En raison des nombreuses prérogatives dont disposent les dirigeants, la jurisprudence fait office de rappel à l'ordre quant aux précautions qui sont à prendre lorsqu'un tiers contracte avec une société anonyme (S.A). Ces précautions passent le plus souvent par le respect des règles de procédures du droit des sociétés, relativement exigeantes en matière d'engagements conventionnels passés entre la société et un tiers, dans une logique de prévention des conflits d'intérêts.
L'arrêt de la chambre commerciale rendu le 21 novembre 2000 est un exemple des conditions qui sont à remplir pour qu'une convention réglementée produise tous ces effets à l'égard des tiers.
En l'espèce, deux S.A étaient liées par un contrat de mandat et disposaient du même président du Conseil d'administration ainsi que d'un administrateur commun.
La société Parofer (que l'on désignera comme cocontractant) contracte une convention avec la société SFPO (contractante). Cette convention vient modifier les thermes du mandat initial (étendue, conditions de résiliation et taux).
Dans un jugement de première instance, le tribunal du Commerce avait ordonné le redressement judiciaire de la société contractante SFPO, redressement qui a aboutit à un plan de continuation par voie de reprise avec cession forcée des actions détenues par l'ancien actionnaire majoritaire. La société SFPO continue donc d'exister.
Cette dernière assigne alors son cocontractant en justice et demande la nullité de la convention pour absence d'autorisation du conseil d'administration et défaut d'approbation de l'assemblée générale des actionnaires.
La Cour d'appel fait droit à la demande de la société en redressement judiciaire et annule donc la convention litigieuse pour violation des articles 101 et 103 de la loi de 1966 ; actuellement retranscrit dans les articles L.225-38 et L.225-40 du code de commerce.
Un pourvoi est ainsi formé par le cocontractant, invoquant le bénéfice de la convention litigieuse. Il fait valoir d'une part l'existence d'une approbation tacite de la convention par l'assemblée générale des actionnaires. Cette approbation tacite se manifesterait par la connaissance necessaire de la convention par les actionnaires. D'autre part, il cherche à faire entendre l'autorisation du Conseil d'administration du seul fait de la connaissance pleine et individuelle de celle-ci par les administrateurs.
La cour de cassation doit donc répondre à deux interrogations majeures en l'espèce :
La question qui se pose tout d'abord est celle de savoir si l'autorisation du conseil d'administration et l'approbation tacite de l'assemblée générale d'une convention réglementée sont nécessaires pour que cet acte produise tous ces effets ?
De plus, le défaut d'autorisation et d'approbation d'une convention par le conseil et par l'assemblée générale emporte t'il nullité de celle-ci ?
La cour de cassation rejette le pourvoi au motif que d'une part le vote des actionnaires ne valait pas approbation spéciale de la convention, et d'autre part que les délibérations du conseil d'administration ne portaient pas sur tous les éléments essentiels de la convention, ne permettant pas de retenir une autorisation tacite du conseil d'administration.
Le plan s'articule autour des réponses des juges de cassation aux deux moyens du pourvoi cherchant à éviter la nullité de la convention litigieuse :
Dans un premier temps, la cour de cassation refuse d'établir que le conseil d'administration avait autorisé la convention (I). Dans un second temps, la cour déclare impossible la régularisation compte tenu de la non admission d'une approbation tacite de l'assemblée (II).
[...] Toutefois, cette procédure est assujettie à des conditions rigoureuses qui ne semblent pas présente en l'espèce. La cour de cassation va s'en tenir à contrôler l'appréciation des juges du fond, quant aux faits et à la manière dont le vote a été opéré, pour qualifier ou non la régularisation des différents manquements aux procédures. II. L'impossible couverture de la nullité pour défaut d'approbation de la convention par l'assemblée générale des actionnaires Pour échapper à l'annulation de la convention, le pourvoi va reposer sur la connaissance de la convention par les actionnaires Mais les juges du fond et la cour de cassation seront plus exigent et rejetteront ainsi la possible régularisation à travers une procédure spéciale par un vote en assemblée au motif de l'imprécision et de l'insuffisance du rapport spécial des commissaires De telle manière que les moyens énoncés deviennent vide de substance. [...]
[...] Elle se contente d'approuver la solution adoptée par la cour d'appel : la nullité de la convention et de ces effets. C'est assez étrange en effet puisque l'article L 225-42 énonce que l'absence d'autorisation ou d'approbation du conseil et de l'assemblée ne conduit pas nécessairement à la nullité de la convention si celle-ci ne porte pas eu de conséquences dommageables sur l'entreprise. On aurait alors pu penser que la cour de cassation aurait vérifié l'existence d'un dommage sur la société ou d'une fraude éventuelle afin de justifier la nullité de la convention. [...]
[...] La Cour d'appel fait droit à la demande de la société en redressement judiciaire et annule donc la convention litigieuse pour violation des articles 101 et 103 de la loi de 1966 ; actuellement retranscrit dans les articles L.225-38 et L.225-40 du code de commerce. Un pourvoi est ainsi formé par le cocontractant, invoquant le bénéfice de la convention litigieuse. Il fait valoir d'une part l'existence d'une approbation tacite de la convention par l'assemblée générale des actionnaires. Cette approbation tacite se manifesterait par la connaissance nécessaire de la convention par les actionnaires. D'autre part, il cherche à faire entendre l'autorisation du Conseil d'administration du seul fait de la connaissance pleine et individuelle de celle-ci par les administrateurs. [...]
[...] Cette solution montre une réelle volonté d'infliger le respect formel des règles de procédure inscrites à l'article L 225-40 du code de commerce, afin de garantir la protection des tiers contractant. En effet, le droit des sociétés exige que les conventions réglementées fassent l'objet d'un contrôle, passant nécessairement par l'autorisation préalable du conseil d'administration de ces conventions. Cette procédure de contrôle devant le conseil s'effectue par un vote auquel l'intéressé, s'il est administrateur, ne peut pas participer. C'est ce qui est rappelé ici par la cour de cassation. [...]
[...] Le second moyen du pourvoi évoque aussi la question de la sanction du défaut d'autorisation du conseil d'administration et de la participation des administrateurs au vote. B. La sanction du défaut d'autorisation préalable du conseil d'administration L'argumentation du pourvoi énonce que la seule participation des administrateurs intéressés au vote n'est pas en soi une cause de nullité de la convention dés lors que cela n'influence pas l'autorisation préalable du conseil. La cour de cassation elle semble ne pas interpréter de la même manière que le cocontractant l'article L 225-42 du code de commerce puisqu'elle admet que la cour d'appel est annulée la convention : à bon droit la cour d'appel a légalement justifié sa décision Ainsi, la conséquence du non respect de l'autorisation préalable du conseil d'administration et en particulier la participation d'administrateurs intéressés au vote réside dans la nullité de cette convention. [...]
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