Le pourvoi en cassation, demandé par la société Le Figaro le 9 juillet 2003, a été rejeté par la Cour de cassation, jugeant que le droit au respect de la vie privée des enfants Z avait largement été bafoué par le supplément hebdomadaire de Mme Y, ayant trait à la disparition des époux X et de leurs enfants (Mme X étant la mère des enfants Z, issus d'un précédent mariage).
La Cour a ici favorisé le respect à la vie privée face à la liberté d'expression et au droit d'information, appréciant que certaines limites avaient été franchies par cette « série de l'été ». Ces limites qui étaient jusqu'ici plus que difficiles à déterminer et qui devaient être cernées par la seule interprétation du juge, se voient un peu mieux définies par l'arrêt. En effet, liberté d'expression et droit au respect de la vie privée ont une même valeur normative, comment accorder plus de légitimité au journal qu'au père des enfants Z alors que, de façon plus générale, la question que pose l'instauration d'une jurisprudence unifiée semble insoluble, les limites à l'information étant posées différemment selon les juges. Les nouveaux éléments qu'apporte cet arrêt éclairent l'application des articles 8 et 10 de la CEDH ainsi que de l'article 9 du Code Civil. Il s'agit de déterminer à qui va « l'intérêt le plus légitime » et « d'imposer la solution la plus protectrice de cet intérêt », en séparant le besoin d'information du public d'une extrapolation dévoyée et racoleuse tout en démontrant qu'il est nécessaire « d'imposer avec d'avantage de force le respect à la vie privée à un auteur d'œuvre romanesque plutôt qu'à un journaliste remplissant sa mission d'information ».
Il reste tout de même très difficile de déterminer ce qui est du domaine de l'information publique et ce qui concerne les faits qui doivent rester privés. Comment se fixe ici la frontière (ou la légitimité) entre un journal faisant part à sa manière d'une affaire plus que médiatique et la demande d'un père désirant interdire la parution de tout article concernant la vie de ses enfants (directement reliée à l'histoire de leur mère) ?
Il faut donc nécessairement considérer les éléments qui démontrent que la liberté d'expression doit être protégée et non soumise au respect de la vie privée (en général comme dans ce cas précis) pour ensuite observer et comprendre comment une norme a pu l'emporter sur son égale en lui imposant une certaine ligne de conduite.
[...] - Le père des enfants Z désire l'interdiction de parution de tous les numéros prévus à cette série de l'été or il ne semble pas que celle-ci présente un caractère intolérable et un dommage irréparable Même si l'atteinte à la vie privée est confirmée et qu'elle ouvre droit à réparation, l'interdiction de publication n'est-elle pas trop conséquente eu égard au préjudice causé ? - La publication dans la presse de la photographie de la résidence d'une personne, accompagnée du nom du propriétaire et de la localisation précise, constitue une atteinte au respect de la vie privée l'article que se proposait de publier le Figaro concernant la maison de Tilly était-il aussi précis que cela ? [...]
[...] Il semblerait que le nombre d'arguments susceptibles d'être utilisés pour la défense du Figaro ne manquent pas. Cependant les moyens invoqués ne le sont-ils pas pour masquer le caractère indécent de la série à paraître ? Sous couvert d'être une institution qui reflètent les Droits de l'Homme, la liberté d'expression n'est-elle pas le moyen direct de profiter commercialement du malheur d'autrui, de faire du sensationnel une véritable industrie ? Si tel est le cas, il faut préserver l'information de telles actions en lui imposant un certain régime de respect de la dignité humaine II. [...]
[...] La protection de la liberté d'expression A. Une nécessaire préservation - La liberté d'expression est l'un de nos droits les plus précieux, on la retrouve dans la Déclaration des Droits de l'Homme (elle en est le chien de garde Elle est aussi protégée par la CEDH (article 10 : toute personne a droit à la liberté d'expression liberté de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière et le Code Civil. [...]
[...] Les conditions qu'impose le respect de la vie privée à l'information A. Le véritable visage du droit à l'information - Il semblerait que l'information soit, dans le cas présent, totalement étrangère à un quelconque souci d'enseignement du lecteur, mais quelle soit surtout au service du divertissement et du profit, puisque faisant part de détails superflus à la compréhension de l'affaire. - Le sensationnel transforme la liberté d'expression, lui enlève son caractère légitime et démocratique. La sensation et le spectacle discréditent l'information et permettent alors au droit au respect de la vie privée de se manifester à son encontre. [...]
[...] Le magazine quant à lui aurait tout intérêt à poursuivre la publication de cette revue qui constitue un excellent appât commercial étant donné que l'affaire a eu des retombées médiatiques plus que spectaculaires. - Le respect de la dignité de la personne humaine entraîne plus que légitimement la Cour à poursuivre dans la même voie que le recours en appel, puisque la seule évocation du titre du second numéro est déjà une atteinte la maison de Tilly et que toute personne est en droit de refuser de faire connaître le lieu de son domicile ou de sa résidence - La nature romanesque de l'article, ainsi que la nature dramatique des faits ne se prêtent absolument pas à la création d'un feuilleton estival c'est pourquoi le législateur impose l'interdiction de parution, mesure qui pouvait sembler abusive au Figaro mais qui n'est pas le résultat d'une censure exceptionnelle, mais le seul moyen d'intervenir avant qu'il n'y ait un préjudice plus important (après parution des centaines de lecteurs connaîtraient des détails de la vie privée des enfants Z). [...]
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