Les Chambres réunies de la Cour de cassation limitent, dans leur arrêt du 11 mars 1914, la définition de "bénéfice" qui, depuis l'apparition d'associations en 1901, pose problème.
En l'espèce, la Caisse rurale de Manigod, société coopérative de crédit à capital variable, emprunte de l'argent à ses membres ou à des personnes extérieures, pour ensuite pouvoir les prêter à ses adhérents à un taux légèrement supérieur. Ces prêts ne devront servir qu'à des fins jugées utiles par le conseil d'administration de la société.
Le Tribunal civil de Thonon fut saisi par l'Administration de l'Enregistrement, afin de faire reconnaître la qualité de société de la Caisse rurale de Manigod. Les premiers juges statuèrent, dans un jugement du 16 décembre 1910, en faveur de l'Administration de l'Enregistrement, en reconnaissant le Caisse rurale de Manigod comme société, l'obligeant ainsi à payer la taxe proportionnelle de 20 centimes pour 100 francs. La Caisse rurale de Manigod forme alors un pourvoi en cassation. La Chambre civile de la Cour de cassation renvoya l'affaire, par un arrêt du 29 avril 1913, aux Chambres réunies.
De son côté, la Caisse rurale de Manigod revendique son statut d'association, n'ayant tiré que très peu de bénéfices de son action.
Les Chambres réunies cassent le jugement du Tribunal civil de Thonon, en donnant raison à la Caisse rurale de Manigod.
Le problème qui se pose ici à la Cour de cassation est de préciser la distinction entre la société et l'association. Celles-ci, certes, se distinguent en théorie par leur volonté ou non de faire des bénéfices. Cependant, la définition de "bénéfice" semble être trop floue pour permettre une classification assurée. C'est cette définition que les Chambres réunies tentent de préciser dans l'affaire de la Caisse rurale de Manigod.
La Cour de cassation rappelle tout d'abord les critères qui sont communs aux deux groupes de personnes (I.), puis dans un esprit de clarification, redéfinit le critère du "bénéfice" comme critère de distinction (II.).
[...] De son côté, l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, qui régit les associations, requiert la présence d'une convention. Il est vrai que deux termes différents ont été employés, néanmoins, si l'on s'intéresse à la notion de convention, il est à noter que le Petit Robert la définit comme un "accord de deux ou plusieurs personnes portant sur un fait précis". Mais la correspondance des deux termes se confirme d'avantage lorsque l'on relève la définition du contrat donnée par le Code civil à l'article 1101 : "Le contrat est une convention De plus ce contrat, ou cette convention, doit avoir été conclu(e) entre "deux ou plusieurs personnes", condition requise par l'article 1832 du Code civil comme par l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901. [...]
[...] Au contraire, l'association, d'après l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, poursuit "un but autre que de partager des bénéfices". Ainsi, société et association semblent aux antipodes l'une de l'autre : la première est un groupement à but lucratif, la seconde un groupement à but non lucratif. La distinction paraît simple. Néanmoins, il va de soi, que même l'association la plus désintéressée, doit pouvoir disposer d'un budget qui peut d'ailleurs être en excédent selon Ms. Cozian, Viandier et Deboissy. [...]
[...] Concernant le "partage" prévu en cas de dissolution de l'association, celui prescrit dans l'article 21 des statuts ne correspond pas au sens que lui donne l'article 1832 du Code civil. L'article 1832 prévoit en effet un partage équitable entre tous les associés, dont la seule condition est justement, d'être associé. L'article 21 des statuts fait dépendre la répartition de la date et de la valeur de l'emprunt. De plus, on ne peut pas considérer cette répartition soit le but que la Caisse rurale et ses membres se soient fixé, elle est plutôt la conséquence d'un trop perçu qui doit être rendu aux adhérents. [...]
[...] Ainsi tout rapport à l'argent ne lui est pas interdit. En l'espèce, la Caisse rurale de Manigod avait pour but d'accorder à ses membres des crédits qui leur étaient nécessaires dans l'exécution de leurs activités. Les associés devaient donc être avantagés en bénéficiant, pour leurs emprunts, d'un taux le plus bas possible. C'est à cette fin que la Caisse rurale de Manigod empruntait à ses adhérents ou à des personnes extérieures les capitaux, quelle prêtait ensuite à ses membres emprunteurs, à un taux très légèrement plus élevé que celui auquel elle avait elle-même emprunté. [...]
[...] Les Chambres réunies cassent le jugement du Tribunal civil de Thonon, en donnant raison à la Caisse rurale de Manigod. Le problème qui se pose ici à la Cour de cassation est de préciser la distinction entre la société et l'association. Celles-ci, certes, se distinguent en théorie par leur volonté ou non de faire des bénéfices. Cependant, la définition de "bénéfice" semble être trop floue pour permettre une classification assurée. C'est cette définition que les Chambres réunies tentent de préciser dans l'affaire de la Caisse rurale de Manigod. [...]
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