Les hommes naissent-ils libre et égaux en droit des contrats ? Il apparaît bien souvent que l'égalité des parties au contrat soit une fiction à laquelle le législateur et la jurisprudence tentent de donner une réalité par le rétablissement d'un certain équilibre contractuel tout particulièrement en matière de cautionnement. Effectivement, le législateur et la jurisprudence sanctionnent le créancier qui a empêché la subrogation de la caution dans ses droits en vertu de l'article 2314 du Code civil par la perte ou la négligence de ses droits. Toutefois, qu'en est-il lorsque le créancier a perdu la simple faculté d'exercice de certains droits ? La cour de cassation réunie en Chambre Mixte le 17 novembre 2006 a statué sur cette question.
En effet, en l'espèce un créancier bénéficiant à la fois d'un cautionnement et d'un nantissement provisoire sur un fonds de commerce avait négligé de procéder à son inscription définitive, ce qui constituait une faculté pour lui. Cependant, lors de la mise en liquidation judiciaire de la société débitrice, le créancier a demandé à la caution d'exécuter son engagement. Toutefois, la caution a invoqué la décharge de ses obligations sur le fondement de l'article 2307 devenu l'article 2314 du Code civil en raison de la perte du nantissement du fait de l'absence de publicité définitive. La cour d'appel a pourtant rejeté le demande de la caution au motif que le droit perdu par le créancier était un droit qu'il pouvait ne pas acquérir définitivement et sur lequel la caution ne pouvait donc pas compter au moment de son engagement, d'autant plus que le créancier n'avait pas pris l'engagement à l'égard de la caution de rendre définitif le nantissement.
Le créancier bénéficiaire d'un cautionnement est-il tenu d'exercer ses droits présentant un caractère facultatif dans l'intérêt de la caution ?
La cour de cassation a cassé l'arrêt au motif que le créancier qui se garantit dans le même temps par un cautionnement et qui constitue une sûreté provisoire est tenu envers la caution à rendre cette sûreté définitive.
Ainsi, il convient de remarquer que le bénéfice de subrogation ne cesse de s'étendre au profit de la caution (I), évolution qui tend vers la reconnaissance d'un solidarisme contractuel au détriment de l'efficacité du cautionnement (II).
[...] L'extension du bénéfice de subrogation La transformation d'une faculté en obligation à la charge du créancier L'article 2314 sanctionne le créancier qui empêche la subrogation de la caution dans ses droits. Cette notion de droits a été précisée par la jurisprudence comme étant tout droit préférentiel, c'est-à-dire les droits qui confèrent un avantage particulier pour le recouvrement d'une créance. Il s'agissait donc des droits qui s'ajoutent au droit de gage général des créanciers chirographaires. Par la suite la Chambre commerciale de la cour de cassation dans un arrêt du 3 mai 2006 a étendu la notion de droits à tout droit exclusif, c'est-à-dire tout droit qui confère à son bénéficiaire la possibilité d'éviter le concours avec d'autres créanciers. [...]
[...] Cependant, lors de la mise en liquidation judiciaire de la société débitrice, le créancier a demandé à la caution d'exécuter son engagement. Toutefois, la caution a invoqué la décharge de ses obligations sur le fondement de l'article 2307 devenu l'article 2314 du Code civil en raison de la perte du nantissement du fait de l'absence de publicité définitive. La cour d'appel a pourtant rejeté le demande de la caution au motif que le droit perdu par le créancier était un droit qu'il pouvait ne pas acquérir définitivement et sur lequel la caution ne pouvait donc pas compter au moment de son engagement, d'autant plus que le créancier n'avait pas pris l'engagement à l'égard de la caution de rendre définitif le nantissement. [...]
[...] Pour autant il est impossible de considérer que le cautionnement est devenu un contrat synallagmatique. Cependant, ces obligations à charge des créanciers constituent autant de voie de libération de la caution lorsque ces obligations ne sont pas respectées. En effet, l'obligation d'exercice de ses facultés par le créancier peut conduire à la libération de la caution en cas de non exercice de ces facultés. Il est alors possible d'en déduire que le cumul des garanties ne signifie pas forcément un renforcement de la protection du créancier. [...]
[...] Cependant, il semble en toute hypothèse que la Cour de cassation a ouvert ici une nouvelle voie de libération de la caution. II- la reconnaissance d'un solidarisme contractuel au détriment de l'efficacité du cautionnement Le fondement de l'obligation du créancier La question du fondement de l'obligation à la charge du créancier d'exercer ses facultés apparaît importante dans le contexte actuel d'une montée croissante de la volonté du législateur de rétablir un équilibre contractuel. En effet, cette obligation d'exercer une faculté semble fondée sur une obligation d'exercer le contrat donne foi conformément à l'article 1134 alinéa 3 du Code civil. [...]
[...] Ainsi, avec l'arrêt du 17 novembre 2006, la Chambre mixte met à la charge du créancier une nouvelle obligation correspondant à l'obligation d'exercer certaines facultés pouvant bénéficier à la caution dans le cadre de son éventuel recours subrogatoire après paiement. Dès lors, le non-exercice des facultés du créancier constitue une faute à l'origine de la perte de droit préférentiel par anticipation justifiant alors la décharge de la caution au titre de l'article 2314 du Code civil. La cour de cassation consacre ainsi une nouvelle voie de libération de la caution par son arrêt du 17 novembre 2006. [...]
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