Dans sa tentative de définir la notion de Constitution, le doyen Georges Vedel lui assigne « pour objet d'instituer les règles de droit fondamentales concernant la nature de l'Etat, le régime politique, la désignation des gouvernants et la définition de leurs compétences, les libertés et les droits garantis aux individus et aux groupes sociaux ». Cette définition permet, ainsi, de dégager au sein de la Constitution de 1958 une distinction entre une « Constitution politique » chargée d'instituer les règles d'organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics et une « Constitution sociale » qui renferme les droits fondamentaux et les libertés publiques. Si cette dichotomie peut être établie aujourd'hui, c'est notamment grâce à la décision fondatrice rendue par le Conseil Constitutionnel le 16 juillet 1971 sur une loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. En effet, à cette période, des associations dissoutes pour leurs actions se reforment facilement sous d'autres noms, de par l'absence, depuis la loi du 1er juillet 1901, de contrôle a priori sur l'objet et les dirigeants des associations lors de leur déclaration. Ainsi, une association gauchiste ayant été dissoute par le Gouvernement, conformément à la loi du 10 janvier 1936, souhaitait se reconstituer sous une nouvelle identité. Or, le ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, donne comme instruction aux autorités administratives chargées de recueillir cette déclaration de ne pas délivrer immédiatement le récépissé qui emporte création de la capacité juridique de l'association et induit donc son existence légale. La juridiction administrative, alors saisie du contentieux, contraint l'Administration à délivrer ce récépissé sur le principe de liberté d'association et de l'absence d'autorisation de tout contrôle préalable à sa formation. Le Gouvernement dirigé par Jacques Chaban-Delmas décidé alors de modifier la loi du 1er juillet 1901 pour y introduire un contrôle de l'autorité judiciaire préalable à toute constitution d'association afin d'interdire celles qui seraient entachées de nullité et surtout celles qui auraient un objet illicite.
Ainsi, les modifications sont adoptées, après la déclaration d'urgence, le 30 juin 1971 par la seule Assemblée Nationale – suivant la procédure de l'article 45 de la Constitution – devant l'opposition du Sénat qui fait écho à l'hostilité d'une part de l'opinion et de la véhémence des débats qui agitent la classe politique. Aussi c'est le président de la Chambre Haute, Alain Poher, qui utilise pour la première fois la possibilité qui lui ouverte par l'article 61 de saisir le juge constitutionnel sur la conformité de ladite loi à la Constitution. Saisi le 1er juillet 1971 – soit soixante-dix ans jour pour jour après la promulgation de la loi sur la liberté d'association – le Conseil Constitutionnel rend sa décision le 16 juillet 1971. Cette date marqua, par ailleurs, l'émancipation politique du Conseil vis-à-vis du pouvoir exécutif dont les observateurs disaient qu'il était le « chien de garde ». Selon les propres mots de Denis Perier-Daville, journaliste au Figaro : « Cette décision du Conseil constitutionnel est d'une portée considérable. Elle est d'ailleurs sans précédent dans l'histoire de cette juridiction (…) Il existe, en matière de droits fondamentaux et des libertés des citoyens, une sorte de "réduit sacré ", des règles juridiques permanentes qui garantissent les droits des citoyens et qui s'imposent à la volonté éphémère des gouvernants et des législateurs. »
Dorénavant, le Conseil Constitutionnel, seul interprète de la Constitution, s'est donc érigé en protecteur des droits fondamentaux placés au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes. En effet, cette décision permet de clarifier la controverse doctrinale quant à la valeur constitutionnelle ou purement incantatoire du préambule de la Constitution de 1958. En outre, elle pose la question de savoir si le juge constitutionnel crée une part de droit à travers sa jurisprudence. Notre étude devra donc rechercher si cette décision est, en France, depuis 1971, à l'origine d'un phénomène de création du droit par les neufs sages, et le cas échéant, de recenser les moyens dont il bénéficie à cet égard.
Ainsi, dans quelle mesure la décision du Conseil Constitutionnel en date du 16 juillet 1971 marque-t-elle la naissance du bloc de constitutionnalité et du pouvoir normatif du juge constitutionnel ?
En effet, s'il apparaît que cette décision détermine un nouveau bloc de constitutionnalité avec un contenu limité (I), elle ne préfigure que modestement l'existence d'un véritable pouvoir normatif au profit du Conseil Constitutionnel.
[...] Elle est d'ailleurs sans précédent dans l'histoire de cette juridiction ( ) Il existe, en matière de droits fondamentaux et des libertés des citoyens, une sorte de "réduit sacré des règles juridiques permanentes qui garantissent les droits des citoyens et qui s'imposent à la volonté éphémère des gouvernants et des législateurs. Dorénavant, le Conseil Constitutionnel, seul interprète de la Constitution, s'est donc érigé en protecteur des droits fondamentaux placés au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes. En effet, cette décision permet de clarifier la controverse doctrinale quant à la valeur constitutionnelle ou purement incantatoire du préambule de la Constitution de 1958. En outre, elle pose la question de savoir si le juge constitutionnel crée une part de droit à travers sa jurisprudence. [...]
[...] ; ce n'est que depuis la révision du 1er mars 2005 qu'a été rajoutée la proposition suivante : ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. Aussi, le bloc de constitutionnalité ressemble à une série de poupées russes imbriquées les unes dans les autres. De manière chronologique, se dégage, en premier lieu, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, adoptée le 26 août 1789, par l'Assemblée Nationale Constituante formée des anciens députés des Etats-Généraux. Cette déclaration de droits naturels, imprescriptibles et sacrés est surtout l'œuvre de l'archevêque Champion de Cicé, du marquis de Mirabeau et de l'avocat Mounier. [...]
[...] Faut-il voir donc voir, à travers cette décision, le début d'un pouvoir normatif propre au Conseil Constitutionnel qu'il exercerait à travers sa jurisprudence et son interprétation des normes constitutionnelles contenues dans le préambule. II / L'apparition d'un pouvoir normatif du juge constitutionnel ? Il convient de mesurer la portée de la décision et de débusquer les techniques utilisées par le juge constitutionnel pour sauvegarder les droits fondamentaux. En effet, cette décision, première de son genre, marque le premier jalon d'un parcours jurisprudentiel qui ne visera qu'à la compléter et à poursuivre le chemin ainsi tracé. [...]
[...] En effet, la rédaction du préambule qui précise que sont considérés les principes définis par la déclaration de 1789 mais qu'elle est confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 pourrait laisser supposer à une prééminence de ce dernier d'autant qu'il est plus récent. Or, cette question est centrale dans le sens où la Déclaration de 1789 revêt un discours libéral tandis que le préambule de la Constitution de 1946 est teinté d'idéologie socialisante. Pourtant, le Conseil Constitutionnel a considéré, dans sa décision de 16 janvier 1982, sur les lois de nationalisation, que le pouvoir constituant a approuvé dans son bloc le préambule sans former de hiérarchie explicite, du point de vue de la chronologie ou de la rédaction. [...]
[...] En effet, à cette occasion, à la question d'un des membres demandant au commissaire du Gouvernement, Raymond Janot, si le préambule intégrait la Constitution, ce dernier répondit négativement en prophétisant un Gouvernement des juges dans l'hypothèse inverse. D'aucuns, d'ailleurs, relevaient que le préambule renvoyait à des textes qui renfermaient davantage un programme politique voire philosophique que des normes juridiques directement applicables, et que dès lors, cette marge d'interprétation renforçait le pouvoir du juge constitutionnel. Aussi, la Constitution précédente avait même pris le soin d'exclure de la compétence du Comité Constitutionnel ancêtre embryonnaire du Conseil Constitutionnel le préambule, une précaution que n'a pas cru bon de réitérer le constituant de 1958. [...]
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