Le Conseil des Communautés européennes a adopté le 25 juillet 1985 une directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Cette directive est animée par une volonté d'harmoniser les législations des Etats membres en matière de protection des consommateurs contre les atteintes à sa personne ou les dommages causés à ses biens par un produit défectueux. La transposition de la directive au droit français a cependant été tardive et ne s'est pas opérée sans difficultés et résistances. En effet la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la France plusieurs fois, entraînant la modification à deux reprises de la loi initiale codifiée à l'article 1386 et suivant du Code civil.
L'arrêt rendu par la première Chambre civile le 27 février 2007 constitue le rejet d'une demande fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux. En plus d'illustrer la mise en œuvre de ce régime spécial, cet arrêt nous laisse entrevoir l'articulation de ce régime avec les règles du régime de responsabilité de droit commun.
En l'espèce, la victime a présenté des troubles de vision puis une sclérose en plaques après avoir été vaccinée contre l'hépatite B. Ce vaccin a été fabriqué et mis sur le marché par une société pharmaceutique dès 1989. Le père ce la victime mineure – agissant en la qualité de représentant légale – a assigné la société en réparation de son préjudice.
Le demandeur fait grief à la Cour d'appel de Lyon de l'avoir débouté de sa demande par un arrêt du 28 octobre 2004. Ainsi, il forme un pourvoi en cassation.
A l'inverse de la solution retenue par la Cour d'appel, le demandeur considère qu'il existe un doute légitime concernant l'impartialité de l'expert. Dans un premier moyen, il fait grief à la Cour d'appel d'avoir homologué le rapport d'expertise alors qu'il subsistait un « doute légitime sur l'objectivité de l'expert ». Ce dernier aurait effectivement participé à un colloque organisé par la société assurant la société pharmaceutique. Or, le demandeur rappel que la partialité de l'expert est contraire aux droits de tout justiciable à un procès équitable et plus particulièrement à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).
Dans un second moyen, le demandeur s'oppose à la solution retenue par la Cour d'appel en ce qui concerne la preuve de l'existence d'un lien de causalité. Le demandeur reproche à la Cour d'appel de ne pas avoir recherché si le produit était véritablement défectueux au regard des circonstances, et de ne pas avoir tenu compte des réticences d'une enquête de pharmacovigilance de l'administration. L'arrêt de la Cour d'appel est aussi attaqué sur le fondement de l'article 455 du NCPC : le juge d'appel aurait du tenir compte des nouveaux éléments de preuve. Enfin, même en l'absence de certitudes scientifiques, le demandeur estime qu'il existe une présomption de défaut du vaccin. La Cour d'appel aurait donc violé l'article 1353 du Code civil.
Aussi, à quelles conditions la validité du rapport d'expert peut-elle être remise en cause? Dans quelle mesure la preuve du lien de causalité peut-elle être rapportée sous forme d'une simple présomption ?
[...] Aussi, au sein même de la Cour de cassation, la jurisprudence de la première Chambre civile ne fait pas l'unanimité. Dans un arrêt du 2 avril 2003, la Chambre sociale a reconnu un lien de cause à effet entre la vaccination et la sclérose en plaques au titre des accidents du travail. De plus, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière retiendrait probablement une conception élastique de la causalité médicale en vue de faciliter l'indemnisation des victimes. En matière administrative, le Conseil d'État a également admis que la causalité était démontrée par un demandeur prouvant seulement la probabilité du lien de causalité. [...]
[...] En présence d'incertitudes scientifiques, la détermination de la causalité devient la question centrale. Aussi, étudier la mise en œuvre du régime de responsabilité du fait des produits défectueux implique de déterminer dans quelle mesure ce régime est autonome par rapport aux règles du droit commun. Il convient également de s'intéresser aux tenants et aboutissants des ajustements opérés par la jurisprudence pour prendre en compte les spécificités de la matière scientifique. Il convient de s'intéresser à l'ensemble des questions soumises à la Cour de cassation sans écarter arbitrairement et occulter les différents apports de l'arrêt. [...]
[...] Malgré les modifications successives, ce régime de plein droit possède toujours un champ d'application limité, et emprunte la plupart de ses règles de mise en œuvre au droit commun. Les particularités de ce régime semblent donc tenir principalement à son champ d'application limité, et à ses causes d'exonérations particulières. L'arrêt présente également des intérêts pratiques divers ; il permet de souligner l'articulation des règles du droit commun avec les règles particulières de l'article 1386. Par ailleurs, on observe également la prise en compte par la jurisprudence des spécificités des matières scientifiques en ce qui concerne la charge et les modalités de la preuve. [...]
[...] Après examen des moyens, la première Chambre civile conclut néanmoins sur l'impartialité de l'expert et non sur une communauté d'intérêt de nature à remettre en cause l'impartialité. La Cour de cassation estime que la Cour d'appel a déduit à bon droit que cette circonstance n'était pas de nature à remettre en cause l'impartialité de l'expert dont l'exigence doit s'apprécier objectivement Cependant, il est vraisemblable que le demandeur cherchait moins à démontrer la partialité de l'expert que sa dépendance. Il est également possible qu'en remettant en cause l'objectivité de l'expert, le demandeur souhaitait dénoncer la possibilité pour la Cour d'appel de se fonder sur ce rapport d'expertise. [...]
[...] Dès lors, les juridictions tiennent compte de l'ensemble des circonstances. La troisième condition concerne l'existence d'un lien de causalité entre le dommage et le produit défectueux. Force est de reconnaître que ces trois conditions présentent des similarités avec les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de droit commun. Pour obtenir la réparation d'un préjudice sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, il convient d'apporter la preuve de l'existence de trois éléments : un dommage réparable, un fait générateur, et un lien de causalité entre le fait et le dommage. [...]
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