Le 3 juillet 1997, l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP) a passé un marché avec la société SNC Activ CSA en vue de la fourniture d'ordinateurs aux hospices civils de Colmar, considérés comme un établissement public communal. Suite à un litige entre les deux parties, le contentieux est porté devant le TGI de Strasbourg. Le préfet du Haut-Rhin présente alors un déclinatoire tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente car il estime que le contrat en question est un contrat administratif. La Cour d'appel de Colmar rejetant le déclinatoire de compétence, le préfet élève alors le conflit. Le 6 mai 1999, le garde des sceaux, ministre de la justice, transmet au Tribunal des Conflits (TC) le dossier et présente un mémoire tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit.
Le rôle du TC est de régler les conflits entre les deux ordres de juridictions portant sur leurs compétences respectives ou exceptionnellement de régler le litige sur le fond. En l'espèce, un tribunal judiciaire est saisi d'un litige qui ressortit à la juridiction administrative. Le préfet du département doit élever le conflit avant que le juge n'ait statué au fond. La Cour d'appel n'ayant pas encore statué au fond, le préfet du Haut-Rhin a légalement élevé le conflit. La procédure de saisine du TC a donc été respectée.
La question posée ici intéresse depuis fort longtemps la doctrine : un contrat passé par une collectivité publique et soumis au Code des marchés publics, est-il nécessairement pour cette seule raison, un contrat administratif ? La réponse donnée par le TC est non.
Par sa décision du 5 juillet 1999, le TC a apporté des précisions attendues sur la notion de contrat administratif. Les débats sur la question sont anciens et abondants. De nombreuses controverses sont nées au sein de la doctrine à ce sujet. Mais la jurisprudence a elle-même connu d'importantes fluctuations car il convient de souligner que la question est importante et délicate pour le droit administratif français. En effet, le dualisme de juridiction amène à un dualisme du droit applicable du fait de la spécificité du droit administratif par rapport au droit privé. Les tribunaux ordinaires ne peuvent connaître des actes de puissance publique accomplis par des personnes publiques car cela relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative. Et c'est sur ce point que l'arrêt du TC du 5 juillet 1999 est un tournant au sujet de la question de la notion du contrat administratif.
Le contrat est par excellence un instrument de droit privé fondé sur un commun accord. Quelle place alors pour le contrat administratif ? Avec le développement du recours au procédé contractuel tout au long du XXème siècle, le contrat est devenu l'un des instruments privilégié de l'action des personnes publiques. Ainsi, le juge s'est trouvé confronté à des contrats conclus par des personnes publiques ne représentant ni le caractère d'une concession de service public, ni celui de marché de travaux publics.
Pour définir un contrat comme administratif, le TC reste fidèle aux critères de la jurisprudence traditionnelle (TC, Blanco, 8février 1873 ; CE, 6 février 1903, Terrier) en refusant de retenir un troisième critère : celui de la soumission au Code des marchés publics. Ainsi, le TC se base sur les deux critères alternatifs pour qualifier un contrat administratif : l'exécution d'un service public ou l'existence, dans le contrat, de clause exorbitante du droit commun. En l'espèce, le TC retient le second critère pour qualifier le contrat de marché passé entre l'UGAP et la société SNC de contrat administratif. La solution contraire aurait eu pour effet d'étendre considérablement la notion de contrat administratif.
Ainsi, pour qualifier le contrat conclu entre l'UGAP et la société SNC, le TC exclu le critère de la soumission au Code des marchés publics pour qualifier un contrat administratif . Le TC préfère retenir la clause exorbitante du droit commun comme critère de qualification.
[...] Ainsi, le TC se base sur les deux critères alternatifs pour qualifier un contrat administratif : l'exécution d'un service public ou l'existence, dans le contrat, de clause exorbitante du droit commun. En l'espèce, le TC retient le second critère pour qualifier le contrat de marché passé entre l'UGAP et la société SNC de contrat administratif. La solution contraire aurait eu pour effet d'étendre considérablement la notion de contrat administratif. Ainsi, pour qualifier le contrat conclu entre l'UGAP et la société SNC, le TC exclu le critère de la soumission au Code des marchés publics pour qualifier un contrat administratif. [...]
[...] Le TC fonde sa solution de l'arrêt UGAP du 5 juillet 1999 sur cette clause exorbitante du droit commun. En effet, lorsque le contrat renvoie à un cahier des clauses administratives générales (en l'espèce, celui applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services), et que ce cahier comporte une clause exorbitante de droit commun (en l'espèce un pouvoir de résiliation unilatéral y compris en l'absence de tout manquement du titulaire du marché à ses obligations contractuelles), il présente ainsi un caractère administratif. [...]
[...] En effet, la soumission au Code des marchés publics ne résulte pas de la volonté des parties : elle leur est imposée par la loi. Par conséquent, les parties ne décident pas d'elles-mêmes de se soumettre au Code des marchés publics. Sinon, il semble aisé pour les parties à un contrat d'éviter les inconvénients que présenterait l'application du Code pour elles. De plus, la jurisprudence n'a jamais été en mesure de donner une définition exacte de la clause exorbitante du droit commun. [...]
[...] C'est par cette dernière thèse que le TC développe son argumentaire afin de distinguer l'appartenance au Code des marchés publics et la qualification de contrat administratif. Le paradoxe des thèses en présence L'argumentaire suivi par le ministre présente quelques inconvénients juridiques. En effet, admettre que la soumission au Code des marchés publics a pour conséquence de conférer au contrat un caractère administratif revient à priver les collectivités publiques du choix du régime sous lequel elles entendent se placer. Ce qui semble contraire à la logique de la jurisprudence sur la clause exorbitante du droit commun. [...]
[...] Commentaire d'arrêt TC statuant au contentieux juillet 1999, UGAP contre SNS Activ CSA Le 3 juillet 1997, l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP) a passé un marché avec la société SNC Activ CSA en vue de la fourniture d'ordinateurs aux hospices civils de Colmar, considérés comme un établissement public communal. Suite à un litige entre les deux parties, le contentieux est porté devant le TGI de Strasbourg. Le préfet du Haut-Rhin présente alors un déclinatoire tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente car il estime que le contrat en question est un contrat administratif. [...]
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