L'arrêt qu'il est ici lieu de commenter a été rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 décembre 2009.
En l'espèce, par acte notarié du 3 août 2000, M. et Mme X. ont acquis des époux Y. un chalet situé à Courchevel 1850, au prix de 21 000 000 francs. Prétendant avoir acquitté, à la demande des vendeurs et pour leur compte, un supplément de prix occulte, d'un montant de 762 228,93 euros, entre les mains de M. A., avocat suisse installé à Genève, les époux X. les ont, par acte du 18 février 2003, assigné en dissimulation du prix de vente et restitution du supplément de prix versé sur le fondement de l'article 1840 du Code général des impôts (devenu l'article 1321-1 du Code civil). À la suite du décès de Jean Y., sa veuve et ses quatre enfants, ès qualités d'héritiers, ont repris l'instance.
La Cour d'appel de Paris a jugé, le 21 février 2008, qu'était établie l'existence d'un mandat entre les vendeurs et l'avocat pour la perception du complément de prix occulte et a condamné les vendeurs à en restituer le montant.
Les vendeurs se sont pourvus en cassation, faisant grief à la cour d'appel d'avoir violé les articles 1341 et 1984 du Code civil, en statuant au vu des seuls éléments de fait, alors que, selon le pourvoi, la preuve d'un mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales sur la preuve des conventions, ces règles étant applicables non seulement dans les rapports du mandat et du mandataire, mais encore à l'encontre des tiers qui ont traité avec celui-ci.
La question de droit posée à la Cour de cassation était la suivante : la simulation frauduleuse peut elle être prouvée par tout moyen, même lorsqu'elle a été opérée par le biais d'un acte juridique, en l'espèce d'un mandat donné par les vendeurs à un avocat pour la perception du supplément de prix occulte ?
[...] Il s'agit bien d'un litige entre les parties à deux actes, l'un apparent, l'autre dissimulé. Mais s'agissant du mandat donné par les vendeurs à leur avocat afin de percevoir le supplément de prix prévu avec les acquéreurs dans un acte secret tacite, si les acquéreurs sont concernés par ce mandat, ils n'en restent pas moins des tiers par rapport aux parties contractantes. Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation juge que la preuve d'un mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales de la preuve des conventions et que ces règles sont applicables non seulement dans les rapports du mandant et du mandataire, mais encore à l'encontre des tiers qui ont traité avec le mandataire prétendu. [...]
[...] La Cour de cassation a répondu par l'affirmative. Par l'arrêt ici commenté, elle a rejeté le pourvoi aux motifs qu'en cas de fraude, la simulation peut être prouvée par tout moyen; qu'il en est ainsi de la dissimulation d'une partie du prix d'une vente d'immeuble, laquelle a notamment pour finalité d'éluder l'application des règles fiscales relatives à l'imposition des transactions immobilières; qu'ayant constaté l'existence d'une fraude en faisant ressortir, par une appréciation souveraine des faits et de la valeur probante des éléments de preuve soumis à son examen, qu'une partie du prix de vente du bien immobilier avait été dissimulée et acquittée, à la demande des époux Y., entre les mains de l'avocat suisse qu'ils avaient mandaté à cet effet, la cour d'appel par ce seul motif et sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision Cet arrêt porte sur la preuve de la simulation. [...]
[...] Les limites: De multiples dérogations: D'une façon générale, le principe de la nécessité d'un écrit préconstitué connaît des exceptions. C'est une spécificité du droit français: la rigidité du principe est fortement modérée par l'existence de multiples dérogations faisant de plus l'objet d'une interprétation large. Toute d'abord les articles 1347 et 1348 du Code civil prévoient des tempéraments à la rigueur de l'exigence de préconstitution de preuve par écrit. Ensuite, les règles du Code civil s'agissant de la preuve du contrat sont également écartées lorsque c'est un tiers qui apporte la preuve du contrat. [...]
[...] Toutefois, le moyen du pourvoi commenté ne remettait pas en cause la preuve de la fraude. En l'espèce, une fraude révélée par la dissimulation de prix: S'il est vrai que la dissimulation du prix n'était pas contestée par les vendeurs, il ressort de l'arrêt que celle-ci suffit à établir l'existence de la fraude et notamment l'intention de frauder le fisc. Dans le cas de la dissimulation d'un prix occulte, la fraude fiscale est en quelque sorte présumée, virtuelle Prouver la dissimulation, c'est donc déjà prouver la fraude. [...]
[...] Dans le cas d'une contre-lettre majorant le prix de vente dans un but évident de fraude à l'égard de l'administration fiscale, l'article 1321-1 du Code civil, ancien article 1840 du Code général des impôts, prévoit que le vendeur d'un immeuble ne pourra réclamer en justice la fraction de prix dissimulée et l'acheteur, s'il l'a déjà payé, pourra se la faire restituer; seule la contre-lettre étant nulle et de nul effet et l'acte apparent restant valable. Le but de cette disposition est de rendre le déguisement du prix excessivement dangereux pour le vendeur afin de l'en dissuader. Elle instaure en quelque sorte une prime à la délation dans un cas de fraude reconnue. [...]
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