du Syndicat des Avocats de France titrait sans liberté mais pas sans droits à propos de la condition de détention dans les prisons françaises. Cette question de la préservation des droits des détenus est toujours d'actualité. En effet, dans un arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Douai le 12 novembre 2009 Ministre de la justice contre Turner et autres se pose la question du respect de la dignité inhérente à la personne humaine de plusieurs (ex-)détenus. [...]
[...] De même, dans l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Douai, aucune faute lourde de la part de l'État n'est recherchée et pourtant, ce dernier est condamné par le juge administratif à réparer le préjudice subi par les détenus compte tenu des conditions de détention qui sont contraires au respect de la dignité humaine. La Cour administrative d'appel de Douai confirme que la faute simple de l'État suffit à engager sa responsabilité. En effet, les conditions de détention peuvent engager en elles-mêmes la responsabilité de l'État, sans que ce dernier ait commis une faute lourde. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture