En matière d'accession artificielle, moyen permettant au propriétaire d'un fond de devenir propriétaire de toutes les constructions, plantations et ouvrages réalisés sur ce terrain, les contentieux sont nombreux. En effet, un propriétaire d'un terrain peut avoir construit sur son propre fonds mais avec des matériaux qui appartiennent à un tiers, et des plantations ou constructions peuvent avoir été faites par une personne sur le terrain d'un tiers. Dans ce cas, les solutions au règlement du litige entre le constructeur et le propriétaire du fonds voisin vont différer selon que les constructions sont entièrement faites sur le terrain d'autrui ou qu'elles empiètent simplement sur le terrain d'autrui.
En l'espèce, Un propriétaire Z a construit un bâtiment sur son terrain. Mais ce bâtiment empiète sur le fonds contigu, qui appartenait, à l'époque de la construction, aux consorts X. Mr Y acquiert la propriété aux consorts X en même temps que les droits et actions qui appartenaient aux vendeurs contre leur voisin. Mr Y demande alors la suppression de cet empiétement. Après une première instance, l'arrêt de la cour de Poitiers du 28 juin 1982 déboute le nouveau propriétaire du fonds contigu. Celui-ci se pourvoit alors en cassation. Selon l'auteur du pourvoi, l'article 555 du code civil ne s'applique pas concernant les constructions qui empiètent sur le terrain d'autrui et dès lors la bonne foi du constructeur n'a aucun effet et ne peut justifier le refus de la demande de démolition de la construction qui empiète. Au contraire, la cour d'appel de Poitiers dans son arrêt du 28 juin 1982 considère estime que la démolition de la partie qui empiète qui entraînerait la perte totale de la construction est disproportionnée, excessive vis-à-vis du préjudice subi par le propriétaire du fonds victime de l'empiétement surtout que celui-ci avait connaissance de l'empiétement avant d'acquérir ce terrain. En outre, la CA considère que l'empiétement ayant été commis de bonne foi, « l'auteur de l'empiétement ne peut être contraint à démolir sa construction mais doit être condamné à payer des dommages-intérêts »
Le propriétaire d'un fond victime d'un empiétement peut-il se voir refuser la démolition de la partie de ce bien qui empiète et dès lors peut il être contraint de céder cette partie de sa propriété en contrepartie de dommages et intérêts ? Autrement dit l'article 555 qui s'applique pour les constructions et plantations sur le terrain d'autrui est-il applicable pour les empiétements sur le terrain d'autrui ? Le constructeur de bonne foi peut il dès lors invoquer l'impossibilité de détruire la construction ? La cour de cassation dans son arrêt du 19 décembre 1983 casse et annule l'arrêt de la CA de Poitiers du 28 juin 1982 et renvoie les parties devant la CA de Limoges aux motifs que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique » (article 555) et donc le propriétaire victime de l'empiétement n'a pas à céder son terrain même en contrepartie de dommages et intérêts et que « l'article 555 du Code civil ne trouve pas application lorsqu'un propriétaire étend une construction au-delà des limites de son héritage et empiète ainsi sur la parcelle voisine. Dès lors, la bonne foi de [celui-ci] ne peut justifier le rejet d'une demande de démolition. » Ainsi, la cour de cassation opère une distinction du règlement des litiges concernant les constructions sur le terrain d'autrui avec les règlements des litiges des empiétements sur le terrain d'autrui. Pour les empiétements, l'article 555 ne s'applique pas et la bonne foi du constructeur n'a aucune incidence.
[...] Concernant l'empiètement, on ne peut appliquer les règles de l'accession pour une raison tout simplement pratique : en cas d'empiètement, seule une partie de la construction était sur le terrain d'un tiers donc, si on avait décidé d'appliquer l'accession, on en serait venu à dire que le propriétaire du terrain contigu est, par voie d'accession artificielle, propriétaire de la partie de la construction qui empiète sur son fonds. Or, bien souvent les empiètements sont minimes, voire même insignifiants. On peut alors imaginer qu'une personne serait propriétaire d'une maison à du fait de l'accession de la partie qui empiétait sur son terrain, tandis qu'une autre personne serait propriétaire des 99% restants. Cela n'a strictement aucun sens et cette solution créerait trop de difficultés, tout en étant inapplicable. Dès lors, cette solution n'était évidemment pas souhaitable. La jurisprudence refuse donc d'appliquer les règles de l'accession à cette situation. [...]
[...] Dès lors quelle sera la solution retenue ? La bonne foi, aura-t-elle des effets similaires à ceux prévus dans l'article 555 ? II) L'inefficacité de la bonne foi du constructeur pour le rejet d'une demande de démolition : Si la bonne foi du constructeur a des effets positifs en matière de construction sur le terrain d'autrui elle n'a en revanche aucune incidence en matière d'empiètement et ne peut donc être invoquée en vue d'empêcher la démolition de la partie empiétant sur le terrain d'autrui : la bonne foi de M Z . [...]
[...] Le propriétaire du sol ne peut pas se voir imposer la propriété de ces constructions : liberté de détruire. Soit le propriétaire peut décider de conserver les constructions réalisées par un tiers sur son terrain, mais dans ce cas, comme il va en retirer un avantage, il devra indemniser le constructeur de mauvaise foi. Le calcul de cette indemnité se fait de la même manière que lorsque le constructeur est de bonne foi : plus- value ou cout des matériaux et de la main-d'œuvre engagée par ce constructeur. [...]
[...] En effet, pour qu'un propriétaire puisse être contraint de céder tout ou parti de sa propriété, deux conditions sont requises : il faut une cause d'utilité publique et une indemnité versée au propriétaire. Or, l'arrêt relève ici l'absence d'utilité publique. Ainsi, l'indemnisation seule ne suffit pas, utilité publique et indemnisation vont de pair. Même si une indemnité, peu importe, le montant est proposé au propriétaire du fonds subissant l'empiètement, par le constructeur, le propriétaire du fonds, ne peut se voir imposer la cessation de sa propriété, car la condition de l'utilité publique fait défaut. Ici, ce serait en effet à des fins privées, au bénéfice du constructeur. C'est l'État qui décide d'exproprier. [...]
[...] L'absence d'effet de la bonne foi du constructeur en matière d'empiètement : En matière d'empiètement, la solution retenue par la Cour de cassation, si le propriétaire du fonds victime de l'empiètement, ne consent pas de manière amiable avec le constructeur, à la cessation d'une partie de son fonds même en contrepartie de dommages et intérêts, c'est la destruction par le constructeur de la construction qui empiète sur le terrain peu importe l'ampleur de l'empiètement. Cette demande ne pourra pas être refusée que le constructeur soit de bonne ou mauvaise foi. La bonne foi n'a donc aucune incidence sur le règlement du litige. Ainsi, la bonne foi ne peut justifier le rejet d'une demande de démolition. En effet, si la bonne foi permettait le refus de la demande de démolition, le propriétaire du fonds voisin serait contraint de céder une bande de son terrain, ce qui serait contraire à l'article 545 du Code civil. [...]
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