La société par actions simplifiée est couramment définie comme « une société dont le fonctionnement interne relève, pour une large part, de la seule volonté de ses membres ». Toutefois, au fil des années, la jurisprudence a eu à préciser les contours du principe de liberté contractuelle dans le cadre de la SAS, notamment en ce qui concerne le droit de vote, et c'est ce qu'elle a été amenée à faire une nouvelle fois dans la décision soumise à notre examen. En l'espèce, Jacques X (M. X) était porteur de presque deux tiers des parts de la société Arts et Entreprise, et Laurent et Isabelle Y (les époux Y) du surplus. Le 3 mai 2005, la société a prononcé l'exclusion de M. X de son sein sans que l'intéressé soit appelé à voter, en application d'une clause statutaire en prévoyant la possibilité. Considérant cette mesure comme une atteinte à son droit de vote d'ordre public, M. X. se tourne tout d'abord vers le Tribunal de Grande Instance de Béthune, qui rejette sa demande le 7 septembre 2005. Il interjette alors appel. Le 16 mars 2006, la Cour d'Appel de Douai, s'appuyant sur les arguments précédemment développés par le Tribunal de Grande Instance, le déboute à nouveau de sa demande, considérant que «dans le contexte de liberté contractuelle totale qui caractérise la SAS, il était possible de prévoir, comme l'ont fait les parties, que l'associé dont l'exclusion est proposée ne participe pas au vote », « précisément parce que la SAS repose sur la dissociation du pouvoir financier et du pouvoir décisionnel ». M. X se pourvoit alors en cassation. En l'espèce, pour la Cour de Cassation, il s'agit de savoir si un associé dont l'exclusion est proposée peut-être privé de son droit de vote sur la décision le concernant. Le 23 octobre 2007, la Cour de Cassation a répondu par la négative en cassant l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Douai, considérant que celle-ci a violé par fausse interprétation de la loi les articles 1844 alinéa 1 du Code Civil et L227-16 du Code de Commerce. Pour bien cerner tout l'enjeu de la décision, il convient d'abord de rappeler que dans la SAS, une large place est laissée à la volonté des associés (I). Toutefois, pour que cette liberté ne soit pas synonyme d'arbitraire, le législateur et la jurisprudence ont successivement posé certaines bornes (II).
[...] La faculté de priver un associé de son droit de vote ne devrait dès lors être permise que dans des cas résiduels, par exemple lorsque l'intérêt de l'associé risque de contrevenir à l'intérêt de la société elle-même. Ainsi, le principe de l'article 1844 connaitrait certains tempéraments statutaires en plus de ceux déjà prévus par la loi, mais ceux-ci ne pourrait être justifiés que par la référence à l'intérêt social, notion centrale en droit des sociétés. L'interdiction de priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de vote sur la décision s'inscrit dans un cadre plus large : il s'agit de ne pas faire de la clause d'exclusion une épée de Damoclès pesant sur la tête des associés, en la soustrayant à l'arbitraire de ceux-ci B / L'exclusion de l'associé, une possibilité encadrée par la jurisprudence Si depuis la loi du 3 janvier 1994 l'exclusion d'un associé est possible, cette prérogative ne peut par pour autant être mise en œuvre de façon discrétionnaire. [...]
[...] II) B / La possibilité d'insérer une clause d'exclusion En ce qui concerne l'exclusion d'un associé, dans le silence des textes, le principe posé par la Cour de Cassation est que celle-ci est interdite (Cour de Cassation, chambre commerciale mars 1996). Toutefois, le principe connait de sérieux tempéraments, puisque dans certains cas, les associés ont la possibilité d'insérer une clause autorisant l'exclusion de l'un d'entre eux, notamment dans le cas des SAS, pour lesquelles la possibilité a été prévue par une loi du 3 janvier 1994, eu égard à la grande liberté contractuelle offerte dans le cadre de ce type de société. [...]
[...] Le 16 mars 2006, la Cour d'Appel de Douai, s'appuyant sur les arguments précédemment développés par le Tribunal de Grande Instance, le déboute à nouveau de sa demande, considérant que «dans le contexte de liberté contractuelle totale qui caractérise la SAS, il était possible de prévoir, comme l'ont fait les parties, que l'associé dont l'exclusion est proposée ne participe pas au vote précisément parce que la SAS repose sur la dissociation du pouvoir financier et du pouvoir décisionnel M. X se pourvoit alors en cassation. En l'espèce, pour la Cour de Cassation, il s'agit de savoir si un associé dont l'exclusion est proposée peut-être privé de son droit de vote sur la décision le concernant. [...]
[...] I / Le principe de la liberté contractuelle dans le cadre d'une SAS La grande marge de manœuvre laissée aux associés d'une SAS implique notamment que ceux-ci peuvent librement déterminer les modalités des décisions collectives De même, la loi du 3 janvier 1994 instituant la Société par Actions Simplifiée leur a reconnu la possibilité d'insérer une clause autorisant l'exclusion de l'un d'entre eux à certaines conditions A / La possibilité de déterminer librement les modalités des décisions collectives L'article L227-9 du Code de Commerce prévoit que les statuts déterminent les décisions qui sont prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient En effet, les conditions d'adoption des décisions collectives dans une SAS sont librement fixées par les statuts. C'est la prérogative conférée par cet article qu'ont utilisé les associés de la SAS Arts et Entreprise lorsqu'ils ont ensemble décidé d'insérer la clause litigieuse dans les statuts de la société. [...]
[...] Cour de Cassation octobre 2007, Art et Entreprise La société par actions simplifiée est couramment définie comme une société dont le fonctionnement interne relève, pour une large part, de la seule volonté de ses membres Toutefois, au fil des années, la jurisprudence a eu à préciser les contours du principe de liberté contractuelle dans le cadre de la SAS, notamment en ce qui concerne le droit de vote, et c'est ce qu'elle a été amenée à faire une nouvelle fois dans la décision soumise à notre examen. En l'espèce, Jacques X (M. était porteur de presque deux tiers des parts de la société Arts et Entreprise, et Laurent et Isabelle Y (les époux du surplus. Le 3 mai 2005, la société a prononcé l'exclusion de M. [...]
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