Engagements des associés envers la société. Engagements pris par des actionnaires majoritaires concernant la couverture des besoins de trésorerie de l'entreprise sociale. Nature portée et validité des engagements
En 1998, une société Kuc (SA) prenait en location-gérance un fonds de commerce de maroquinerie dont l'enseigne était : « Créations D.P. ». Ce fonds appartenait à un M. Waintraub qui s'était engagé à acquérir 20 % du capital de ladite société en même temps qu'il promettait de signer le contrat de location-gérance en cause. Parallèlement, était signé un pacte d'actionnaires aux termes duquel les quatre actionnaires majoritaires de la société Kuc s'engageaient « à faire en sorte que les besoins de trésorerie de la société soient assurés au mieux » pendant une durée d'une année.
Immédiatement, loueur du fonds mis en location-gérance et actionnaire minoritaire de la société bailleresse mais détenteur des savoir-faire de son commerce, M. Waintraub était nommé administrateur de ladite société et président de son conseil d'administration. Ces données factuelles livrent sans grand mystère les clefs de l'opération. Une entreprise de maroquinerie de prestige, exploitée sous une forme individuelle, tombe dans le giron d'un groupe financier comportant une marque renommée de produits de luxe. La cession de contrôle s'opère, pour une fois, par la voie du bon vieux transfert d'un fonds de commerce. Pour minimiser sans doute le coût fiscal de l'opération on choisit le procédé de la location-gérance qui permet de transférer l'usage des éléments de propriété intellectuelle et de la clientèle sans opérer une onéreuse mutation. En conservant au propriétaire du fonds une situation de dirigeant au moins nominale, non seulement on facilite son accord à la transmission du contrôle mais, le cas échéant on rassure la clientèle traditionnelle de l'entreprise.
[...] Toutefois, ce n'est pas sur ce plan mais beaucoup plus frontalement que la Chambre commerciale de la Haute juridiction retoque sèchement l'arrêt d'appel. Attendu, dit-elle qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse contenait l'engagement des actionnaires majoritaires de la société de faire en sorte que les besoins de trésorerie de celle-ci soient couverts au mieux pendant une durée d'une année, ce dont il se déduit que ceux-ci s'obligeaient à l'obtention de ce résultat, la cour d'appel a méconnu la loi des parties Cet arrêt apporte donc, en premier lieu, une précision importante et heureusement rigoureuse concernant l'interprétation des termes nébuleux qui caractérisent souvent ces stipulations dont par la suite on discute le point de savoir s'ils donnaient naissance à une obligation de moyen quelque peu gélatineuse sur le plan juridique ou à une obligation de résultat nette, ferme et efficace. [...]
[...] Les concours dont ils se targuaient paraissent s'être effectivement limités à la souscription d'actions nouvelles liées à une augmentation de capital et libérée par compensation de créances qu'ils avaient sur la société. Compte tenu de l'objet de l'engagement, ces conversions de créances en actions se révélaient, par nature, totalement inopérantes. En premier lieu, on ne voit guère comment la cour d'appel a pu considérer que cette opération répondait au mieux aux engagement pris alors que si elle améliorait le Haut de Bilan du passif social confortant ainsi le crédit global de la société, elle n'apportait aucune modification des postes de l'actif correspondant à sa trésorerie. [...]
[...] Vue de Sirius, l'opération est élégante voire charitable. Charitable, car il n'est pas besoin d'être grand clerc pour deviner que la perte d'indépendance consentie par le propriétaire bailleur du fonds est la contrepartie de ces difficultés financières qui sont le lot de ces PME dont la signature commerciale a beaucoup plus de valeur sociétale que leur signature bancaire. Si l'on pouvait en douter, pour percevoir la nature d'opération de sauvetage entrepreneurial de cette combinaison d'actes, il suffirait de se reporter aux conventions annexes concernant la trésorerie de la société Kuc. [...]
[...] Comme le soulignait la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans l'arrêt du 18 avril 2000 que nous commentions alors, la société mère doit prendre un ensemble de mesures dont la pertinence, notamment la nature et l'importance, sera souverainement appréciée par le juge du fond (pour un exemple de mesures jugées insuffisantes, Versailles nov. 1996). S'agissant de problèmes de trésorerie, il était exigé que la société mère apporte des réponses financières concrètes d'effets immédiats telles qu'une avance de capitaux en compte courant, un abandon de créances, des délais de paiement, etc. [...]
[...] Pour la Cour de Paris l'utilisation de l'expression au mieux exprimait une limitation de cet engagement à ce qui est possible et raisonnable . Du coup, la Cour en déduisait que cet engagement s'analyse en une obligation de moyen et que le dépôt de bilan de la société ne pouvait établir la défaillance des actionnaires dans l'exécution de leur engagement. Ce faisant les magistrats parisiens transposaient à une clause d'un pacte d'actionnaires d'essence synallagmatique la distinction jurisprudentielle entre obligation de moyen et obligation de résultat appliquée aux promesses unilatérales, que sont, généralement, les lettres de confort dont le contentieux abondant nourrit tout un pan du droit des groupes de sociétés comme le régime des cessions de contrôle et de leurs garanties forme un autre pan. [...]
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