L'article 2 de la Constitution de 1958 énonce le principe de laïcité de l'Etat français, qui assure que l'Etat ne puisse fonder des distinctions entre ses citoyens qui reposeraient sur des critères religieux. Dans un arrêt du 2 novembre 1992, le Conseil d'État a eu à régler la question délicate des rapports entre la liberté de culte et la laïcité de l'enseignement français.
Ainsi en l'espèce, trois jeunes filles de confession musulmane ont été exclues de leur collège par une décision du Conseil de discipline du 14 décembre 1990, du fait qu'elles s'étaient présentées à leur établissement scolaire en portant un voile islamique. Le conseil de discipline s'est fondé sur l'article 13 du règlement interne du collège. Cette exclusion a été confirmée par le Recteur d'Académie dans une décision du 11 mars 1991.
[...] Ainsi, quel est l'équilibre que le Conseil d'Etat parvient à maintenir entre la nécessaire neutralité du service public et le principe de laïcité ? Car, si le juge administratif affirme dans cet arrêt la non-contradiction entre cette neutralité du service public et le principe de laïcité il n'en pose pas moins le principe de la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt particulier qui a été affirmé depuis par le Législateur lui- même. L'absence de contradiction entre la neutralité du service public et le principe de laïcité Une société laïque est une société qui respecte toutes les croyances. [...]
[...] Toutefois, le Conseil d'Etat apporte un bémol à cette liberté d'expression : elle doit se faire dans un certain cadre. II/ La primauté de l'intérêt général sur l'intérêt particulier La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui est le texte fondateur de la liberté de conscience, affirmait déjà que cette liberté devait s'exercer dans le cadre défini par la loi. Ainsi, la liberté individuelle ne saurait se transformer en liberté anarchique qui conduirait à remettre en cause l'ordre public et la liberté d'autrui. [...]
[...] Aussi, dans l'arrêt Kherouaa, le Conseil d'Etat affirme-t-il que la liberté d'expression est une liberté encadrée (A'), qui peut être limitée par le Législateur (B'). Une liberté encadrée : le nécessaire respect de l'ordre public Le Conseil d'Etat, qui, en protégeant l'exercice de la liberté d'expression, s'est posé en défenseur de l'intérêt privé, n'en affirme pas moins que cette liberté ne saurait porter atteinte au fonctionnement régulier du service public de l'éducation. Il indique en effet que la liberté de conscience doit s'exercer dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité Et le juge administratif ajoute que ces conditions générales se manifestent dans le cadre d'établissements scolaires par une interdiction d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public Or, en l'espèce, le port du voile par les jeunes filles qui ont été exclues, ne répondait pas selon le Conseil d'Etat à l'une de ces situations, et donc ne pouvait être considéré comme illégal. [...]
[...] Pour le juge administratif, cette liberté d'expression n'est autre que la conséquence de la liberté de conscience et emporte le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires Le Conseil d'Etat affirme ainsi que le fait pour des élèves d'extérioriser leur appartenance à une religion, notamment par leur tenue vestimentaire, n'est pas contraire au principe de laïcité puisqu'il découle de la liberté de conscience comprise dans ce même principe de laïcité. L'article 13 du règlement interne du collège est par là même jugé non conforme à ce principe et donc susceptible d'être annulé. Le Conseil d'Etat se place ici en défenseur des libertés individuelles. [...]
[...] Concernant les élèves, qui sont en l'espèce des usagers d'un service public, Le Conseil d'Etat ne leur impose pas une neutralité religieuse. Le juge administratif affirme au contraire que le principe de laïcité doit s'entendre comme leur reconnaissant une liberté de conscience Ainsi selon le Conseil d'Etat, la neutralité et la liberté de conscience ne sont pas deux principes qui s'affrontent mais plutôt qui doivent cohabiter, en ce sens qu'ils ne concernent pas les mêmes personnes, le premier s'appliquant à l'Administration, le second aux administrés. [...]
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