Si le juge pénal préfère la théorie de l'équivalence des conditions, le juge administratif a opté pour la théorie de la causalité adéquate ; quant au juge civil lui, il semble hésiter entre ces deux théories. La mise en œuvre de l'article 1382 du Code Civil nécessite « un fait quelconque » et un « dommage » mais ces deux conditions doivent être liées entre elles par « un lien de causalité » , trait d'union nécessaire entre ces deux éléments qui est rappelé implicitement. La recherche du lien de causalité est donc fondamentale dans la mise en œuvre de la responsabilité civile dans un souci de justice sociale, mais elle peut s'avérer difficile lorsque plusieurs causes sont à l'origine du dommage; le juge est alors confronté à la délicate question de savoir laquelle il faut retenir. La diversité et la complexité des cas oblige les juges à un exercice difficile afin d'identifier le lien de causalité, générateur de responsabilité. Les deux arrêts rendus respectivement par la 1ère chambre civile et la chambre commerciale de la cour de cassation, en date du 4 décembre 2001 illustrent bien ce problème.
[...] Ainsi, l'assouplissement du régime probatoire permet de voir la preuve revêtir le plus souvent un caractère élémentaire tel que témoignages , indices ou présomptions du fait de l'homme comme le montre un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2001. À cela s'ajoute de multiples présomptions simples de causalité d'origines légales : cela est par exemple le cas lorsqu'une contravention au Code de la route précède un accident qui peut logiquement en résulter ou dans le cas d'une contamination post- transfusionnelle. [...]
[...] Dernièrement, la Cour réitéra sa position dans un arrêt du 2 juin 2005. En l'espèce la deuxième chambre civile jugea un médecin responsable du préjudice de contamination par le VIH d'un éboueur, suite à la piqûre d'une aiguille déposée dans un sac poubelle non prévu à cet effet. Il semblerait que le récent attachement de la Cour à cette théorie s'explique par un souci contemporain d'une meilleure indemnisation des victimes, passant par une augmentation du nombre des débiteurs. Cette théorie expliquerait alors certaines décisions de justice, comme celle du fameux arrêt Perruche du 17 novembre 2000 où une faute de diagnostic entraina la naissance d'un enfant handicapé : sans faute de la part du médecin, la mère aurait avorté et donc enfant ne serait pas né handicapé, d'où la responsabilité du médecin. [...]
[...] Mme X forma alors un pourvoi devant la chambre commerciale de la Cour de Cassation. Dès lors comment détermine-t-on la ou les causes efficientes, à l'origine d'un dommage ? En présence d'une pluralité de causes, faut-il retenir toutes ces causes ou certaines d'entre elles ? Au regard de quels critères opère-t-on une distinction entre ces causes ? Dans le premier cas d'espèce, les juges de la 1re chambre de la Cour de cassation affirmèrent que les transfusions sanguines ayant entraîné la contamination avaient été rendues nécessaires par l'accident de la circulation. [...]
[...] C'est ainsi que dans un arrêt (visé plus haut) du 4 janvier 2001 relatif à la relation causale entre un accident de la circulation et la contamination par le virus de l'hépatite C lors des transfusions administrées à la victime, que la première chambre civile avait considéré que les transfusions sanguines ayant entraîné la contamination avaient été rendues nécessaires par l'accident La théorie de l'équivalence des conditions, jusqu'ici mise de coté en raison des risques inhérents à son application sembla alors trouver un second souffle. La Cour réaffirma sa position de façon très explicite dans un arrêt rendu par sa deuxième chambre civile le 27 mars 2003. [...]
[...] Le lien de causalité semble alors élastique entre les mains des juges qui en voulant rendre la justice dans un souci d'équité risquent de rendre cette notion créatrice d'insécurité juridique. Le changement de position de la Cour de cassation dans l'optique d'une meilleure indemnisation des victimes semble alors être critiquable au vu des effets produits. Certes la victime voit son indemnisation plus aisée grâce au renouveau de la théorie de l'équivalence des conditions, mais les défendeurs sont livrés à un certain arbitraire issu soit d'une appréciation subjective par le juge de la cause efficiente du dommage, soit d'une extension du lien de causalité à des faits lointains et dont le lien avec le dommage ne pouvait être prévisible. [...]
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